Le bois : un matériau à la hauteur des défis climatiques, sociaux et économiques

Pour le Fonds immobilier de solidarité FTQ, l’utilisation du bois peut être un levier pour protéger les bâtiments contre les risques environnementaux, économiques et réglementaires. En effet, les hausses des coûts énergétiques, la taxe carbone et les primes d’assurance qui risquent d’augmenter, sans oublier les normes plus strictes en matière de performance énergétique qui vont progressivement s’installer, posent de véritables défis à long terme pour les propriétaires d’immeubles traditionnels.

Gestion durable des forêts : un équilibre essentiel

Dans le cadre de sa série Bâtir durable, le Fonds immobilier de solidarité FTQ a présenté en 2024 une demi-journée de conférences portant sur les enjeux et défis de la construction en bois. Le premier conférencier, André Gravel, président de la Société de gestion d’actifs forestiers Solifor, a d’abord mis de l’avant l’importance d’une gestion durable des forêts, première clé de la résilience face aux changements climatiques. Il a rappelé que l’équilibre entre l’économie, l’environnement et le social est fondamental : « La durabilité, c’est chercher un équilibre entre le social, l’économique et l’environnement pour créer une gestion forestière qui respecte les communautés, génère des emplois et protège la biodiversité », a-t-il dit. Solifor, une filiale du Fonds de solidarité FTQ, gère 210 000 hectares de forêts, soit quatre fois et demie la superficie de l’île de Montréal, en collaboration avec divers acteurs locaux, dont les communautés autochtones, pour promouvoir une sylviculture responsable et une valorisation optimale du bois.

La construction en bois au Québec peut être une des réponses à l’évolution vers le durable

Louis Poliquin, directeur de Cecobois, un centre d’expertise sur l’utilisation du bois dans la construction qui offre du soutien aux professionnels de l’industrie, a quant à lui décrit l’évolution de la construction en bois au Québec. Historiquement confinée aux maisons unifamiliales, l’utilisation du bois s’étend aujourd’hui à des bâtiments non résidentiels et même de grande hauteur. Le bois, ressource locale et renouvelable, joue un rôle crucial dans la lutte contre les changements climatiques. Le directeur de Cecobois a souligné que les avancées technologiques, telles que le bois d’ingénierie (comme le CLT et le LVL), permettent désormais des constructions plus robustes, performantes et sécuritaires. « Le bois est une ressource renouvelable, locale, transformée localement, qui contribue à l’économie régionale, tout en offrant une solution efficace à la lutte contre les changements climatiques grâce à son faible impact carbone », a-t-il expliqué.

Faciliter la construction en bois : le rôle de la Régie du bâtiment du Québec

Le processus réglementaire en matière de construction en bois n’est pas exempt de défis. Silvia Garcia, vice-présidente, réglementation et innovation de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), a rappelé que le rôle de la Régie est de favoriser l’innovation tout en garantissant la sécurité. Pour y arriver, elle intègre divers partenaires, tels que des associations professionnelles, des municipalités et des chercheurs, dans ses comités pour s’assurer que les solutions proposées répondent à cet enjeu. La RBQ procède par étapes pour intégrer des innovations à la réglementation, en utilisant des guides provisoires avant leur adoption officielle. Par exemple, cela a permis d’introduire la construction en bois jusqu’à 12 étages et bientôt davantage. « On est vraiment là pour accompagner l'industrie le plus possible afin de ne pas être le frein que plusieurs pensent qu'on est, mais au contraire, être une solution pour la construction en bois », a précisé Silvia Garcia. La RBQ collabore également avec les autres provinces pour unifier les codes de construction, favorisant ainsi la mobilité de la main-d'œuvre et le développement économique.

L'impact de la recherche et de l’innovation sur la construction en bois

Sylvain Gagnon, gestionnaire, systèmes de construction, chez FPInnovations, a mis en lumière l’importance de la recherche et du développement (R&D) pour soutenir l’essor de la construction en bois. Les innovations comme le CLT (Cross Laminated Timber) et le DLT (Dowel Laminated Timber) ont permis de démontrer la viabilité du bois pour des structures de grande hauteur, tout en respectant des normes strictes de sécurité. Les produits du bois, comme tous les produits, suivent un cycle de vie (introduction, croissance, maturité, déclin). Les innovations en cours cherchent à prolonger la durée de vie des matériaux, par exemple en augmentant leur épaisseur ou leurs dimensions. « On doit investir en R&D au début pendant l’introduction et aussi quand on arrive à maturité. Il faut vraiment toujours essayer de mettre à jour notre produit », a souligné Sylvain Gagnon. Le développement des systèmes en bois massif inclut la conformité aux normes de sécurité (séisme, incendie, structure). Cela a permis une adoption croissante de constructions allant jusqu’à 18 étages et plus.

Réduire le carbone intrinsèque des bâtiments : un impératif écologique

La question du carbone intrinsèque des bâtiments, un enjeu crucial pour la réduction de l’empreinte carbone, a été abordée par Caroline Frenette, gestionnaire senior, construction durable et formation chez Cecobois. La construction en bois permet de capter et stocker du carbone tout au long du cycle de vie du bâtiment, contrairement aux matériaux comme le béton et l’acier, qui génèrent de grandes quantités d’émissions de CO₂ lors de leur production, a expliqué la spécialiste. « On regarde l'ensemble du bâtiment, l'ensemble du concept, et on se dit que mon bâtiment doit émettre moins, ce n’est pas juste de regarder un matériau à la fois », a précisé Caroline Frenette. Le concept build clean est utilisé pour désigner la construction en choisissant les matériaux à faible empreinte carbone dans un ensemble de matériaux. L’analyse du cycle de vie (ACV) peut aider à faire les meilleurs choix. Un outil gratuit et accessible en ligne, Gestimat 2.0, a été développé pour aider les professionnels à évaluer l'impact carbone des matériaux dans la construction, basé sur des données spécifiques pour le Québec.

Perspectives et succès de la construction en bois au Québec

L’événement s’est conclu par un panel de discussion faisant ressortir une conviction partagée : la construction en bois est un choix stratégique qui doit être pensé dès le début d’un projet. Sylvain Gagnon a souligné qu’une planification préalable en bois permet d’éviter des erreurs coûteuses liées à une adaptation tardive. Pour Frédéric Verreault, vice-président aux affaires corporatives des Chantiers de Chibougamau, le marché de la construction en bois est mûr et offre maintenant une proposition compétitive pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. « Je pense que sur le plan financier, on n’a aucun complexe à avoir. On a une proposition qui est extrêmement compétitive et ça vaut la peine de faire le pari dès le jour zéro. On a une solution qui est mature, qui est testée et qui remplit ses promesses de réduction des émissions de gaz. »

En conclusion, Serge Cormier, vice-président ESG, création de valeur et immobilier durable, au Fonds immobilier de solidarité FTQ, a rappelé que la réglementation, comme le Projet de loi n° 41 sur la performance environnementale des bâtiments, influencera également la valeur des actifs immobiliers en tenant compte du carbone intrinsèque des matériaux utilisés. Le bois est donc bien plus qu'un simple matériau de construction : il est une solution durable et stratégique face aux enjeux environnementaux et économiques actuels.