Qui dit aluminium dit du même souffle durabilité. De là l’importance de considérer le coût total de possession au moment de l’intégrer dans le design d’un bâtiment.
L’aluminium est déjà bien présent dans le bâtiment au Québec, notamment du côté des murs-rideaux et des revêtements architecturaux. Mais il demeure encore sous-utilisé quand on pense à ses attributs écologiques et aux possibilités qu’il offre pour sortir des sentiers battus sur le plan du design. Pourquoi ? Principalement parce que la perception qu’il en coûte toujours plus cher d’y recourir est tenace.
C’est pourquoi AluQuébec, qui vise à favoriser une intégration accrue de l’aluminium dans le design des immeubles commerciaux, institutionnels et multirésidentiels en sol québécois, n’a pas fini de taper sur le clou de la durabilité du métal gris. Et sur l’importance de considérer son utilisation en ne se basant pas seulement sur le coût d’acquisition.
« Si on met des œillères et qu’on ne regarde que ce qu’il en coûte au départ, oui l’aluminium va paraître de prime abord plus dispendieux, indique Martin Charron, président-directeur général d’AluQuébec. Mais c’est un matériau qui dure très longtemps et qui nécessite peu de coûts sur l’ensemble de son cycle de vie, car il résiste à la corrosion, requiert peu d’entretien et contribue à la pérennité des bâtiments. »
Il importe donc de considérer l’intégration de l’aluminium dans une perspective de coût total de possession (CTP), soit l’ensemble des coûts liés au matériau sur l’ensemble de son cycle de vie utile. « Vu au travers de ce prisme, observe Martin Charron, il est clair que l’aluminium fait belle figure et que les donneurs d’ouvrage et les professionnels du bâtiment ont tout intérêt à l’utiliser davantage dans leurs projets. D’autant plus qu’il peut contribuer à l’élaboration de designs résolument innovants. »
Évaluation de l’ensemble des coûts
Le CTP, précisons-le, tient compte du coût total qu’une entreprise devra assumer pour exploiter un actif, et non seulement le montant à engager au moment de l’acquisition. Les coûts d’exploitation incluent notamment l’installation, l’entretien, la réparation, le remplacement de certains actifs et leur élimination.
« En calculant les coûts d’exploitation, il est important de rajuster les coûts futurs à la valeur actuelle, en tenant compte de la valeur de l’argent et du moment où les coûts sont engagés. De plus, il faut soustraire la valeur de récupération à la fin de la vie utile de l’actif », indique l’architecte Michel Cournoyer, chargé de projets principal chez Sauvé Poirier Architectes, et aussi économiste de la construction certifié AEÉCQ.
Cet expert note qu’il est important de calculer le CTP lorsque l’on compare les options d’investissement pour déterminer laquelle présente la meilleure valeur. « Une erreur que font fréquemment les entreprises au moment d’évaluer les investissements de capital est d’ignorer le CTP, dit-il, et de ne tenir compte que des coûts initiaux.
« Par exemple, illustre-t-il, un bâtiment A peut coûter moins cher que le B à la phase de construction. Mais des coûts d’exploitation plus économiques peuvent faire en sorte que le bâtiment B, en raison de l’intégration de meilleurs matériaux, ait une bien meilleure valeur. Il faut donc toujours prendre en compte les différences relatives à la durée de vie de l’actif. Ainsi, si la vie utile du bâtiment A est de cinq ans et que celle du bâtiment B est de 10 ans, alors ce dernier offrira probablement une meilleure valeur. »
Et l’analyse du CTP est-t-elle d’autant plus importante lorsqu’il s’agit de considérer l’utilisation de produits et systèmes en aluminium ? « Oui, répond Michel Cournoyer, notamment pour des bâtiments institutionnels ou encore dans des secteurs tels que l’hôtellerie. Car dans les cas où le propriétaire initial désire conserver son actif et le voir prendre de la valeur, il a intérêt à faire un investissement à long terme. »
Et dès lors que l’on désire donner de la valeur à un bâtiment, il faut faire une analyse de CTP et prendre en compte trois catégories de coûts. Ceux rattachés à l’acquisition ainsi qu’à l’entretien et à l’exploitation, bien sûr, mais aussi ceux qui devront être engagés pour l’élimination. Car trop souvent négligée, l’élimination comprend tous les coûts et revenus liés à la déconstruction, à la récupération et au recyclage d’un matériau ainsi qu’à la restauration du site.
Ainsi, lorsque vient le temps de trouver une solution de rechange à un matériau comme l’acier, par exemple pour un revêtement architectural, l’aluminium offre les mêmes avantages, mais souvent à moindre coût en bout de ligne, indique l’architecte et économiste de la construction. Et ce, en raison de sa légèreté, de sa protection contre la corrosion, de sa résilience (le matériau combine résistance et flexibilité) et de sa recyclabilité à faible empreinte carbone.
Disposition en fin de vie utile
« L’aluminium conserve une valeur de revente élevée et peut-être réutilisé ou recyclé indéfiniment sans perdre ses caractéristiques physiques, ce qui fait de son élimination une possibilité de production de recettes, observe Michel Cournoyer. En outre, la refonte de l’aluminium requiert peu d’énergie, car le processus de recyclage utilise seulement 5 % de l’énergie nécessaire pour produire le métal de première fusion. »
Pour lui, il ne fait pas de doute que la réalité du développement durable est toutefois diamétralement opposée à la philosophie prônée par certains promoteurs et investisseurs du secteur privé qui ne visent que les rendements à court terme, puisque leur investissement ne se base que sur le seul coût d’acquisition et une fiscalité avantageuse. Et que dès lors, ils optent pour un produit à meilleur prix, donc pour des matériaux peu coûteux et dont la durabilité est souvent questionnable.
« Le principe du plus bas soumissionnaire appliqué ici au Québec ne favorise évidemment pas une intégration accrue de l’aluminium dans les bâtiments, souligne-t-il. Toutefois, avec l’intérêt grandissant pour construire de façon plus durable, l’aluminium est certainement appelé à prendre une place plus importante que par les années passées. »
Martin Charron est bien d’accord : « La règle du plus bas soumissionnaire fait que l’on choisit des matériaux au détriment de la qualité et de la durabilité, conclut le pdg d’AluQuébec. C’est pour cela qu’il faut nécessairement en venir à ce que le coût total de possession de l’aluminium soit davantage considéré, tout comme sa faible empreinte environnementale. »
L’aluminium produit à l’électrolyse au Québec, donc à partir de l’énergie hydroélectrique, affiche la plus faible empreinte carbone dans le monde pour ce type de matériau. De savoir que la production d’une tonne d’aluminium québécois émet 2 tonnes d’équivalent CO2, par rapport à 16 tonnes d’équivalent CO2 en Chine, où l’énergie utilisée pour le produire est le charbon, suffit vite à en prendre la mesure.
« C’est un matériau tout désigné pour être intégré dans les bâtiments durables, plus particulièrement dans le cadre de projets visant des certifications environnementales telles que LEED. Non seulement en raison de son empreinte carbone réduite, mais aussi parce qu’il est recyclable à l’infini en fin de vie utile », indique Martin Charron, en rappelant que quatre déclarations environnementales de produits (DEP) génériques ont été publiées, fin 2019, à l’initiative d’AluQuébec.
Ces DEP, produites sur la base d’une analyse de cycle de vie, couvrent quatre grandes familles de produits et systèmes : murs-rideaux; portes; fenêtres; et revêtements/panneaux architecturaux.
La méthode du coût total de possession (CTP) évalue les solutions de rechange en tenant compte de tous les coûts attribuables à un projet au cours de sa durée de vie. La méthodologie CTP est la valeur actualisée des flux monétaires. Et elle comporte de nombreux avantages, dont notamment les suivants :
- elle permet d’évaluer le coût de la durée de vie d’un projet et intègre la valeur temps de l’argent pour évaluer de façon égale l’acquisition, l’entretien et l’élimination;
- elle permet d’évaluer séparément différents éléments ou synergies (coûts) d’un projet pour une entreprise.
Dans certains cas, la fiscalité, les subventions et les pratiques comptables peuvent profiter au coût d’acquisition par rapport aux dépenses liées à l’entretien. Mais les impôts et les appuis financiers gouvernementaux peuvent grandement varier au fil du temps et, aussi, selon l’emplacement géographique. Voilà pourquoi les flux monétaires et les débours demeurent la meilleure manière d’évaluer un projet.