Aller au contenu principal
x

Tirer le meilleur de l’intelligence du bâtiment

9 septembre 2024
Par Sandra Soucy

L’intelligence du bâtiment se profile plus que jamais comme l’une des clés incontournables pour réussir la transition énergétique et optimiser l'expérience de l'occupant.

Apparaissant de plus en plus comme une solution intégrale aux enjeux contemporains de durabilité et d'efficacité énergétique, le bâtiment intelligent intègre des outils technologiques s'appuyant sur les données opérationnelles en vue de faciliter la prise de décision en matière d'exploitation, mais aussi d'optimiser le confort et la sécurité des occupants.

Même s'il reste encore beaucoup à faire, force est de constater qu'un bon bout de chemin a été parcouru depuis l'époque où les technologies étaient décentralisées dans les immeubles. « Il n'y avait aucune interaction entre les différents systèmes et peu d'informations disponibles pour guider les équipes d'opération, souligne d'entrée de jeu Simon Fournier, président d’ACCS. De plus, au fil du temps, la mécanique du bâtiment s'est complexifiée considérablement, notamment en raison des ambitions en matière de décarbonation. Il est entendu que le maintien des systèmes CVAC à des niveaux optimaux est d’autant plus important, d'où le recours aux technologies de contrôle pour nous permettre de relever les défis au quotidien. »

« Et toutes ces données s'acheminent de plus en plus vers le cloud, poursuit-il, pour alimenter divers logiciels qui analyseront le big data afin de parvenir à diagnostiquer des enjeux plus complexes. Et ultimement, l'étape suivante consistera à arrimer l'intelligence artificielle (IA) pour aider les opérateurs dans le fonctionnement de leurs immeubles. »

Concrètement, le développement en continu de toutes ces technologies appelle certains ajustements. À cet égard, Pascal Véronneau, associé principal chez Energénia, soulève pertinemment la question de l'utilisation efficace des technologies au quotidien : « Il ne fait aucun doute que de plus en plus de technologies se développent, dont certaines très prometteuses, mais de là à pouvoir les implanter avec succès, il y a une marge. Nous connaissons de belles avancées en matière de stockage de données, d'augmentation de la puissance des équipements pour les calculs, de nouvelles interfaces, mais utilise-t-on les technologies à leur plein potentiel ? Je ne crois pas, non ! Je dirais même que les outils évoluent plus vite que leur utilisation. »

Faire les bons choix, pas une mince tâche

Comme le fait remarquer cet expert, plusieurs solutions sont proposées, mais l'implantation de l'IA dans un bâtiment existant n'est pas chose aisée. « Ni pour les ingénieurs et encore moins pour les propriétaires immobiliers, affirme-t-il. En fait, plus l'offre évolue, plus on voit chaque fabricant proposer sa solution. »

Constat semblable du côté de Dominic Turgeon, ingénieur de projet chez Ressources naturelles Canada : « Il existe beaucoup d'outils et de fournisseurs d'outils dans le marché, mais en contrepartie, il n'y a pas encore de normes ou de standards, de telle sorte que du point de vue du client, il est plus difficile de savoir quoi chercher et de bien évaluer ce qui existe sur le marché. Conséquemment, ça complexifie la tâche d'une organisation qui voudrait implanter ce genre d'outils. »

L'innovation technologique

Certes, un bâtiment intelligent ne saurait se priver des meilleures technologies nécessaires à l'optimisation de l'expérience de ses utilisateurs. Comme l'indique Dominic Turgeon, d'importantes avancées, à ce jour, se poursuivent sans relâche et celles-ci tendent à se répartir en trois catégories, soit : tout ce qui touche aux systèmes d'information sur l'énergie, les outils de détection de fautes et les outils d'optimisation de système.

« Mais la tendance qui se dessine à plus ou moins long terme se trouve, pour l'heure, au stade de recherche », ajoute Étienne Saloux, chercheur scientifique en bâtiments intelligents chez Ressources naturelles Canada.

Il sera donc question de modélisation, à savoir de la capacité d'utiliser les données opérationnelles pour faire des modèles qui serviront à prédire les paramètres définis par l'usager, notamment en matière de confort et d'énergie, et de l'ajustement des systèmes pour les atteindre. Ces mêmes modèles pourraient aussi contribuer à la maintenance prédictive, en prévoyant les bris d'équipements, par exemple, ce qui permettrait de planifier des interventions de maintenance avant qu'un dysfonctionnement majeur ne se produise, évitant ainsi les pannes coûteuses tout en prolongeant la durée de vie des équipements.

L'intelligence artificielle apparaît de plus en plus comme une solution intégrale aux enjeux contemporains de durabilité et d'efficacité énergétique.

Grâce à sa capacité à optimiser l'énergie et le confort, le bâtiment vertueux et connecté permet de réduire les coûts énergétiques, d'améliorer la qualité de vie des occupants autant dans les constructions neuves qu'existantes. Mais ce sont d'abord les nouveaux bâtiments qui bénéficieront davantage de la nouvelle vague d'innovations numériques utilisées en soutien à la mise en service du bâtiment et qui favorisent aussi la réduction de la consommation énergétique. Alors que du côté de l'existant, il sera possible de rendre un bâtiment intelligent d'un point de vue énergétique.

« C'est ce que l'on nomme l'intelligence énergétique », ajoute Loïc Angot, directeur de la stratégie chez Fusion Énergie, firme maintenant intégrée à Lemay. « Le nerf de la guerre pour nous, c'est de créer des économies et une des manières pour y parvenir, c'est de bien gérer la demande d'électricité avec un système intelligent qui s'adapte. Avec une remise en service des contrôles, nous parvenons à générer beaucoup d'économies très rapidement, et ce, sans changer d'équipements. »

Maintenance proactive

Afin d'optimiser le confort des occupants, tant dans les constructions neuves qu'existantes, Pascal Véronneau confirme la pertinence d'effectuer une vigie en se servant, notamment, d'indicateurs de performance sur le respect des températures et des taux de ventilation. « Typiquement, ce qu'un bâtiment intelligent va faire, c'est qu'il émettra, aux gestionnaires, des alertes en temps réel concernant des problèmes émergents avant même que les occupants ne s'en rendent compte. On passe ainsi d'un mode d'entretien réactif vers un mode plus proactif. »

Chose certaine, les nouveaux bâtiments pourront profiter pleinement de la nouvelle vague d'intégrations de contrôles avancées. Par ailleurs, on ne saurait trop souligner la nécessité de définir clairement les objectifs. Comment? « Avec un bon travail en amont, répond sans détour Simon Fournier. Et surtout, ne pas hésiter à parler avec les professionnels et les propriétaires afin d'identifier précisément les objectifs stratégiques qu'ils veulent atteindre. »

Description et crédit

« Mais aussi, ajoute Pascal Véronneau, de choisir des équipements flexibles, c'est-à-dire programmables, qui pourront être utilisés dans le temps et non pas destinés à devenir une espèce de cul-de-sac technologique. » Et qu'en est-il de leur intégration dans les bâtiments existants? Pascal Véronneau répond en toute connaissance de cause : « L'un des principaux enjeux pourrait consister à investir dans un système de contrôle et que, quelques années plus tard, suivant un réaménagement majeur par exemple, il faille remplacer les équipements contrôlés par ce système. Voilà ce qui pourrait être un frein, selon moi, à l'implantation de l'intelligence de bâtiment dans un bâtiment existant. En outre, cela pourrait engendrer de l'incertitude relativement à la pérennité des aménagements actuels. »

Chaque bâtiment étant unique, il n'existe pas de solution toute faite qui répondrait à tous les besoins. « C'est du cas par cas, précise l’expert d’Energénia. D'où la nécessité de parler avec le client pour évaluer l'état actuel des équipements, par exemple, et d'estimer les gains potentiels que l'on obtiendrait en les modernisant pour y ajouter de l'intelligence du bâtiment. Puis, finalement, s'enquérir du plan envisagé pour le futur du bâtiment. »

Marche à suivre

Afin de pouvoir profiter pleinement de l'intelligence du bâtiment, il conviendra non seulement d'agir en amont des projets, mais aussi de participer à des ateliers de création avec les professionnels. « Et surtout de bien comprendre les besoins du client dès le départ. Comprendre les enjeux et les objectifs avant toute chose permettra de mettre les bases pour le bâtiment intelligent de demain », indique Simon Fournier.

Et de renchérir Pascal Véronneau : « On voit beaucoup de bâtiments qui ont de très beaux systèmes, mais qui sont vraiment sous-utilisés, peut-être par manque de ressources ou plus souvent par manque de formation. D'où l'importance de prévoir la formation, de prévoir la sensibilisation et ensuite de prévoir le suivi ! »

Aux yeux de Simon Fournier, les stratégies écoénergétiques pouvant être déployées s'articulent principalement autour de trois axes importants, à savoir l'optimisation de la production d'énergie, l’optimisation de la consommation selon l’occupation et l’usage en temps réel ainsi que la gestion des sources d’énergie et des appels de puissance.

Et de conclure Loïc Angot : « Les principales stratégies sont liées, bien entendu, au contrôle optimal des équipements mécaniques. Il y aurait beaucoup de stratégies à partager, mais ce qu'il faut comprendre principalement, c'est qu'on veut faire travailler les équipements selon leur fonctionnement optimal. »


Intelligence économique

Une gestion centralisée des équipements énergétiques dans un bâtiment intelligent pourrait contribuer à une réduction pouvant atteindre 20 % de la facture énergétique avec une possibilité de retour sur investissement de l'ordre de deux à trois ans. Comme l'explique Simon Fournier, « de 0 % à 20 %, c'est une plage possible d'optimisation énergétique (RCx) lorsqu'un système de contrôle est implanté. Cependant, il est important d’effectuer une surveillance en continu afin de maintenir les économies et d’éviter toute dérive. »

Les avancées
  • L'analytique de données (big data)
  • L'intelligence artificielle (IA) et la possibilité d'intégrer la puissance des outils d'IA pour automatiser le suivi des bâtiments de manière prédictive plutôt que réactive
  • Le volet intégration incluant la préparation des structures de données afin de faire agir l'intelligence artificielle
  • Diminution des coûts liés au stockage de données
  • Émergence des outils analytiques et des capteurs sans fil
  • Émergence et intégration des techniques de modélisation avancée et d'intelligence artificielle aux contrôles existants
  • Utilisation de systèmes de contrôle de manière intelligente afin de mieux gérer la puissance électrique, de réduire les consommations énergétiques en vue de la décarbonation
Optimisation de l’environnement bâti
  • Projets de remise en service et mise en service en continu des bâtiments
  • Installation d'outils type systèmes d'information et de gestion de l'énergie
  • Intégration des données opérationnelles dans la gestion de l'entretien
  • Évolution vers un mode proactif et prédictif vs un mode réactif et préventif
  • Mesurage
  • La gestion de pointe
  • La priorisation des équipements performants
  • Réutilisation dans la mesure du possible de ce qui est existant