Qui dit bâtiment durable dit luminosité naturelle abondante et larges vues sur l’extérieur, mais en même temps haute performance énergétique. D’où l’importance de trouver l’équilibre, en mode solutions.
La fenestration joue un rôle paradoxal dans la construction durable. D’un côté, on veut une fenestration généreuse pour favoriser l’apport de lumière naturelle, et de l’autre, on veut la limiter pour augmenter la performance thermique du bâtiment. On pourrait penser qu’il n’y a pas de rose sans épine… Et s’il en était autrement ?
La fenestration, c’est bien connu, demeure le maillon faible en matière de performance thermique de l’enveloppe des bâtiments. C’est pourtant cette particularité qui rend les efforts de développement aussi intéressants aux yeux de Jean-Michel Dussault, président-directeur général et ingénieur principal chez Veridis Solutions, et de Guillaume Drouin-Chartier, architecte associé et directeur Innovation chez Groupe A.
Solutions simples
Avant de plonger dans les nouvelles technologies disponibles, Guillaume Drouin-Chartier avance qu’il faut d’abord s’assurer de bien penser la conception dès le départ. Pour lui, l’avenir réside dans les solutions simples. « Ça peut être aussi simple que de planter un arbre devant une fenêtre orientée plein sud pour filtrer le rayonnement solaire en été », souligne-t-il, rappelant qu’il s’agit d’un choix conceptuel à la fois écologique et économique. L’architecte mentionne également les fenêtres ouvrantes, qui constituent selon lui un autre choix passif, une solution pourtant évitée dans les bâtiments commerciaux.
« Une fenêtre qui ne s’ouvre pas, précise-t-il, il n’y a rien de pire pour la résilience d’un bâtiment, et en même temps, il n’y a rien de plus simple. »
« Jusqu’à tout récemment, on ne vivait pas tellement l’impact des changements climatiques au jour le jour, comme les vagues de chaleur extrême pendant plusieurs jours, les feux de forêt, les vents très forts lors de tempête de pluie en été », fait remarquer l’architecte pour expliquer l’intérêt grandissant des clients pour l’utilisation de principes bioclimatiques dans le positionnement et le choix des vitrages.
Ce n’est donc pas tant pour lui une question de réduire le vitrage, mais de le positionner de manière stratégique afin de maximiser ses avantages et de limiter ses inconvénients.
« Prenons une même quantité de vitrage : on va avoir des résultats très différents si on a une façade 100 % vitrée du côté sud ou 100 % vitrée du côté nord, parce qu’on n’a pas du tout la même quantité de rayonnement solaire », précise Guillaume Drouin-Chartier, qui souhaite que le code évolue afin de considérer davantage cette façon de faire, en prescrivant, par exemple, des seuils de superficies de vitrages ou de valeurs thermiques selon l’orientation des différentes façades d’un bâtiment.
Confort des occupants
« Il y a des paramètres des produits de fenestration qui ont davantage été mis de l’avant par le passé, par exemple le coefficient U, qui quantifie le taux de transmission thermique d’une fenêtre », indique pour sa part Jean-Michel Dussault, ajoutant qu’il est en quelque sorte devenu un point de départ de la conception. Il note toutefois qu’au-delà de la performance thermique, on s’intéresse de plus en plus aux autres impacts de la fenestration en matière de confort et de santé des occupants.
« On peut avoir des vitrages doubles qui ont un coefficient U extrêmement bon, mais quand on regarde au niveau du verre triple, on arrive alors avec des températures de surface intérieure plus chaudes, ce qui est plus intéressant du point de vue du confort des occupants », nuance-t-il, ajoutant qu’une température intérieure plus chaude réduit également le risque de condensation.
Autre paradoxe : en contexte québécois, on veut à la fois utiliser le vitrage pour laisser entrer le soleil à l’intérieur et contribuer au chauffage du bâtiment, mais avec les changements climatiques, on veut aussi pouvoir faire face aux événements de surchauffe qui deviendront de plus en plus fréquents en saison estivale. « C’est là qu’on réalise qu’un bâtiment c’est vivant, alors qu’une fenêtre a des performances fixes », fait valoir Jean-Michel Dussault, montrant l’importance d’évaluer la performance d’un bâtiment sur une année complète afin de faire de meilleurs choix de conception en matière de fenestration.
Jouer sur l’épaisseur
« Dans la commande publique, depuis environ cinq ans, nos clients nous demandent de prévoir du verre triple », fait remarquer Guillaume Drouin-Chartier, ce qui augmente l’efficacité des fenêtres par l’ajout d’une couche supplémentaire. Pour l’architecte, il s’agit d’une autre solution à la fois simple et très performante qui aide également l’inertie thermique du bâtiment, élément crucial lors d’évènements climatiques extrêmes qui causent souvent des pannes d’électricité, ce qui affecte directement les systèmes de climatisation ou de chauffage. Imaginons par exemple une panne de courant causée par des feux de forêt en pleine canicule : un bâtiment conçu pour être climatisé, avec des fenêtres fixes, devient un véritable four au bout de quelques heures. Jean-Michel Dussault approuve.
« Aujourd’hui, les bâtiments performants vont avoir des vitrages triples avec une à deux pellicules à faible émissivité (Low-E) dans le vitrage et de l’argon comme gaz à l’intérieur », renchérit-il, précisant qu’il s’agit d’un produit largement accessible qui sert même de référence dans l’industrie.
Parmi les nouveaux produits, mentionnons aussi le vitrage sous vide qui, au lieu d’augmenter l’épaisseur du vitrage, permet plutôt de la réduire. « Ce sont deux verres séparés par une fine lame de vide qui va fortement limiter le transfert de chaleur par conduction et convection », explique le PDG de Veridis Solutions, qui voit un intérêt grandissant pour cette technologie auprès de ses clients.
En y ajoutant une pellicule Low-E, on peut également empêcher le transfert de chaleur par radiation. À ses yeux, cette technologie est particulièrement intéressante en contexte de remplacement de fenêtres à verre simple, puisqu’elle offre de meilleures performances pour un poids égal sans avoir à repenser le système de fenestration dans son ensemble. Guillaume Drouin-Chartier y voit quant à lui un autre avantage : celui de la réduction des matières. « Il reste à voir l’analyse de cycle de vie, mais généralement, quand on utilise moins de matériaux, on réduit aussi notre empreinte environnementale », estime l’architecte.
Habiller le verre
Une façon efficace de contrôler les gains solaires demeure souvent sous-estimée, soit l’installation de stores. Éprouvée depuis longtemps, cette solution peut être intégrée directement entre deux vitrages et même contrôlée de manière dynamique afin de s’adapter aux besoins des usagers ou aux conditions ambiantes changeantes.
« C’est une technologie que l’on voit beaucoup dans les projets hospitaliers, observe Guillaume Drouin-Chartier. Étant donné que le store n’est pas accessible à la clientèle, il y a moins de risque de bris ou d’accumulation de poussière. Il aide aussi à contrôler l’intimité. » Ces stores peuvent facilement être couplés à des capteurs d’occupation qui permettent de voir si les lieux sont utilisés ou non, rendant ainsi encore plus efficace le contrôle des gains solaires.
Une autre technologie similaire qui existe déjà et a beaucoup évolué dans le temps est la sérigraphie. Jusqu’à tout récemment, les fabricants devaient appliquer la sérigraphie sur les faces de vitrage à l’intérieur du thermos pour des questions de durabilité. Il y a quelques années, certains fabricants ont commencé à développer une encre assez résistante pour être appliquée à l’extérieur, exposée aux intempéries, ce qui offre de nouveaux avantages pour limiter les gains solaires.
« Lorsqu’on vise à limiter les gains solaires, il est préférable de contrôler le rayonnement le plus à l’extérieur possible, car à partir du moment où le rayonnement entre dans l’enveloppe, une partie va nécessairement se diriger vers l’intérieur », renchérit Jean-Michel Dussault.
Le même principe s’applique également à la pellicule Low-E, qui gagne à être positionnée au bon endroit dans le vitrage en fonction des besoins du bâtiment. Les pellicules Low-E ont deux principales fonctions, soit de limiter les transferts de chaleur (réduire le coefficient U des fenêtres) et de contrôler le rayonnement solaire (offrir des gains solaires élevés ou faibles, selon les besoins).
Afin de limiter les gains solaires au moyen de cette solution, une pellicule à gains solaires faibles doit être davantage installée vers l’extérieur du vitrage, plus précisément sur la surface intérieure du verre extérieur, et ce pour des raisons de préservation de la pellicule. L’inverse est aussi vrai. On peut maximiser les gains solaires avec un vitrage muni d’une pellicule Low-E à gains solaires élevés positionnée sur la surface extérieure du verre intérieur. Il existe aussi des Low-E utilisés sur la face exposée aux espaces intérieurs qui sont généralement de type pyrolitique, donc plus résistants. « Le défi avec l’ajout d’une telle pellicule placée sur la surface intérieure d’un vitrage, c’est qu’on réduit la température de cette surface, donc il peut y avoir des enjeux de condensation puisqu’elle est exposée aux conditions d’humidité intérieure », avise-t-il.
Vitrage intelligent
Une autre technologie intéressante en matière de fenestration est le vitrage intelligent, qui permet de changer l’opacité selon les circonstances et les besoins des usagers à l’aide d’un stimulus électrique qui change les propriétés du verre. « Ça fait longtemps que ça existe, mais leur complexité et leur coût freinent leur utilisation », explique Jean-Michel Dussault, qui compare ce produit aux fameuses lunettes Transition. Il est d’ailleurs impliqué dans un projet de recherche avec l’Université Laval sur les murs rideaux intelligents afin de contrôler les gains solaires.
Mais le vitrage le plus intelligent demeure sans doute celui qui répond le mieux aux différents paramètres du projet, tant d’un point de vue de l’efficacité, de la durabilité, de l’esthétique que de la fonction. « Les technologies dont on a parlé sont toutes intéressantes, mais en architecture, quand on utilise une technologie de contrôle des gains solaires ou de contrôle des pertes de chaleur, on veut toujours donner une double, une triple ou une quadruple fonction à ces moyens-là », précise Guillaume Drouin-Chartier.
L’architecte donne l’exemple du Centre intégré de cancérologie sur le site de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec, où le motif de sérigraphie développé pour le vitrage de la façade sud donnant sur la cour intérieure sert non seulement à mitiger les effets indésirables du rayonnement solaire, mais est inspiré par le voile de béton de la tour d’origine de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus en plus de créer un filtre d’intimité pour les patients et leurs proches qui peuvent vivre de grands chamboulements émotifs lors de l’annonce d’un diagnostic de cancer. Ce motif sert également à orienter les usagers dans le bâtiment. « Je crois que le vitrage doit aussi devenir un élément identitaire pour les usagers », conclut-il.
- Les fenêtres avec stores intégrés
- Les fenêtres avec vitrage sous vide
- Les fenêtres sérigraphiées
- Les fenêtres ouvrantes
- Penser à la résilience climatique du bâtiment
- Tester l’emplacement des fenêtres dans un logiciel de simulation
- Évaluer la performance thermique d’un bâtiment sur toute une année
- Penser aux solutions bioclimatiques
- Réfléchir aux différentes fonctions du vitrage
- Intégrer un vitrage contre la collision des oiseaux