Une réalisation durable dont le design est résolument axé sur la santé et le confort des occupants : le nouveau siège social de la CNESST, à Québec.
Écoquartier D’Estimauville, à Québec. C’est dans ce secteur en pleine revitalisation que s’élève désormais sur huit étages le nouveau siège social de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Plus qu’un immeuble de bureaux, c’est un véritable milieu de vie distinctif qui prend forme entre ses 34 500 mètres carrés.
Depuis son inauguration en juin 2022, le projet accumule les reconnaissances. Parmi celles-ci, mentionnons le Grand Prix International Architecture et le Prix du projet de l’année aux Grands Prix du Design 2022; le prix Infrastructure et mention honorable dans la catégorie « Architecture institutionnelle » à l’Architecture MASTERPRIZE 2022, le prix Bâtiment institutionnel de plus de 1000 m2 et Concept structural aux Prix d’excellence Cecobois 2023 ainsi que le prix Architectural design — Institutional au BLT Built Design Awards 2022. Le bâtiment vient d’obtenir la certification LEED Argent et est bien en selle afin d’également recevoir une certification WELL.
« En tant qu’organisme public, la CNESST avait un devoir d’exemplarité à plusieurs égards, notamment en matière de développement durable, de mise en valeur de matériaux québécois comme le bois et l’aluminium et de contrôle rigoureux des coûts », explique Normand Hudon, architecte associé chez Coarchitecture. Tous les professionnels impliqués ont d’ailleurs travaillé en processus de conception intégrée (PCI) afin de proposer des solutions remarquables et efficaces dans le respect du budget global.
La première et non la moindre de ces innovations concerne son emplacement. Dans cette région où baignait autrefois l’ancienne mer du Saint-Laurent, les sols sont de piètre qualité et nécessitent donc d’importants investissements afin d’améliorer leur capacité portante. Pour pallier ce problème, l’équipe de conception a opté pour la construction d’un radier, qui a nécessité des études de sol et de modélisation de la structure. Cette solution, constituée de béton coulé (1 m du côté du bâtiment et 900 mm d’épaisseur du côté du stationnement étagé) avec de l’excavation en dessous recouverte d’une membrane, accueille les colonnes du bâtiment et les murs de fondation, répartissant les charges sur une plus grande surface. Elle permet également de rendre le sous-sol étanche, comme un bateau.
À cela s’ajoute l’optimisation de l’implantation, les architectes ayant suggéré un gabarit de 8 étages plutôt que les 11 envisagés au départ. Cette proposition à l’échelle plus humaine a contribué à réduire le poids du bâtiment et ainsi à éviter les coûts associés à l’amélioration des sols, ce qui a permis de réinvestir l’argent dans d’autres éléments clés du projet.
Démocratiser l’espace
Rattaché au pôle d’échanges D’Estimauville, où s’arrêtera le futur tramway, l’aménagement du bâtiment a permis de rendre l’accès au transport en commun sécuritaire aux employés. Un point non négligeable considérant que les cases de stationnement prévues dans le projet ont été intentionnellement réduites afin de ne loger que 640 véhicules, soit près du tiers des quelque 1 800 employés que peut accueillir l’immeuble, ceci afin d’encourager le recours à des modes de transport plus écologiques. En participant au PCI, la Ville de Québec a accepté de modifier le sens de circulation des rues aux abords du siège social en vue d’éviter les croisements non protégés entre piétons et véhicules, ce qui a permis de faciliter l’accès des employés au pôle d’échange de transports collectifs.
Une fois le seuil franchi, un immense atrium vitré sur huit étages accueille les usagers, produisant l’effet grandiose d’une cathédrale dès qu’on y met les pieds. « Au début de notre mandat, la SQI s’attendait à ce que la cafétéria en double hauteur repose au pied d’une tour atteignant les 11 étages autorisés par le zonage, ce qui aurait permis de maximiser les vues à partir des aires de travail. C’était une solution responsable en termes de gestion de projet. Nous avons aussi proposé une mise en espace alternative du programme qui déploie les aires de travail autour d’un atrium central qui fait figure de lieu de rassemblement et qui facilite le repérage des unités administratives de l’organisation pour encourager la collaboration », explique Normand Hudon.
Ce fut la solution que le conseil d’administration de la CNESST a retenue, notamment pour sa mise en valeur du bois ainsi que son caractère chaleureux qui inspire le bien-être et invite à la socialisation. « Cet immense jardin d’hiver profite plusieurs fois par jour à l’ensemble des occupants », précise Normand Hudon. Parallèlement, il lance un signal clair de décarbonation de la construction, un geste qui démontre l’engagement de la CNESST en matière de responsabilité sociale et environnementale.
Cette configuration particulière a permis de réduire les charges portées au sol et ainsi d’éviter des coûts significatifs d’amélioration des sols. Grâce à l’expertise de CIMA+ en optimisation de l’interface sol-fondation, le bâtiment a pu être construit sur radier, ce qui a libéré une marge budgétaire.
Ce lieu impressionnant par ses dimensions est également agrémenté d’un escalier actif monumental donnant accès aux huit niveaux de l’édifice qui, par son positionnement central face au grand mur-rideau, encourage à délaisser les ascenseurs et à profiter d’une vue sur le fleuve et l’île d’Orléans », souligne avec enthousiasme l’architecte. C’est ce souci de l’expérience utilisateur et la bienveillance de la CNESST envers ses employés qui ont encouragé l’équipe de conception à proposer des innovations dans l’organisation spatiale et la matérialité.
Un design centré sur les usagers
Très tôt dans le processus de conception, les architectes ont réalisé que la vision du bâtiment pouvait aller encore plus loin que le développement durable. C’est ainsi qu’en plus de viser la certification LEED Argent, l’idée est venue en cours de projet de briguer également la certification WELL, qui atteste du bien-être des occupants à différents niveaux. La CNESST, dont les valeurs de santé et de sécurité sont inscrites dans son ADN, a accepté d’emblée de relever le défi qui était en parfaite cohérence avec sa raison d’être.
« Il faut comprendre que la certification WELL ne touche pas uniquement le bâtiment, mais aussi les conditions du site et du voisinage ainsi que l’ensemble de l’organisation, incluant les politiques d’entreprise », explique William Leblanc, architecte, PA LEED BD+C et PA WELL chez Coarchitecture.
La qualité de l’eau, de l’air, de la lumière naturelle, la toxicité des matériaux ainsi que le confort acoustique et thermique sont au nombre des éléments qui ont été passés au peigne fin afin de répondre aux exigences de cette certification ambitieuse. En tout, 91 points ont été identifiés, permettant d’espérer l’obtention prochaine d’une certification WELL de niveau élevé. L’équipe de conception a notamment installé un système de filtration d’eau afin d’éviter les fluctuations en termes de qualité, un système de contrôle de l’éblouissement, un éclairage mélatonique équivalent pour éviter les impacts négatifs sur le rythme circadien et privilégié des matériaux à faibles émissions de particules organiques volatiles, tests de laboratoire à l’appui. Dans l’atrium, un plancher radiant et des portes tournantes manuelles pour éviter les grands courants d’air froid assurent également le confort des usagers pendant la saison hivernale en plus de contribuer à la performance énergétique globale du bâtiment.
« Un autre des aspects intéressants de ce projet est son volet actif », mentionne Normand Hudon, qui ajoute qu’il s’agissait d’ailleurs d’un des critères d’évaluation de la certification WELL. Il énumère la présence d’un gymnase à même le bâtiment, la diminution du nombre d’ascenseurs, l’escalier central, la pièce sécurisée pour ranger les vélos et faire leur entretien ainsi que les parcs et terrasses à proximité comme autant d’incitatifs pour favoriser l’activité physique chez les employés.
Autre facteur non négligeable pour les parents : l’accès à un centre de la petite enfance à même le bâtiment afin de faciliter la conciliation travail-famille.
Matériaux innovants
De toutes les innovations intégrées à ce projet, celle dont Normand Hudon est le plus fier est son tracé d’un nouveau chemin pour le bois et l’aluminium de façon remarquable par les usagers et qui améliore la qualité du milieu bâti.
À l’extérieur, le revêtement en aluminium recouvrant le stationnement étagé assure à la fois une ventilation naturelle et une dissimulation élégante des voitures. Il est composé de pas moins de 3 100 panneaux rectangulaires courbés en sens opposé à partir du centre, calibrés selon les vents dominants afin de limiter la pénétration de neige en cas de tempête. Un logiciel de paramétrisation a permis de prévoir leur forme et leur positionnement idéal, créant ce changement de couleur caractéristique selon la perspective.
« Ce revêtement présente trois approches innovantes pour l’industrie de la construction qui ont permis de profiter de la répétitivité des composantes pour obtenir une matérialité spectaculaire tout en réduisant les coûts, précise Normand Hudon. Tout d’abord, la technique de moulage des plaques d’ancrage a permis de réduire la quantité d’aluminium requise, puis les déflecteurs ont été estampés à l’aide d’une matrice pour leur donner leur forme à double courbure. Pour finir, des extrusions spéciales ont été fabriquées avec un outil de découpe numérique à cinq axes, ce qui a permis d’usiner sans coûts additionnels une multitude d’angles de rotation et d’orchestrer le mouvement fluide qui fait varier la composition des façades selon le point d’observation. »
Dans l’atrium, l’utilisation d’une structure en bois sur huit étages à aire ouverte posait un défi supplémentaire, puisque le Code de construction du Québec exige normalement une construction incombustible dans ce cas. « Nous avons dû procéder à une demande de mesure équivalente auprès de la Régie du bâtiment du Québec afin de faire approuver le concept structural », précise René Morin, directeur de projet chez AtkinsRéalis (auparavant SNC-Lavalin). Après des simulations approfondies en matière de sécurité incendie, l’équipe de conception a eu le feu vert pour aller de l’avant avec une structure novatrice jumelant du bois lamellé-collé pour les poutres et colonnes à des éléments d’acier. Les assemblages ont également été habilement dissimulés pour créer un résultat soigné.
« L’important était de s’assurer de faire sortir la fumée sans alimenter le feu », explique Jacques De Grâce, vice-président à la direction et ingénieur associé principal chez Pageau Morel. Ce dernier a participé au développement d’un système de désenfumage complexe spécifique à ce projet. Autre particularité : le platelage en bois lamellé-cloué (NLT) biseauté, dont le relief apporte une riche texture en plus d’offrir un meilleur confort acoustique.
En plus de former la structure de l’atrium, le bois a également été utilisé comme revêtement, pour le mobilier ainsi que pour les éléments signalétiques, contribuant à générer une ambiance lumineuse, chaleureuse et minimaliste inspirée de la nordicité.
- Client : Société québécoise des infrastructures (pour la CNESST)
- Architecture : Coarchitecture et LEMAYMICHAUD
- Génie civil et structural : AtkinsRéalis (auparavant SCN-Lavalin)
- Génie mécanique : Pageau Morel
- Génie électrique et structural : CIMA+
- Entrepreneur général : EBC
- Consultant en code et normes : Technorm
- Fournisseur de la structure de bois : Structure Fusion
Lumière
- Maximisation de l’éclairage naturel
- Contrôle de l’éblouissement
- Éclairage mélatonique équivalent
Biophilie
- Vue sur le fleuve
- Espaces verts (dont toits-terrasses)
- Utilisation d’une structure en bois dans l’atrium
Mouvement
- Escalier actif ouvert
- Gymnase
- Lien sécuritaire vers transports en commun
- Espaces pour vélos
- Espace de rencontre
Air, eau, son
- Système de filtration d’eau
- Système de ventilation à vitesse variable
- Surfaces absorbantes pour assurer le confort acoustique dans l’atrium
- Platelage en NLT coupé en biseau dans l’atrium
- Revalorisation d’un ancien stationnement
- Espaces pour vélos
- Bornes de recharge pour véhicules électriques
- Proximité du transport en commun
- Pavé et revêtements pâles pour éviter les îlots de chaleur
- Tours de refroidissement à sec
- Utilisation du matériau bois dans l’atrium
- Utilisation de béton ternaire
- Matériaux à faible émission de COV
- Déclarations environnementales de produits
- Échangeurs d’air à cassettes
- Recyclage de 100 % de l’énergie de chauffage
- Réduction des déchets de construction
- Et autres
- Récupération de 100 % de l’énergie de chauffage
- Éclairage DEL
- Ventilateurs à vitesses variables
- Chauffage radiant dans l’atrium
- Et autres
- Réduction de 55 % de la consommation énergétique par rapport à la référence de l’ASHRAE 90.1
- Réduction de 89 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à la référence de l’ASHRAE
- Réduction de 35 % de la consommation d’eau potable par rapport à un bâtiment standard