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Espaces de travail : miser sur la complémentarité

5 mars 2025
Par François Cantin, M. Sc. Arch.*

Bâtiment durable Québec CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
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L’importance de considérer le travail de surface et de profondeur pour favoriser le bien-être et la productivité des occupants au moment de concevoir des espaces intérieurs.

Au fil des années, plusieurs recherches ont démontré que les environnements de travail attrayants et aptes à soutenir l’ensemble des tâches confiées au personnel avaient le potentiel, entre autres, de réduire le stress, favoriser le bien-être et améliorer la productivité. Cela dit, pour concevoir des espaces d’une telle qualité, les équipes de projet doivent s’intéresser à la nature du travail à soutenir. À ce sujet, Sonia Lupien, docteure en neurosciences et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le stress humain, en distingue deux catégories: le travail de surface et le travail de profondeur.[1]

Le travail de surface est associé à un faible niveau de stimulation cognitive et nécessite peu d’engagement mental ou émotionnel, mais les tâches qui lui sont associées demeurent essentielles au bon fonctionnement d’une équipe ou d’une entreprise. Ce type de travail inclut notamment la gestion des courriels, la compilation de feuilles de temps, la programmation d’activités et la tenue de réunions.

Pour sa part, le travail de profondeur nécessite un haut niveau de réflexion, de concentration et d'engagement de la part des travailleurs. Il comprend des tâches telles que la recherche et l’analyse de données, la rédaction et la création intellectuelle ainsi que la résolution de problèmes complexes. En bref, le travail de profondeur est exigeant, fait appel à des compétences et génère de la valeur pour l’entreprise et/ou sa clientèle. Soutenir adéquatement ce type de travail permet de bonifier la satisfaction du personnel tout en favorisant son développement et son épanouissement professionnel.

Présentiel vs télétravail

Face au choix du présentiel ou du télétravail, plusieurs ont tendance à afficher une préférence pour le travail à distance en raison de l’incapacité récurrente des milieux de travail à offrir la quiétude requise pour l’exécution des tâches dites profondes. À ce sujet, mentionnons les travaux de Barnes et al.[2] qui ont documenté un bien-être inférieur, un plus haut niveau de stress et une perception de santé moindre chez les occupants d’environnements ne disposant pas d’espaces réservés au travail de profondeur.

Complémentarité

Sur la base de ces constats, les équipes de projet pourraient être tentées d’axer majoritairement leur conception autour d’espaces cloisonnés, davantage propices au travail de concentration. En revanche, offrir trop d’espaces privatifs (cloisonnés et/ou disposés en retrait) au détriment de zones partagées et décloisonnées pourra nuire au travail de surface qui nécessite bien souvent des interactions et de la stimulation pour contrebalancer la routine et la répétition qui lui sont associées. En plus de bien servir les tâches de surface, la coprésence entre collègues aura aussi un effet bénéfique sur la cohésion d’équipe.

Dans la plupart des organisations, l’emploi du temps est partagé entre les deux types de travail. Passer de l’un à l’autre, de façon planifiée ou en réponse au besoin du moment, pour des périodes d’une durée variable, fait partie de la réalité des travailleurs du savoir. Ainsi, offrir une variété de typologies d’espaces complémentaires et en baliser l’utilisation à l’aide d’un code de vie communiqué à tous demeure l’approche à privilégier, bien au-delà d’une proposition misant essentiellement sur une dualité opposant des aires ouvertes et fermées.

Les concepteurs auront avantage à intégrer au projet une multitude de bonnes pratiques d’aménagement, notamment :

  1. Prévoir une séparation physique entre les zones de travail de surface et de profondeur pour éviter les perturbations croisées;
  2. Aménager des zones spécifiquement destinées à la socialisation et la détente;
  3. Intégrer des dispositifs afin de bonifier le confort acoustique au sein des locaux (panneaux absorbants, masquage sonore, etc.);
  4. Prévoir des espaces et des composantes de mobilier modulables pour permettre aux usagers d’alterner aisément d’une tâche à une autre en fonction de leurs besoins.

*L’auteur est associé, directeur avant-garde et chargé de projet chez Coarchitecture, stratégiste du milieu de travail et spécialiste du confort de l’occupant, formateur à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval et pour Formations Infopresse, ainsi que bénévole pour Bâtiment durable Québec (BDQ).


1.Lupien, S. (2023), Le stress au travail vs le stress du travail, Éditions Va Savoir, Montréal, 507 p.
2.Barnes, J., Wineman, J. et Adler, N. (2020), Open Office Space: The Wave of the Future for Academic Health Centers? Academic Medicine, vol. 95, no 1, p. 52-58.