Aller au contenu principal
x
11 avril 2010
Par Rénald Fortier

La Maison de l’OACI : le premier édifice au Québec à avoir obtenu la certification LEED-EB (Existing Building).

Dans le grand hall de la Maison de l’OACI trône désormais une plaque indiquant que cet édifice du centre-ville de Montréal est certifié LEED-EB (Existing Building). Une certification de niveau Or qui n’a pas été obtenue en claquant des doigts, loin de là même. Non seulement s’agissait-il d’une première du genre au pays, mais aussi concernait-elle le siège social de l’Organisation de l’aviation civile internationale, une agence des Nations Unies logée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). 

Érigée au milieu des années 90, la Maison de l’OACI totalise 40 000 mètres carrés, répartis dans deux immeubles reliés par un atrium. L’un loge les bureaux du secrétariat et des délégations de l’organisme, sur 16 étages ; l’autre, qui s’élève sur cinq niveaux, regroupe un centre de conférences ainsi qu’un centre de reprographie de calibre commercial. En comptant le personnel de soutien, les fonctionnaires et les délégués internationaux, ce sont près de 800 personnes qui s’y activent quotidiennement.

 TPSGC, locataire principal, et le Groupe de sociétés Westcliff, gestionnaire et copropriétaire, ont entrepris en 2005 de faire évaluer la performance environnementale du bâtiment en utilisant les critères d’évaluation de LEED-EB du US Green Building Council (USGBC), le système n’étant pas encore disponible, à l’époque, auprès du Conseil du bâtiment durable du Canada. L’étude du potentiel de certification, réalisée par l’agence d’architecture Ædifica, en collaboration avec la société de génie-conseil Pageau Morel et associés, a conclu que le niveau Or était accessible. 

Les interventions et la compilation des données de performance devant mener à cette certification ont été réalisées en 2007. Soulignons que le système d’évaluation LEED-EB vise à atténuer les impacts environnementaux des bâtiments, pendant leur cycle de vie, en amenant les propriétaires et gestionnaires à adopter des pratiques d’exploitation et d’entretien durables. Plus spécifiquement à l’égard de l’entretien intérieur et extérieur, de la consommation d’eau potable et d’énergie, des produits d’entretien écologiques, de la gestion des déchets et de la qualité de l’air intérieur. 

Nul doute que les efforts déployés en ce sens à la Maison de l’OACI ont porté fruit, conduisant à une récolte de 48 points sur les 70 que compte l’échelle du système d’évaluation du USGBC. Un résultat se situant dans la partie donnant droit à la certification Or. 

La démarche aura nécessité un investissement de quelque 600 000 dollars, qui pourra cependant être recouvré somme toute rapidement grâce à l’amélioration de la performance énergétique du bâtiment. Les économies annuelles, évaluées à 150 000 dollars, découleront principalement du remplacement des aubes d’admission aux ventilateurs principaux de la tour de bureaux par des entraînements à fréquence variable. 

Frédéric Genest, professionnel agréé LEED, ingénieur chez Pageau Morel et associés, explique : « En procédant au rétro-commissioning, j’ai constaté qu’il y avait pour plus de 700 forces de moteur sur les aubes d’admission qui modulaient le débit des ventilateurs en les étranglant. C’est pourquoi nous avons choisi de les remplacer par des entraînements à fréquence variable, un système plus économique sur le plan énergétique qui n’était pas monnaie courante au moment de la construction de l’édifice. »Autre résultat digne de mention : la réduction de plus de 35 % de la consommation d’eau potable, alors qu’on visait une économie de 20 % au départ. Elle a en grande partie été obtenue par l’installation d’aérateurs sur les robinets, diminuant leur débit à 0,5 gpm (gallon par minute), et le remplacement des valves des chasses d’eau des toilettes, lesquelles utilisent maintenant un gallon à chaque utilisation plutôt que 3,5 auparavant. 

Difficile également de passer sous silence la hausse du taux de récupération de déchets dans l’édifice. Dans la foulée de l’implantation d’un programme de recyclage multi-matières, il est passé de 30 à 70 %. Rien de moins.

 

Complexe, mais enrichissant

 Malgré son dénouement heureux, il n’en demeure pas moins que le projet visant à apposer la certification LEED-EB Or sur la Maison de l’OACI s’avérait complexe à plus d’un égard. À commencer par le fait qu’il s’agissait d’une première expérience du genre au Canada, faisant appel de surcroît au système du USGBC. L’équipe de projet n’avait aucune référence à laquelle se raccrocher ici, surtout pas pour un utilisateur particulier comme l’OACI. En plus, il lui fallait fournir toute la documentation en anglais en prenant bien soin de convertir les unités de mesure, par exemple les litres en gallons. 

Et comme si ce n’était pas assez, il s’agissait d’intervenir dans un édifice à haut niveau de sécurité, car fouler l’enceinte de la Maison de l’OACI revient à débarquer en territoire international. « N’entre pas qui veut, ni quand bon lui semble, acquiesce Alain Blouin, le directeur de l’exploitation de l’édifice chez Westcliff. La mise en œuvre des interventions a demandé beaucoup d’organisation avec prises de rendez-vous. Le travail devait se faire en soirée ainsi que les fins de semaine. 

« Et certaines interventions se sont révélées plus délicates, ajoute-t-il. Par exemple, lorsque nous avons installé un compteur d’eau sur l’entrée principale, il a fallu couper l’alimentation à l’exception de celle des gicleurs, purger le bâtiment et le réalimenter pour le lendemain matin. Il fallait que ça marche, nous n’avions pas de marge d’erreur. » 

Après coup, l’architecte Guy Favreau, associé d’Ædifica, considère lui aussi que la démarche s’est révélée passablement complexe : « LEED-EB s’accompagnait d’une série de normes, des standards avec lesquels on n’était pas toujours habitué de travailler. C’est un projet qui nous a demandé d’aller au-delà de notre champ d’expertise traditionnel en architecture et de vraiment faire équipe avec le propriétaire et gestionnaire des lieux. 

« Il a fallu se questionner pour voir ce qui était dommageable pour l’environnement et comment on pouvait améliorer les choses, poursuit ce professionnels agréé LEED qui est bien familier avec les projets verts. Il est rare que nous ayons l’occasion d’aller aussi loin dans notre réflexion sur l’exploitation d’un bâtiment. Quand on travaille dans le neuf, on ne voit pas les choses sous le même angle, vis-à-vis des mêmes détails. Dans l’existant, on touche plus à l’humain, à la culture du gestionnaire et des occupants. Ça nous amène à poser une réflexion beaucoup plus large et on se rend davantage compte de l’impact des choix que l’on fait parfois  sans tenir compte de leurs effets sur l’exploitation d’un immeuble. » 

Même son de cloche du côté de Frédéric Genest. De son point de vue d’ingénieur en électromécanique, il relève que contrairement à une nouvelle construction, où on va venir intégrer la démarche LEED au processus, il faut en quelque sorte recréer la roue avec le système d’évaluation EB. « Il faut remonter en arrière et apprendre à connaître le bâtiment, dit-il. Le degré de complexité n’est pas le même, car l’approche est différente. »

Équipe de projet

 

Propriétaire Groupe de sociétés Westcliff / Groupe Canapen

Locataire-partenaire Travaux publics et Services gouvernementaux Canada

Architectes Ædifica (Guy Fravreau, arch., LEED AP)

Experts en bâtiment (ingénierie mécanique, électricité et développement durable) Pageau Morel et associés (Frédéric Genest, ing., LEED AP)

Principales entreprises de services Carrier Canada / La Cie électrique Britton / Les industries de maintenance Empire, / Plomberie Marcel Racine

 

Performance LEED-EB
Critères d’évaluation Points
Aménagement écologique des sites06
Gestion efficace de l’eau03
Énergie et atmosphère06
Matériaux et ressources14
Qualité des environnements intérieurs15
Innovation04
Total48

 

Interventions
  • Modification à l’aménagement végétal pour qu’il nécessite peu d’entretien, de fertilisants et d’arrosage
  • Installation de supports à vélo et aménagement de vestiaires pour les cyclistes
  • Réduction de la consommation de plus de 35 % par le remplacement de certains appareils de plomberie
  • Implantation d’un processus de mise en service continue à appliquer conjointement avec les tâches régulières d’exploitation et d’entretien
  • Démantèlement de l’éclairage extérieur énergivore et produisant de la pollution lumineuse
  • Remplacement des aubes d’admission aux ventilateurs principaux de la tour par des entraînements à fréquence variable
  • Implantation d’un programme de recyclage multi-matières (taux de 70 %)
  • Développement de politiques d’achat écologiques pour les produits d’entretien sanitaires, les produits hygiéniques et les matériaux de construction
  • Développement de politiques sur l’entretien intérieur, l’utilisation d’équipement d’entretien et l’entreposage de produits ménagers
  • Implantation d’un programme d’analyses de la qualité d’air intérieur
  • Remplacement de l’éclairage intérieur énergivore et à fort contenu de mercure
  • Optimisation des apports d’air extérieur
  • Politiques d’achat des biens de consommation courante et de modifications et d’ajouts aux installations
  • Politique d’optimisation de la lumière naturelle pour tous les travaux futurs