La firme d’architecture Margot Krasojević Architecture présente une proposition audacieuse visant à atténuer l’enjeu de l’accumulation de déchets plastiques océaniques : un complexe hôtelier évolutif fabriqué à même ces déchets.
Mû par des considérations de durabilité et d’énergies renouvelables, l’objectif initial de ce projet était de concevoir un hôtel flottant au large des côtes australiennes, dans l’archipel des Cocos (Keeling). Le secteur subissant une grave augmentation de la pollution de plastique endommageant notamment les écosystèmes locaux, le concept a peu à peu évolué pour devenir une île artificielle surprenante récupérant et intégrant les déchets océaniques.
Une île évoluant au gré des déchets
L’équipe de Margot Krasojević a d’abord cherché à comprendre, à l’aide d’un logiciel de simulation des courants océaniques, le mouvement et la migration des déchets plastiques les plus imposants, transportés à travers les océans par des gyres océaniques. Le logiciel a créé une cartographie de l’accumulation de la plus forte densité de déchets, laquelle a servi de point de départ pour comprendre comment les collecter et les valoriser de manière constructive. Les bases d’une île artificielle habitable étaient ainsi posées.
Le concept de l’île-hôtel se veut évolutif. La structure autoréparatrice se développe à partir des plastiques déversés dans l’océan et capturés à travers les filtres de l’île. Pour ce faire, des bras gonflés rassemblent et déposent les plastiques afin qu’ils soient placés dans des faisceaux de mailles, qui agissent également comme dispositifs de flottaison. L’idée s’inspire d’une équipe néerlandaise qui a cherché à utiliser différents matériaux récupérés pour créer un terre-plein, soit une étendue artificielle de terre acquise sur la mer par remblaiement.
L’île de plastique recyclé est ainsi composée de sacs de mailles remplis de déchets océaniques récupérés, tels des bouteilles ou des pneus, tissés pour créer une décharge flottante. La zone est ancrée au fond de l’océan, tandis que le sable et le limon sont déposés sur les dispositifs de flottaison en plastique récupéré.
Le défi de la gestion du niveau des eaux
La réussite du projet repose en grande partie sur la croissance de mangroves. Les racines des palétuviers pousseront autour des sacs de mailles, les cimentant pour créer une structure stable. Elles captureront ou piègeront les sédiments, autoconstruisant ainsi un mur. En gonflant, les racines absorberont l’eau et empêcheront l’île de chavirer ou de couler. La croissance des végétaux est donc essentielle afin que l’île demeure habitable.
Toute l’ingéniosité et toute l’originalité de la firme Margot Krasojević se déploient toutefois dans le système d’urgence créé pour gérer le niveau des eaux : une structure plissée de sangles entrelacées, fabriquée à partir de treillis de fibres de béton ensemencées et biodégradables. Ces « tentacules » sont libérés au contact de la montée des eaux. Ils se dilatent et se gonflent dans la houle venant en sens inverse en absorbant l’eau, créant ainsi une barrière artificielle piégeant les sédiments et absorbant le trop-plein d’eau.
Ces dispositifs agissent comme des « racines artificielles de mangrove ». Ils constituent le gilet de sauvetage de l’île en cas d’urgence, car ils permettent l’étalement des sédiments piégés, créant ainsi des terres artificielles, presque comme une bouée gonflable. Chaque tentacule entièrement immergé se dilate et tombe sur le suivant, construisant un mur temporaire empêchant l’eau d’inonder l’île tout en la soutenant en cas de dommage. Une fois la tempête terminée, les tentacules se vident. À l’aide de pompes alimentées par des panneaux solaires, l’eau est redirigée hors de l’île et rejetée dans l’océan Indien. Les tentacules se dilatent avec la pression de l’eau amoindrie, permettant à l’île de flotter.
Cette toile imbriquée agit comme une structure ouverte en capturant les sédiments. Elle fait office de filet en piégeant ceux qui s’y logent afin qu’ils puissent s’accumuler en profondeur et en densité. Cela permet ainsi aux mangroves de pousser et à la sous-structure de pollution plastique de prendre de l’ampleur, tout en amortissant les vagues tel un brise-lames.
Une expérience hors du commun
Les visiteurs atteindront cette île utopique, auto-enrichie, auto-entretenue et totalement atypique en bateau. L’hôtel proposera une série de chambres compartimentées et des terrains pour la pratique du camping. Les douches utiliseront de l’eau de mer filtrée et distillée pompée sur le site à l’aide de l’énergie solaire.
Les premiers visiteurs pourraient être accueillis au début de 2025.
Source : v2com
La firme d’architecture Margot Krasojević Architecture multiplie les projets novateurs interdisciplinaires axés sur l'intégration des concepts environnementaux, des énergies renouvelables et de la durabilité.
Mme Krasojević travaille actuellement sur des projets en Asie, où elle intègre et exploite les énergies renouvelables dans le cadre d'une infrastructure de services de construction. Elle a également conçu des maisons et des hôtels hydroélectriques qui redéfinissent la manière dont le tourisme et les rituels quotidiens sont affectés. La firme s’est par ailleurs intéressée aux propriétés du béton de chanvre en tant que matériau de construction durable et négatif en carbone dans son récent projet de conception d’une ferme agricole de cannabis en Catalogne.
Margot Krasojević est l'auteure de Dynamics and Derealisation et Spatial Pathologies-Floating Realities. Elle est professeure invitée à l'Université de Washington.
L’audace de Margot Krasojević a maintes fois été soulignée. Parmi ses distinctions :
- Prix LEAF 2018 dans la catégorie «Best Future Building – Under Construction and Drawing Board» pour la «Self-Excavation Hurricane House» en Louisiane, aux États-Unis.
- La conception de la « maison hydroélectrique » fait partie d’une exposition permanente au Futurium, à Berlin.
- L’hôtel Turbine a fait l’objet d'un documentaire télévisé de RAUM Films, en Autriche.
- Prix Global Architecture & Design Awards 2019 dans la catégorie « Hospitality » pour l'« Hydroelectric Lighthouse Hotel ».
- Prix World Architecture Community 2019 dans la catégorie « Designed » pour l'« Hydroelectric Lighthouse Hotel ».
- Nomination de la firme aux Energy Globe Awards 2020.
- Présence au Symposium sur la construction verte, République tchèque, 2021.