Regard sur l’optimisation éconergétique du Biodôme de Montréal et, plus particulièrement, sur son système géothermique à circuit ouvert.
Depuis les années 90, l’Espace pour la vie de la Ville de Montréal s’engageait dans un vaste programme visant à rehausser l’efficacité énergétique et à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de ses édifices : le Biodôme, le Jardin botanique, l’Insectarium et le Planétarium. Pour ce gestionnaire de collections vivantes, privilégier la diminution de son empreinte sur la planète allait de soi.
Au début des années 2000, l’Espace pour la vie lançait « un plan d’économie d’énergie qui allait diminuer significativement l’empreinte écologique et les émissions de GES de l’établissement », selon l’expression de Charles-Mathieu Brunelle, directeur général de l’organisme. La pertinence de mettre en œuvre un tel plan découlait d’un constat fort simple.
Jean Bouvrette, ingénieur et chef de section au Service technique d’Espace pour la vie, précise : « Depuis 1996, la consommation énergétique stagnait, mais les coûts augmentaient. » Investir dans un projet majeur d’amélioration de l’efficacité énergétique apparaissait donc nécessaire, à la condition que la démarche soit rentable pour la Ville de Montréal, bailleuse de fonds de ce projet.
L’appel d’offres émis en vue de l’optimisation énergétique du Biodôme est lancé fin 2006. Les critères de pondération choisis laissent libre cours à l’ingéniosité des concurrents. Il s’agit de garantir un rendement de l’investissement de 10 ans au maximum, incluant certaines subventions, en visant les économies d’énergie et les réductions d’émissions de GES les plus importantes.
C’est ainsi que l’investissement initial de 9,6 millions de dollars, dont 1,8 million en appuis financiers (versés à la hauteur de 75 % par Hydro-Québec), est autofinancé sur moins de 10 ans grâce à une économie annuelle de 1,33 million. Le projet se traduit par une réduction de la consommation d’énergie de 40 % et des émissions de GES de 80 %. La conception s’est poursuivie jusqu’en 2008 et a pris fin en novembre 2010, par la réception de l’ouvrage.
André-Benoît Allard, l’ingénieur responsable du projet pour la firme de services énergétiques Ecosystem, explique que « les principales mesures choisies sont rattachées à la mise en place d’un système cohérent de récupération de l’énergie ».
Il faut savoir que le Biodôme est composé de quatre mondes, dont un monde polaire et un monde tropical, qui cohabitent dans le même édifice. S’assurer du confort de quatre systèmes différents passait par une gestion globale des flux de chaleur.
L’ingénieur Allard a mis fin au chauffage à la vapeur provenant du Stade olympique et au refroidissement à l’aide d’appareils désuets datant de l’époque du Vélodrome et de sa patinoire. Désormais, la gestion des flux de chaleur est centralisée et assurée par quatre thermopompes géothermiques qui relient les différents écosystèmes. Le système extrait notamment la chaleur du monde polaire pour chauffer le monde tropical.
« À l’intérieur du Biodôme, dit André-Benoît Allard, plusieurs bassins sont conservés à des températures inférieures à celle de l’air ambiant ; ils sont donc refroidis mécaniquement. L’énergie ainsi retirée est alors rejetée dans le réseau de chauffage et elle peut notamment servir au chauffage des bassins chauds. De plus, la ventilation s’adapte à l’utilisation et à la fréquentation des locaux. »
« La récupération de chaleur suffit au chauffage du bâtiment environ 50 % du temps, sur une base annuelle », précise Jean Bouvrette. Lors de périodes de pointe, c’est la géothermie à circuit ouvert qui amène l’énergie supplémentaire requise. C’est l’un des plus importants systèmes du genre au Canada.
La géothermie du Biodôme utilise une nappe d’eau souterraine située à environ 20 mètres sous le bâtiment. Un tuyau en acier inoxydable, avec crépine, relié à une pompe extrait l’eau de la nappe à 16 degrés Celsius. La température fluctue de quelques degrés tout au long de l’année. L’eau extraite réchauffe (ou refroidit, selon l’utilisation) le réfrigérant des thermopompes, le 134A, par le bais d’un échangeur à double paroi pour éviter la pollution. L’eau est ensuite refoulée dans la nappe à 150 mètres de distance du point de pompage.
L’eau de la nappe circule dans un réseau distinct, la protégeant ainsi d’une contamination potentielle. À l’intérieur, un caloporteur d’eau glycolée à 30 % circule dans l’édifice par l’entremise d’un triple réseau (monde polaire, réseau de chauffage et réseau de refroidissement). Malgré une légère perte d’efficacité, le glycol a été introduit parce qu’il fallait éviter le gel des serpentins du monde polaire et du préchauffage de l’air frais.
La mise en place de la géothermie n’était pas une exigence de l’appel d’offres, mais Jean Bouvrette avait imaginé cette possibilité. « En discutant avec les anciens habitants du quartier, relate-t-il, j’ai appris qu’il y avait de nombreuses cavernes. Puis, des travailleurs du chantier du Stade olympique m’ont rapporté qu’il y avait beaucoup d’eau lors des travaux de fondations. J’en ai conclu qu’il pourrait y avoir une nappe d’eau. »
Il s’en est suivi une campagne de forage menée par des hydrogéologues. L’intuition était bonne, car après 20 mètres, la foreuse fait une chute de 3 mètres : la nappe était trouvée. Afin d’utiliser cet aquifère, il a fallu effectuer divers essais de pompage et accumuler certaines données (températures, débits, niveaux, taux de rechargement, etc.) pour obtenir un permis d’installation et d’exploitation du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP). Pour protéger cette source d’énergie renouvelable, un contrôle rigoureux des données hydrogéologiques, de sa température notamment, a été mis en place.
La mise en œuvre de la géothermie et de la récupération de chaleur a permis la réalisation de 30 % de l’économie obtenue lors de cette rénovation majeure. Ainsi, les choix faits lors de la réalisation de ce projet sont performants et innovateurs, mais également rentables.
L’auteur est chargé de projets à Écobâtiment
- Trois thermopompes de 450 tonnes nominales (1 582,60 kW) et une thermopompe de 250 tonnes nominales (879,21 kW) dédiées plus spécifiquement au monde polaire. Elles sont disposées en parallèle
- Réfrigérant utilisé : 134A
- Fluide caloporteur pour le réseau d’eau refroidie : eau glycolée à 30 %
- Distribution de la chaleur par trois réseaux distinct : un de glycol froid à 6 degrés Celsius ; un de glycol chaud à 35 degrés Celsius ; et un de glycol très froid à -6 degrés Celsius
- Une pompe de 25 HP submersible pour sortir l’eau de la nappe. Elle tire 1 900 litres d’eau par minute, mais le système est dimensionné pour 3 800 litres par minute
- Tuyau en acier inoxydable de 30 centimètres de diamètre pour l’extraction de l’eau
- Installation d’une crépine de protection sur le tuyau de tirage
- Tuyau en acier inoxydable de 15 centimètres de diamètre pour la réinjection
- 150 mètres de distance entre l’extraction et le tirage de la nappe
- Température de la nappe d’eau quasi constante à 16 degrés Celsius
- Nappe d’eau phréatique isolée, située à 20 mètres de profondeur, naturellement rechargée
- Permis du MDDEP pour l’exploitation de la nappe
- Échangeur à double paroi dans les thermopompes pour éviter la contamination de la nappe
- Vérification et nettoyage régulier des échangeurs
- Utilisation de crépine sur le tuyau de tirage
- Suivi des données hydrogéologiques de la nappe (température et niveau)
- Réseau souterrain de l’eau de la nappe, complètement distinct du réseau intérieur, à l’eau glycolée
- Diminution de 44 % des émissions de GES, soit 2 489 tonnes
- Arrêt de l’utilisation du réseau de vapeur du Stade olympique pour le chauffage
- Arrêt de l’utilisation du réseau d’eau refroidie du Stade pour la climatisation
- Récupération de la chaleur de l’air vicié au moyen de serpentins reliés aux thermopompes
- Récupération l’énergie interne par l’entremise des réseaux de chauffage et de refroidissement des thermopompes
- Remplacement des lanterneaux en acrylique par des lanterneaux en polycarbonate laissant passer davantage de lumière naturelle
- Entraînement à vitesse variable des forces motrices (pompes et ventilation) qui s’adapte à l’utilisation pour minimiser la consommation
- Appareils d’éclairage efficaces et réduction de certains niveaux d’éclairage dans les bureaux
- Remplacement et centralisation des transformateurs des luminaires dans des locaux techniques pour éviter la pollution par le bruit
- Transfert et optimisation de plusieurs sources lumineuses pour éviter les pertes en périphérie
- Remplacement de certains luminaires par d’autres plus économiques : système d’éclairage à halogénure métallique (couleur blanche) et à sodium à haute pression (jaune) servant notamment à simuler le cycle naturel du soleil (jaune, le matin ; blanc, le jour)
- Senseurs reliés au système de contrôles centralisés pour mesurer la luminosité naturelle et minimiser l’éclairage artificiel
- Meilleure répartition de l’éclairage pour les végétaux
- Optimisation des séquences de contrôle du système centralisé
- Client : Ville de Montréal – Espace pour la vie
- Conception et réalisation du projet : Ecosystem
- Mise en plan et devis : CIMA+ / PMA
- Hydrogéologue : Tecsult
- Forage et géothermie : Technic-Eau