Repenser le milieu de travail pour optimiser le bien-être de ses occupants. Voilà l’objectif visé par Ædifica lors de la conception de ses nouveaux bureaux montréalais en vue d’en faire un laboratoire de mieux-être. Et avec pour point de mire l’obtention de certifications LEED et WELL.
Dès l’entrée aux teintes nobles de noir et de blanc, le contraste est frappant. Pas de réception à l’horizon : en lieu et place, un somptueux mur végétal nous accueille sur toute la hauteur. On entend ici et là des rires, des discussions entre collègues. On sent même l’arôme réconfortant du repas du midi que le chef s’affaire à préparer au bistro situé tout juste derrière l’écran de verdure. Décidément, on est loin de l’ambiance qu’on s’attend normalement à rencontrer dans les bureaux d’une entreprise. Même que l’on se sent plutôt étrangement comme à la maison.
Tout commence au printemps 2020. En pleine pandémie, l’équipe d’Ædifica, qui loge à l’enseigne de la carboneutralité depuis trois ans, se retrouve en télétravail forcé. Cette nouvelle organisation du travail, loin de déstabiliser, s’est avérée au contraire bénéfique, car elle a permis de revoir la façon de réfléchir à l’aménagement de la firme.
« Avant, nos anciens bureaux étaient situés sur deux étages, ce qui n’était vraiment pas optimal pour la collaboration entre les différents départements », explique Mélanie Pitre, vice-présidente, Développement durable et ingénierie chez Ædifica. Elle ajoute que l’arrivée soudaine du télétravail et l’avènement du mode hybride qui a suivi ont permis de réaliser qu’il était possible de réduire de moitié le nombre de pieds carrés nécessaires pour répondre aux besoins de leur équipe multidisciplinaire comptant 135 professionnels.
« On a opté pour des postes de travail non assignés avec différentes configurations qui contribuent non seulement à optimiser l’espace, mais aussi à favoriser les échanges et la collaboration entre collègues », souligne l’ingénieure.
Localisation centrale
Lorsqu’est venu le temps de sélectionner un nouvel emplacement, deux orientations ont été retenues : un espace au centre-ville et un sur la ligne bleue. « Après avoir sondé les équipes, c’est l’emplacement au centre-ville qui s’est avéré le plus optimal, à la fois pour nos employés et pour notre clientèle », raconte Mélanie Pitre.
La localisation était un critère très important pour la firme, anciennement établie au 606 rue Cathcart. Le choix de se relocaliser au 407 rue McGill lui permettait de rester implantée au centre-ville, avec tous les avantages que cela représente du point de vue de la mobilité durable. « Ce que je trouve génial, c’est qu’on a un local à vélos et des douches. Ce n’est pas encore toutes les entreprises qui ont ça », s’enthousiasme Nicolas Joubert de la Motte, chargé de projet, Développement durable chez Ædifica.
À cela s’ajoute le Walking Score impressionnant qui s’élève à 91 à cet endroit situé tout près du métro Square-Victoria. « Cette cote analyse la proximité des trottoirs, des pistes cyclables, des transports en commun, des services, etc. », précise Mélanie Pitre. Le choix de l’emplacement a donc un effet positif considérable sur l’impact environnemental de la firme, puisqu’il encourage le recours à des moyens de transport à plus faible empreinte carbone. Cette attention au détail et cette ouverture aux employés dans les décisions à prendre ont certainement contribué à élever la qualité du projet de relocalisation des bureaux et le haut taux de satisfaction qui en découle.
Question de transparence
La transparence est une valeur importante chez Ædifica. On le voit non seulement dans le design largement ouvert et vitré des espaces intérieurs des nouveaux bureaux, mais également dans le processus de conception. En tout, sept ateliers de conception intégrée ont été réalisés, invitant des employés de différents profils à partager leurs besoins, leurs attentes et leur vision de ce que devrait être leur nouvel espace de travail. « On continue même encore de sonder annuellement les employés pour connaître leur niveau de satisfaction envers les nouveaux locaux », fait savoir Nicolas Joubert de la Motte.
Ces mesures comprennent le confort thermique (mesuré deux fois par année), l’acoustique, la qualité de l’air et de l’eau, l’éclairage, les vues sur l’extérieur, la biophilie et l’ergonomie. « Et si les gens ne sont pas satisfaits, nous sommes dans l’obligation de prendre des mesures pour y remédier. Car il ne faut pas oublier que la certification WELL doit être renouvelée aux trois ans après son obtention et fait même l’objet de tests », rappelle Mélanie Pitre.
D’ailleurs, sans grande surprise, l’acoustique demeure un défi dans les bureaux à aire ouverte. C’est pourquoi Ædifica a investi d’importants efforts en amont, travaillant avec un acousticien dès la conception. Cette approche a même orienté la configuration des postes de travail. « On a créé de petits archipels faits d’un mélange de salles de rencontre et de différents types de postes de travail, ce qui brise la monotonie de l’espace », explique Raphaëlle Parenteau, directrice Environnement de travail chez Ædifica.
La multiplicité des assises, avec son choix de tables hautes ou basses, de sofas, de tabourets ou de chaises de style lounge, contribue également à diversifier le type d’ambiances de travail offert aux employés. Des stations de travail ajustables en hauteur sont même disponibles pour ceux qui le souhaitent. « On a également de plus petites salles en retrait pour des réunions impromptues entre collègues », ajoute-t-elle.
Mais comment la gestion des espaces s’effectue-t-elle dans la vraie vie ? « Tout est réservé au moyen d'une application : les salles de rencontre, les postes de travail, le lunch du midi… », précise Raphaëlle Parenteau. « L’adaptation s’est super bien passée », poursuit Mélanie Pitre, qui avoue tout de même que malgré le taux élevé de satisfaction des employés et toutes les précautions prises en amont, les bonnes pratiques à adopter dans un environnement à aire ouverte demeurent un point d’amélioration continue.
Prêcher d’exemple
D’entrée de jeu, il était clair que ces nouveaux bureaux allaient à la fois être le porte-étendard des valeurs et de la vision de l’organisation, mais aussi, un véritable laboratoire pour ses futurs clients afin de tester certains concepts. « On souhaitait se positionner sur l’impact environnemental et le bien-être, si bien qu’il était important pour nous de prêcher d’exemple, révèle Mélanie Pitre. Car on se le fait demander : est-ce que ça fonctionne bien les postes de travail non assignés ? On est maintenant équipé pour leur répondre, parce qu’on le vit, ici, dans nos propres bureaux. »
Visant les certifications LEED Platine (obtenue) et WELL Platine (alors en attente au moment d’écrire ces lignes) ainsi que le maintien de la carboneutralité de la firme (obtenue en 2020), tout a été passé au peigne fin. « On s’est assuré que tous les espaces de travail permettaient de profiter des vues magnifiques qu’on a sur la ville et le paysage changeant à partir du huitième étage », explique Raphaëlle Parenteau en mentionnant le choix d’opter pour des salles de rencontre et des espaces communs largement vitrés. L’abondance de lumière naturelle et de plantes contribue au sentiment de bien-être qui se dégage de l’espace.
Même la nourriture servie gratuitement au bistro a été pensée afin d’offrir un menu santé. Plusieurs ingrédients artificiels ont ainsi été exclus, notamment des conservateurs, et le chef a également dû suivre une formation sur les allergènes. « En plus d’offrir chaque jour des alternatives végétariennes, on a aussi des repas exclusivement végés au moins une fois par semaine, souligne Nicolas Joubert de la Motte. On a même des affiches un peu partout pour rappeler aux gens de manger des fruits ou de boire de l’eau, avec des statistiques à l’appui pour inciter à faire des choix plus sains. »
Ce à quoi Mélanie Pitre ajoute que le menu végétarien était également un choix stratégique afin de réduire l’empreinte environnementale de la nourriture servie sur place. « Tout est calculé », affirme l’ingénieure. D’ailleurs, il va sans dire que toute la vaisselle utilisée est réutilisable et que les déchets sont triés sur place.
Le choix des matériaux, dont des planchers de bois véritable, des panneaux de béton poli produits localement, de gypse à haut contenu recyclé, des pierres naturelles et du terrazzo, contribue également à la fois au souci environnemental de l’entreprise et à sa volonté d’offrir un design à la signature élégante et pérenne dans le temps. « C’est un design confortable et agréable pour une grande majorité de gens en raison de son caractère à la fois intemporel et biophilique », confirme Raphaëlle Parenteau.
Une analyse de l’impact environnemental des différents matériaux utilisés a également été réalisée afin de limiter le plus possible l’empreinte carbone, amenant à réduire les éléments de finition au minimum et laissant l’espace de plafonds libre et aéré.
Du point de vue des performances énergétiques, celles-ci ont été optimisées de 20 % par rapport à la référence de ASHRAE 90.1, notamment grâce à l’installation de thermopompes aérothermiques avec récupération de chaleur. Mentionnons également la consommation d’eau, qui a été réduite de moitié. Un exploit qui n’a pas été sans défi. « Ils ne voulaient pas installer nos toilettes à très faible débit », confie en riant Mélanie Pitre. Une question de pression d’eau qui a finalement été résolue.
Au final, les expérimentations menées par Ædifica serviront d’inspiration pour d’autres clients qui voudront suivre ses pas, tant en matière de design, de développement durable, de carboneutralité que de bien-être. Déjà, la firme a mérité en 2023 un Planet Positive Award dans la catégorie Best Embodied Carbon Reduction, en plus d’être Grand Lauréat dans la catégorie Design d’intérieur et Lauréat Platine dans la catégorie Bureau de 500 à 5 000 m2 aux Grands Prix du design 2023. « Nos bureaux se veulent un vecteur pour changer les habitudes des gens à tous les niveaux », conclut Mélanie Pitre.
- Architecture et ingénierie : Ædifica
- Exécution des travaux : Sidcan
- Acoustique : Atelier 7Hz
- Ergonomie : Vincent ergonomie
- Simulation énergétique et mise en service : Akonovia
- Éclairage : Lumigroup
- Optimisation de la lumière naturelle
- Abondance de plantes (biophilie)
- Nourriture saine servie sur place gratuitement et préparée par un chef
- Promotion d’une alimentation saine
- Diversification des espaces et ambiances de travail
- Postes de travail ergonomiques
- Matériaux à faible émission de COV
- Système de ventilation avec filtres MERV 13
- Matériaux naturels (pierre, bois)
- Traitement acoustique
- Emplacement près des services et des transports en commun
- 10 % de matériaux recyclés
- Utilisation de matériaux naturels (bois, pierre)
- Carboneutre en termes d’énergie, de matériaux et de mobilier
- Réutilisation de matériaux et mobilier existant
- Analyse de l’impact environnemental pour le choix des finis
- Éclairage DEL
- Thermopompe aérothermique avec récupération de chaleur
- Appareils de plomberie à faible consommation d’eau