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Systèmes électromécaniques : recommissioning stratégique

8 octobre 2024
Par Jean Garon

Les performances économiques, stratégiques et environnementales d’un immeuble peuvent être optimisées par une simple remise au point de ses systèmes électromécaniques (recommissioning). Marche à suivre.

« Généralement, indique d’entrée de jeu le spécialiste Benoit Beauchamp de la firme TST, le recommissioning s’applique bien dans tous les bâtiments dont les systèmes mécaniques ne sont pas désuets ou en fin de vie. Ça vise principalement la révision du fonctionnement des équipements en place pour en améliorer les performances. »

Plus spécifiquement, ça s’adresse à tous les types de bâtiments qui disposent d’un système de contrôle automatisé centralisé où les consignes d’opération sont programmées, et dont les performances peuvent être suivies et mesurées. Bref, c’est comme une révision des opérations lors de la mise en service des systèmes électromécaniques du bâtiment (commissioning) ou en l’absence d’une mise en service initiale du bâtiment (rétrocommissioning).

« Tous les types de bâtiments s’y prêtent, rappelle pour sa part Mélissa Théorêt, conseillère principale expertise énergétique chez Énergir. Mais plus particulièrement les bâtiments d’une certaine taille, qui prennent de l’âge, dont les équipements sont plus complexes ou qui ont besoin d’une remise aux normes. Généralement, c’est davantage profitable pour les bâtiments énergivores qui ont eu un peu moins d’amour en termes d’entretien et de maintenance au fil des ans. »

Mélissa Théorêt, conseillère principale expertise énergétique chez Énergir et Benoit Beauchamp de la firme TST.

En passant, les propriétaires et gestionnaires d’immeubles peuvent évaluer eux-mêmes la pertinence d’une telle intervention en utilisant l’outil diagnostic gratuit produit par CanmetÉNERGIE et téléchargeable sur le site de Ressources naturelles Canada. Tel qu’indiqué sur le site de référence Mise Au Point De Bâtiments Existants Outil De Présélection (canada.ca), « cet outil de présélection a été développé pour aider à identifier les bâtiments existants les plus propices à une mise au point en évaluant à la fois le potentiel d’amélioration et le niveau de préparation pour un projet éventuel. Il est conçu pour être utilisé à l’étape de la planification du processus normalisé de mise au point de bâtiments existants. »

Des mesures d’optimisation

La première chose à considérer en recommissioning, c’est éviter le gaspillage et réduire les besoins, ce qui peut impliquer des ajustements des points de consignes ou de l’horaire d’occupation du bâtiment ou de sa vocation. Un système qui fonctionne 24 h/24 et 7 j/7 alors que l’opération ou l’occupation du bâtiment se passe seulement de 8 h à 17 h le jour est un bon exemple de gaspillage.

Un autre exemple classique, ajoute Benoit Beauchamp : un éclairage activé 24 h/24 alors qu’il peut être programmé selon un horaire précis d’utilisation. Donc, au lieu d’être en opération 168 heures par semaine, par exemple, l’éclairage peut être programmé pour 60 h par semaine, économisant ainsi plus d’une centaine d’heures de consommation d’énergie.

« Il y a souvent des séquences variables programmables sur le système de contrôle qui ne varient jamais, déplore-t-il. Soit parce que la commande a été enregistrée de façon manuelle, soit parce qu’elle n’a pas été optimisée pour générer des économies d’énergie.

Systèmes électromécaniques : recommissioning stratégique

Et d’ajouter : « Il peut y avoir aussi des mesures d’optimisation impliquant de faibles investissements pour bonifier les systèmes en place par un simple ajout d’un entraînement à fréquence variable sur un système qui n’en a pas. Par exemple, un système à débit constant peut être optimisé en ajoutant un entraînement à fréquence variable qui module le débit du fluide en fonction des besoins. »

Marche à suivre en cinq étapes

Premièrement, il est important de qualifier le ou les bâtiments les plus propices à une opération de recommissioning et admissibles à une aide financière. Cela implique d’abord que l’opération de cette remise au point soit réalisée par un professionnel accrédité auprès des instances subventionnaires sous certaines conditions.

Voici les autres étapes à suivre :

  • la planification du projet, incluant la documentation technique de l’évaluation du bâtiment visé et de ses systèmes, les ressources impliquées, incluant l’engagement du professionnel accrédité qui aura finalisé avec le propriétaire le plan de recommissioning et la demande d’aide financière;
  • l’investigation détaillée de l’état du bâtiment et de ses systèmes, incluant la liste des mesures préconisées à implanter, le calcul des économies d’énergie projetées et les périodes de rendement de l’investissement;
  • l’implantation des mesures choisies et approuvées par le propriétaire dans le plan d’implantation suggéré par le professionnel;
  • le transfert d’information au propriétaire et à son équipe, incluant le matériel de formation du personnel d’opération et de maintenance, ainsi que le suivi du projet pour une durée déterminée (une ou plusieurs années) par la mise en œuvre de stratégies de surveillance de l’intensité énergétique du bâtiment afin de mesurer les progrès.

Une stratégie payante

Une opération de recommissioning vaut toujours la peine, selon les deux spécialistes consultés. « C’est presque inévitable que ça devienne un moyen efficace pour décarboner en partie les bâtiments existants », affirme Benoit Beauchamp.

« Il est vrai que l’on peut faire un projet de décarbonation avec la thermopompe la plus performante sur le marché, renchérit Mélissa Théorêt, mais si le système de contrôle électromécanique existant n’opère pas bien ou ne fonctionne pas de façon optimale, les performances ne seront pas au rendez-vous. De là l’importance d’une remise au point des systèmes mécaniques avant le déploiement de projets d’investissement en capital. »

Les bénéfices
  • Réduction de la consommation d’énergie
  • Diminution des coûts énergétiques
  • Réduction des coûts d’opération et de maintenance
  • Réduction des émissions de GES
  • Augmentation de la valeur de l’actif du propriétaire
  • Rehaussement du niveau de confort pour les occupants
  • Identification des priorités d’investissements en fonction des besoins de l’organisation
  • Amélioration de la compréhension de l’opération des systèmes et de leur entretien
  • Pérennisation du suivi des opérations et de la maintenance des équipements
Mesures à considérer
  • Toutes les mesures qui visent à réduire le gaspillage d’énergie
  • Toutes les mesures qui optimisent le fonctionnement des systèmes en place
  • Toutes les mesures ponctuelles qui assurent des économies d’énergie
Des incitatifs financiers

« Chez Énergir, ça fait une dizaine d’années que l’on offre un programme d’aide financière en recommissioning, note Mélissa Théorêt. Et cette année, nous avons demandé à la Régie de l’énergie de rehausser la valeur de notre aide financière à 75 % des dépenses admissibles et à un dollar le mètre cube de gaz économisé par les mesures implantées. Ces modalités pourraient être en vigueur dès le début de 2025. C’est signe qu’Énergir attache de l’importance à cette démarche. » Le gouvernement du Québec aussi une aide financière pour le recommissioning par l’entremise de son programme ÉcoPerformance, qui accorde offre une aide jusqu’à 75 000 dollars sous différentes conditions.

Généralement, un projet de recommissioning n’implique pas de gros investissements, assure Benoit Beauchamp, mais il peut procurer des économies d’énergie allant de 5 à 15 % sur les coûts énergétiques. Ça peut même aller jusqu’à 20 ou 30 % d’économies. À cela peuvent s’ajouter des économies sur les coûts d’entretien et d’investissement sur les immobilisations futures par des remplacements d’équipements, y compris ceux souvent négligés touchant l’éclairage des bâtiments.

Quant au rendement sur l’investissement, on parle de 0 à 3 ans en général dans les cas de remplacemen d’équipements. En recommissioning, les économies sont souvent générées sans coût d’investissement, donc amortissables seulement ou principalement en coûts d’honoraires professionnels et de formation du personnel. La question qui se pose donc à tout propriétaire ou gestionnaire d’immeubles :
Est-ce que ça vaut la peine de se passer d’une remise au point de ses systèmes électromécaniques ? La réponse dépend de l’état et de la qualité de fonctionnement du bâtiment ou de ses performances énergétiques.