Soucieuse de réduire son empreinte environnementale, la SAQ innove en recourant au solaire thermique pour chauffer deux de ses établissements. Une première sous le soleil québécois.
En matière d’énergie solaire, le soleil ne brille pas de la même façon pour tous. C’est le cas notamment pour la Société des alcools du Québec (SAQ), qui a récemment installé des capteurs solaires thermiques, des équipements capables de convertir en chaleur le rayonnement solaire, sur les toits de ses centres de distribution de Montréal et de Québec. Une dernière innovation qui marque un tournant majeur dans la politique d’efficacité énergétique et d’économie d’énergie de la SAQ.
« Ces projets s’inscrivent dans notre Plan de développement durable 2008-2012 qui prévoit, d’ici 2012, une réduction de 2 % par année de la consommation énergétique des bâtiments dont nous sommes propriétaires, explique l’architecte Cédéanne Simard, analyste, Aménagement corporatif et ingénierie à la SAQ. À Montréal, on a choisi d’implanter cette technologie sur le système d’alimentation de la cour à camions, car elle s’avérait la solution éconergétique idéale pour respecter la consigne de 10 °C à l’intérieur de cette aire. »
Un choix que justifie son collègue Michel Gendron, également analyste à la SAQ et chargé de projet dans le dossier de Montréal : « On a fait des recherches sur les produits existants, dont les plus communs sont les murs solaires, car ils sont moins chers, rappelle-t-il. Mais ils doivent être installés sur les murs qui s’y prêtent. Au centre de distribution de Montréal, le bâtiment ne s’y prêtait pas, car le mur orienté au sud se trouve trop loin des installations de chauffage et ça aurait coûté trop cher pour amener l’air chauffé jusqu’à la cour à camions. On a donc opté pour les panneaux solaires. »
Fabriqués par l’allemande Grammer Solar, les panneaux solaires thermiques installés à Montréal ont fait leurs preuves depuis une trentaine d’années en Europe. Il s’agit en gros de panneaux vitrés, scellés et creux, dont le fond absorbe le rayonnement solaire, et qui utilisent l’air comme média caloporteur. Cet air frais, préchauffé, est ensuite redirigé vers les équipements de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC), réduisant du coup la quantité d’air extérieur devant être chauffée mécaniquement.
Les bons paramètres
Le système de panneaux solaires est par ailleurs dimensionné en fonction de la puissance thermique et du débit requis. À Montréal, il est composé de quatre rangées de panneaux en parallèle orientées franc sud, chaque rangée comportant huit panneaux solaires embouvetés les uns dans les autres sur une longueur de 20 mètres. Grâce à un ventilateur, le système dirige directement l’air chauffé dans la cour à camions, sans être jumelé à aucun équipement de CVC. La cour à camions est une section indépendante de l’entrepôt qui abrite 37 quais. Le va-et-vient des tracteurs routiers, qui force l’ouverture fréquente de ses portes d’entrée et de sortie, chacune haute de 16 pieds et large de 14 pieds, contribue à refroidir les lieux.
« Le centre de Montréal nous a en quelque sorte servi de banc d’essai, car cette technologie n’avait encore jamais été utilisée ici, rapporte Michel Gendron. On a donc couplé deux rangées de panneaux à un ventilateur d’alimentation, chacun assurant un débit maximal de 1 000 pieds cubes par minute (pi3/min). Ce qui était nettement suffisant pour chauffer le hangar de 5 900 mètres carrés. La distribution de l’air est directe, puisque les panneaux sont installés sur la portion du toit située juste au-dessus de la cour à camions. »
Celui qui est également ingénieur en électricité précise qu’à Montréal, le système d’alimentation des panneaux a été conçu en fonction de deux vitesses d’alimentation, soit 1 000 et 2 000 pi3/min. C’est à basse vitesse que le système est le plus performant, avec des gains de 30 à 40 °C. À haute vitesse, les gains vont de 10 à 20 °C. « En hiver, les journées de grand soleil sont aussi les plus froides, dit-il. On règle donc les ventilateurs à la vitesse la plus rapide pour un maximum d’air frais et, lorsque la température d’alimentation descend trop, on passe à la vitesse lente. Par contre, il faut un minimum de clarté pour que les ventilateurs fonctionnent. Lorsqu’il neige, le système s’arrête. »
À Québec, le concept est quelque peu différent : il est composé de cinq rangées de huit panneaux, couplées à un seul ventilateur d’alimentation d’un débit de 5 000 pi3/min. Ce débit suffit amplement au préchauffage de l’air frais, puisque le système de CVC fonctionne en recirculation. Aussi, comme il s’agissait d’un agrandissement – on ajoutait 8 100 mètres carrés de superficie au centre de distribution, pour une superficie totale de 65 000 mètres carrés – la distribution de l’air préchauffé se fait par l’intermédiaire du système de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC).
Mais les concepteurs ne devaient pas uniquement déterminer le débit d’air des ventilateurs d’alimentation en fonction de la superficie à chauffer. Ils devaient également identifier l’angle d’inclinaison idéal des panneaux en fonction de notre latitude et de l’inclinaison de la Terre en hiver par rapport au Soleil. Sur les conseils du fabricant, Grammer Solar, les panneaux thermiques ont donc été inclinés à 70 degrés afin de capter un maximum d’énergie solaire.
Ils devaient en outre surélever les panneaux pour éviter que la neige ne s’accumule sur ceux-ci et ne nuise à leur fonctionnement. Sauf qu’en surélevant les panneaux de deux pieds, ils les exposaient davantage à la vélocité des vents. Le risque d’arrachement étant élevé, les concepteurs ont dû faire fabriquer sur mesure des supports d’une solidité à toute épreuve. Pour les mêmes raisons, ils ont également commandé des ancrages efficaces. À Montréal, comme il s’agissait d’un prototype, des haubans d’acier ont été utilisés à chaque extrémité des groupes, en plus des ancrages. À ce jour, le système a tenu ses promesses et aucune défaillance n’a été signalée.
Fabricant : Grammer Solar
Modèle : GLK Jumbo Solar
Masse : 80 kg
Dimensions : 1 m sur 2,5 m
Superficie par rangée de 8 panneaux : 20 m2
Préchauffage de l’air frais : de -20 °C à 20 °C
- Économie de gaz naturel estimée au cours des 30 prochaines années
- À Montréal : 450 000 m3, soit 15 000 m3 par année
- À Québec : 300 000 m3, soit 10 000 m3 par année
- Réduction totale de gaz à effet de serre (GES) estimée : 1 425 tonnes
À Montréal, la conception et l’installation du système de panneaux solaires se sont échelonnées de novembre 2009 à mars 2010. À Québec, où les panneaux ont été intégrés à même le projet d’agrandissement, le projet s’est déroulé de janvier 2010 à janvier 2011, en incluant la construction de l’ajout.