CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
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Les environnements de travail du futur seront fort probablement le résultat d'une métamorphose radicale de ce que nous en connaissons aujourd'hui et, par conséquent, découleront d'une investigation poussée des concepts qui leur sont propres.
La redéfinition de ces environnements nécessitera inévitablement une meilleure connaissance des interactions entre l'occupant et le bâtiment, connaissance qui pourra entre autres être acquise dans le cadre d'études post-occupationnelles (EPO).
Processus systématique et rigoureux d'évaluation d'un bâtiment après que celui-ci aura été construit et occupé pendant un certain temps, les EPO ont en effet le potentiel de révéler une foule de renseignements pertinents relatifs aux préférences des occupants, leurs préoccupations, leurs besoins ainsi que leurs attentes.
Confort et productivité
Une des hypothèses portées par les spécialistes en aménagement d'espaces de travail veut que des environnements réfléchis et basés sur les meilleures pratiques constituent une valeur ajoutée sans précédent pour une entreprise. Dans les faits, l'aménagement (ou le réaménagement) d'espaces de travail adaptés aux occupants requiert énormément de planification, les gestionnaires devant faire preuve de prudence et de tact afin de bien communiquer leurs intentions au moment d'apporter des changements plus ou moins importants aux aménagements et aux méthodes de travail. Bien que le rendement de l'investissement puisse valoir son pesant d'or, avec une augmentation marquée du niveau de confort au travail des employés et de la productivité globale de l'entreprise, les risques d'incompréhension de la part des occupants sont biens réels.
Tel que le souligne Jacqueline Vischer, directrice du groupe de recherche sur les environnements de travail (GRET) basé à l'Université de Montréal, afin d'aspirer au succès et que les décisions relatives aux aménagements s'avèrent une expérience positive et profitable pour une entreprise, les équipes de gestion et de conception doivent être bien au fait de la notion de territorialité en milieu de travail et de son importance sur le plan psychologique pour la majorité des travailleurs.
Territorialité
Lorsqu’informés que des changements seront apportés à leur environnement de travail, les occupants ont généralement une propension à réagir fortement, craignant de perdre leurs acquis. Avec les tendances en aménagement de bureaux favorisant les grands espaces à aire ouverte caractérisés par la réduction, voire l'élimination, des cloisons délimitant les postes de travail individuels, il n'est pas étonnant que les occupants puissent se sentir lésés. Dépendamment de la culture de l'organisation et de la relation qui unit les employés à leurs supérieurs, certains occupants peuvent même percevoir un réaménagement comme étant le signal que leur statut au sein de l'entreprise est menacé.
En fait, l'espace à aménager ne doit pas être uniquement perçu comme étant un simple outil mis à la disposition de l'entreprise et des employés, c'est aussi un concept fortement lié au besoin fondamental de l'humain d'occuper un territoire, un espace qu'il contrôle et pour lequel il a la possibilité de développer un sentiment d'appartenance. Ainsi, au moment de prendre les décisions relatives à un aménagement (ou réaménagement), l'erreur ultime demeure de ne pas considérer l'élément le plus significatif de l'équation immobilière, l'occupant, et de tenir pour acquis que celui-ci adhérera tout naturellement au projet qui lui est proposé.
Pour limiter les conséquences négatives, une équipe de conception et de gestion avisée prendra le temps de mener une EPO afin d'établir un réel dialogue avec les occupants. Par le biais de questionnaires, d'entrevues, de groupes de discussions ou encore d'ateliers dirigés, il sera alors possible d'exposer avec justesse les objectifs associés aux changements envisagés et de prendre connaissance des réticences des occupants afin de peaufiner le projet. Une telle approche se veut rassembleuse, diamétralement opposée aux méthodes généralement employées de type top-down, où les décisions sont uniquement prises par les dirigeants et imposées aux subalternes. Quant au dialogue encadré par l'EPO, il conduira forcément à certains compromis de la part des différentes parties impliquées. Néanmoins, au final, le projet qui en résultera permettra de rallier la grande majorité des intervenants tout en ajoutant un maximum de valeur à l'entreprise.
Par François Cantin, M. Sc. Arch.
L’auteur est stagiaire en architecture chez Coarchitecture, bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d’ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.