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La bibliothèque net-zéro de Varennes

28 novembre 2012
Par Rénald Fortier

La nouvelle bibliothèque multifonctionnelle de Varennes : premier bâtiment institutionnel à consommation énergétique nette zéro en devenir au Québec.

En octobre 2009, la Ville de Varennes obtient le feu vert du gouvernement du Québec pour agrandir la bibliothèque Jacques-Lemoyne-de-Sainte-Marie. Datant du début des années 80, cet équipement de 650 mètres carrés ne satisfait plus depuis longtemps les normes établies par le ministère de la Culture et des Communications. Non seulement est-il devenu trop exigu, mais vétuste aussi.

Tout aussi nécessaire qu’attendu, donc, l’agrandissement de l’immeuble du boulevard René-Gaultier ne prendra pourtant jamais forme. C’est qu’il sera vite dirigé sur une voie d’évitement après l’arrivée d’un nouveau conseil municipal à l’hôtel de ville – en novembre 2009 – et que l’idée de construire une nouvelle bibliothèque fera dès lors son chemin. Tout comme celle d’en faire un bâtiment multifonctionnel à consommation énergétique nette zéro, une première dans le secteur institutionnel en sol québécois. 

Directrice générale adjointe à la Ville, Josée Lamoureux relate : « L’orientation nette zéro a commencé à se dessiner lors d’une rencontre entre le nouveau maire, Martin Damphousse, et le directeur général de CanmetÉNERGIE à Varennes, Gilles Jean. Après, nous n’avons plus regardé en arrière et le ministère a accepté que notre projet initial soit modifié, tout en maintenant son soutien financier de 2,1 millions de dollars. »

Il faut dire que la nouvelle construction saura à coup sûr mieux répondre aux besoins actuels et futurs des citoyens de Varennes. Elle couvrira près de  2 000 mètres carrés, répartis sur deux planchers, soit 417 de plus qu’en aurait compté la bibliothèque existante au terme de l’agrandissement. Et elle permettra à la Ville d’engranger des économies énergétiques de l’ordre de 60 000 dollars par année (en comparaison d’un bâtiment non performant), en plus de parer aux éventuelles hausses du coût de l’énergie.

Les bénéfices sont évidents, certes, mais le défi est grand. D’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement de construire une bibliothèque multifonctionnelle produisant autant d’énergie qu’elle n'en consomme, ce qui exige évidemment de sortir des sentiers battus pour un tel bâtiment, mais également d’y apposer la certification LEED-NC, niveau Or. Et c’est sans compter que le projet devra nécessairement être réalisé à l’intérieur d’un budget somme toute serré de l’ordre de 9,2 millions de dollars.

Le succès de cette aventure, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, reposera au premier chef sur un processus de conception intégrée. Une démarche qui, il faut le souligner, bénéficiera de la contribution d’experts de CanmetÉNERGIE et du Réseau de recherche sur les bâtiments solaires de l’Université Concordia. Avec les représentants du client et les professionnels du bâtiment appelés à travailler sur le projet, plus d’une vingtaine de personnes seront réunies autour de la table à certains moments.

Réduire au maximum

L’équipe de conception verra d’abord à réduire le plus possible la demande énergétique de la future bibliothèque. Au premier chef par l’application de stratégies passives qui déteindront sur l’implantation et le design du bâtiment, puis par l’intégration de technologies éconergétiques.

Architecte œuvrant au sein du consortium Labbé – Laroche et Gagné – Leclerc et associés, Maxime Gagné explique : « Comme l’énergie que l’on y produira coûtera beaucoup plus cher que celle qui serait achetée à Hydro-Québec, il fallait nécessairement en arriver à réduire la consommation au minimum avant même d’envisager les solutions permettant de combler la demande restante. »

C’est ainsi que l’on implantera la bibliothèque dans l’axe est-ouest – de façon non orthogonale à la trame – pour profiter du maximum d’ensoleillement au sud grâce à une façade s’allongeant sur 53 mètres, une stratégie qui sera combinée à un plancher avec de la masse thermique. Réduite à 18,3 mètres, la profondeur du bâtiment permettra pour sa part d’optimiser la lumière naturelle et de profiter d’une ventilation naturelle traversante.

Les concepteurs porteront également une attention toute particulière au positionnement des fenêtres ainsi qu’à la performance de l’enveloppe du bâtiment. C’est pourquoi ils opteront notamment pour un mur vitré pourvu de meneaux en bois qui offrira une résistance thermique supérieure – au minimum R8 –, tout en permettant les gains solaires en hiver.

En saison estivale, les gains thermiques seront occultés au moyen de brise-soleil pour l’étage supérieur et d’une tablette extérieure protégeant la partie basse de l’ensoleillement direct, mais réfléchissant le spectre lumineux à l’intérieur. En outre, une marquise et un écran végétal ombrageront l’entrée et la fenestration du côté ouest.

« Nous avons fait en sorte que le bâtiment soit le plus lumineux possible, souligne Maxime Gagné. Non seulement en y favorisant l’apport de luminosité extérieure, mais aussi en optant pour des finis intérieurs clairs et en disposant les rayonnages de la bibliothèque perpendiculairement aux fenêtres pour éviter qu’ils n’entravent la pénétration de la lumière naturelle. »

L’architecte indique que le recours à la ventilation naturelle sera lui aussi possible quand l’air extérieur se situera entre 13 et 19 °C. En raison de son haut volume intérieur, la bibliothèque sera pourvue d’un système de ventilation par déplacement alimenté au plancher au moyen de diffuseurs intégrés à même les coups-de pied des rayonnages, évitant ainsi les pertes d’énergie qui auraient été encourues en diffusant l’air par le plafond.

Produire le minimum

En bout de ligne, les concepteurs du projet auront réussi à abaisser la consommation énergétique du bâtiment à 120 000 kWh/an. Mais non sans avoir également rationalisé la demande en préchauffant 100 % de l’air neuf en hiver au moyen de panneaux solaire thermiques qui récupéreront la chaleur dégagée par les panneaux photovoltaïques (PV) – elle sera ventilée à l’extérieur en été. De même, pour améliorer la performance de la ventilation, on récupérera l’énergie de l’air vicié évacué par une roue thermique.

« En passant par les panneaux thermiques lorsqu’il fera soleil et moins 28,9 °C, l’air devrait être préchauffé jusqu’à environ moins 20,5 °C. À la sortie de la roue thermique, il devrait être à une température de l’ordre de 7 °C. Le chauffage final sera fait avec de la géothermie, précise Laurier Nichols, vice-président Expertise – Bâtiments chez Dessau (aujourd'hui Stantec).

« L’énergie, qu’il s’agisse du chaud ou du froid, sera distribuée par un réseau d’eau qui alimentera une dalle radiante, en partie, et une vingtaine de petits ventilo-convecteurs », ajoute l’ingénieur, tout en soulignant que plusieurs autres mesures convergeront vers l’efficacité énergétique du bâtiment. Comme l’éclairage artificiel à la tâche, un système de contrôle ou des moteurs à entraînement variable.

La production d’électricité, elle, sera assurée par 428 panneaux PV intégrés au toit en pente du bâtiment. Couvrant 710 mètres carrés (95 % de la surface du versant sud de la toiture), ces panneaux de 260 watts chacun afficheront une efficacité de 15,6 %. Ils produiront l’équivalent de ce que le bâtiment consommera, soit 120 000 kWh/an.

« Par une belle journée ensoleillée d’été, indique Laurier Nichols, la production excédentaire sera injectée dans le réseau d’Hydro-Québec. À l’inverse, quand on sera en déficit en période hivernale, par exemple pour le chauffage la nuit, on ira puiser de l’énergie dans le réseau de la société d’État. Mais en bout de ligne, on devra arriver à un bilan net zéro. »

En relevant ce défi, la Ville de Varennes ouvrira la voie à une nouvelle génération de bâtiments dans le secteur institutionnel, commercial et industriel au Québec. D’autant plus que son projet intégrera aussi un chapelet de solutions durables sur les plans de l’aménagement du site, de la gestion de l’eau potable, de la qualité des environnements intérieurs et des matériaux utilisés.

Équipe du projet

Client Ville de Varennes Gestionnaire de projet MACOGEP Architecture Labbé – Laroche et Gagné – Leclerc et associés, architectes en consortium Génie électromécanique, structural et civil Dessau - aujourd'hui Stantec Simulation énergétique, consultation LEED et mise en service de base Martin Roy et associés Expertise en technologies éconergétiques et solaires CanmetÉnergie et Réseau de recherche sur les bâtiments solaires de l’Université Concordia

 

Quatre faits saillants
  • Réduction de la consommation d’énergie de 78,5 % par rapport à la référence du CMNÉB
  • Production énergétique de 120 000 kWh/an
  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre de 302 tonnes (équivalent)
  • Réduction de la consommation d’eau potable de l’ordre de 40 à 50 %

 

Système solaire
  • Capacité de production de 184 kWh par m ca/an
  • 428 panneaux PV de 1,66 mètre carré chacun [total de 710 m ca]
  • Panneaux PV d’une capacité de 260 watts
  • Panneaux affichant une efficacité de 15,6 % pour la production d’électricité
  • Récupération en hiver de la chaleur dégagée par les panneaux PV, au moyen de panneaux solaires thermiques [26,7 m ca], pour préchauffer 100 % de l’air neuf

 

Stratégies éconergétiques
  • Orientation du bâtiment et positionnement de la fenestration [50,7 % au sud, 19,5 % à l’ouest] optimisant l’apport énergétique passif
  • Occultation des gains thermiques en été au moyen de différents dispositifs
  • Toiture en pente [inclinaison de 37 degrés] exposée au sud pour optimiser la performance des panneaux photovoltaïques
  • Profondeur réduite du bâtiment [18,3 m] pour favoriser l’apport d’éclairage naturel [plus de 90 % des espaces] et la ventilation traversante
  • Finis intérieurs clairs pour accentuer la luminosité naturelle
  • Puits de lumière [surface totale de 29,2 m ca]
  • Mur vitré en bois permettant de profiter des gains solaires tout en affichant une performance thermique minimale de R8
  • Enveloppe performante [murs : R38 ; toiture : R45]
  • Masse thermique dans les dalles de plancher
  • Système géothermique comportant 9 puits à 150 mètres [capacité du système de 281 400 Btu/h en chauffage et de 318 800 Btu/h en climatisation]
  • Deux thermopompes eau-eau de 5 tonnes et deux de 10 tonnes
  • Récupération de la chaleur de l’air vicié évacué au moyen d’une roue thermique [efficacité de l’ordre de 75 %]
  • Dalles radiantes comportant un réseau de tuyauterie circulant un mélange d’eau distillée et de propylène glycol [25 %] à 37,2 °C à l’alimentation et à 26,7 °C au retour
  • Éclairage artificiel au moyen de luminaires T-8
  • Éclairage artificiel à la tâche pour en diminuer la puissance nominale
  • Préchauffage de l’air neuf au moyen de panneaux solaires thermiques
  • Ventilation mécanique et naturelle
  • Ventilo-convecteurs [20] avec entraînement à vitesse variable
  • Ouvrants motorisés – une vingtaine – sur les façades nord et sud
  • Système de contrôle du bâtiment avec détecteur de présence et sondes de CO2, notamment, permettant de moduler la consommation énergétique en fonction des besoins des usagers

 

Mesures durables
  • Implantation sur le site de l’ancienne bibliothèque depuis démolie [empreinte réduite à 953 m ca]
  • Emprise du stationnement réduite [23 cases seulement]
  • Stationnement perméable [pavé alvéolé]
  • Site au cœur du centre-ville favorisant les transports en commun et actifs
  • Préservation d’arbres matures sur le site
  • Aménagement paysager sans irrigation
  • Bassins de rétention d’eau de ruissellement en surface
  • Vue sur l’extérieur pour la plupart des espaces [rez-de-chaussée, 80 % ; étage, 100 %]
  • Bornes de recharge pour voitures électriques
  • Appareils de plomberie à faible débit [toilette : 4,8 l/chasse ; robinetterie : 1,9 l/min]
  • Utilisation du bois pour le revêtement extérieur [335,6 m ca], le revêtement de plancher [+/- 115 m ca], le revêtement mural intérieur et le plafond [+/- 305 m ca] ainsi que le mobilier intégré
  • Récupération d’au moins 75 % des déchets de construction
  • Etc.