Aller au contenu principal
x

Vers des revêtements de bois d’avant-garde

2 novembre 2017
Par Léa Méthé

Les revêtements de bois sont appelés à entrer dans une nouvelle ère. Survol de l’avancement de la recherche au Québec.

La Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) multiplie les efforts pour faire briller les revêtements de bois dans la construction commerciale. C’est ainsi qu’elle mène des recherches sur des applications d’avenir permettant non seulement de protéger la matière, mais aussi de contribuer à la durabilité des bâtiments.  

« L’utilisation des parements de bois dans la construction non résidentielle est marginale, mais il n’y a pas de raison pour que ça reste comme ça ! »,  s’exclame Pierre Blanchet, professeur au Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval et titulaire de la Chaire. La CIRCERB prend d’ailleurs d’assaut tous les obstacles qui entravent la progression des revêtements de bois dans le bâtiment commercial.

Selon le chercheur, la première raison d’opter pour le bois est son faible impact environnemental. La deuxième est de favoriser l’économie locale. « La troisième est esthétique, avance Pierre Blanchet. Malheureusement, on juge plus sévèrement le bois que les autres matériaux. Les architectes et concepteurs affectionnent le matériau brut, sa couleur dorée et son grain unique. Ils aiment l’aspect du bois frais, sans peinture opaque ni protection. C’est l’attente la plus importante qui reste à satisfaire. »

Le CIRCERB - Photo de CIRCERB

Force est toutefois de constater que les rayons UV, l’humidité, l’abrasion et les microorganismes conspirent pour chasser la blondeur initiale du bois. « Nos recherches démontrent que les UV, l’eau et les autres agents de détérioration agissent en synergie  pour dégrader le bois, indique Véronic Landry, professeure au Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. Savoir comment ils interagissent nous permet de contrer ces mécanismes de façon plus chirurgicale. »

Dans le but de retarder le grisonnement du bois, la CIRCERB travaille par exemple à l’amélioration des revêtements acryliques. On expérimente notamment avec des microcapsules qui libèrent graduellement des additifs anti-UV. « Ce sont des approches qu’on utilise souvent dans des matériaux 100 % synthétiques. Mais nous avons la contrainte de la nature qui pose ses propres conditions », dit Pierre Blanchet. Les résultats sont suffisamment concluants pour poursuivre les tests en conditions réelles.

Pierre Blanchet, Véronic Landry et Caroline Frenette

En dépit de ces progrès, la durabilité du bois comme revêtement extérieur continue de dépendre d’une conception qui tient compte du matériau, affirme le chercheur en faisant allusion à la notion dite de protection constructive ou par la conception (durability by design). La gestion de l’humidité est le principal enjeu. Il faut songer à protéger le bois des éclaboussures par des débords de toit, gouttières et larmiers adéquats. Le lambris doit par ailleurs être posé à distance suffisante du sol et des massifs de végétaux. Il faut enfin faire la paix avec les irrégularités qui font aussi son charme. 

Progrès intérieurs bruts

Véronic Landry faisait figure de pionnière lors de la publication de sa thèse, en 2008, sur l’utilisation des nanoparticules pour rehausser la résistance des planchers prévernis. « Quand on a cogné aux portes de fabricants à l’époque, ils ne savaient pas de quoi on parlait. Aujourd’hui on en trouve partout », dit Pierre Blanchet, qui dirigeait alors ses recherches.

Le procédé chimique consiste à injecter des polymères et monomères à la surface du bois pour densifier et améliorer la résistance à l’abrasion des planchers de bois et pour que la dureté des planchers d’érable et de bouleau se rapproche de celle des essences exotiques. « On vise aujourd’hui des solutions sans COV ni formaldéhydes, sans solvant et sans eau pour une cure rapide », précise Véronic Landry.

Au chapitre des applications futuristes, l’une des plus spectaculaires sur laquelle travaille la CIRCERB est l’intégration de composantes à changement de phase dans les produits de revêtement intérieur.

L’objectif est de réaliser des économies d’énergie en exploitant le phénomène de transition entre les états solide et liquide. Le matériau, un acide gras, est inséré sous forme de sachets étanches dans un panneau de bois. Il fond lorsque la température idéale est atteinte, absorbant l’excédent de chaleur dans la pièce, ce qui a pour effet de la tempérer. Lorsque le gain solaire décroit en fin de  journée, il se solidifie en restituant l’énergie accumulée, prolongeant le confort des occupants et retardant la demande de chauffage.

« On le travaille présentement comme un produit de spécialité décoratif destiné au secteur commercial, indique Pierre Blanchet. Mais quand on sera en mesure d’imprégner le matériau à changement de phase dans la masse, on pourra envisager des applications dans les produits de finition. »

En plus de bien fonctionner dans les conditions québécoises, le matériau est biosourcé et abordable. On a aussi démontré qu’on pouvait aisément contrôler la température à laquelle on produit le changement de phase. 

Un matériau de masse ?

Au-delà de la nature renouvelable de la ressource et de sa capacité à stocker le carbone, le bois peut être combiné avec d’autres matériaux dans des applications en efficacité énergétique.  En insérant dans les rainures d’un panneau de bois ornemental des sachets scellés contenant un matériau à changement de phase, les chercheurs de la CIRCERB ont augmenté l’inertie thermique de la pièce, sans avoir recours à des matériaux de masse comme la brique ou la pierre. Notons que le panneau de 19 mm d’épaisseur agit comme une masse thermique équivalente à 20 cm de maçonnerie.

 

Les microcapsules à la rescousse

Un projet de recherche sur l’ignifugation du bois met à l’essai des microcapsules réactives à la chaleur. Le Code de construction limite l’utilisation de revêtements extérieurs combustible sur de vastes superficies. Par ailleurs, les produits retardateurs de flammes sont sensibles à l’humidité qui diminue leur efficacité au fil du temps. La CIRCERB élabore donc un enduit contenant des capsules thermosensibles qui emprisonnent le produit jusqu’à ce que leur température s’approche du point de combustion du bois. Les capsules craquent alors pour libérer le produit, juste à temps pour protéger le bois des flammes.

 

Les fruits de la recherche
  • Revêtements extérieurs en bois ignifuge
  • Planchers et finitions intérieures à l’inertie thermique rehaussée
  • Revêtements de planchers d’essences locales aussi rigides et résistants que les bois exotiques
  • Protections UV et fongiques libérées graduellement pour une conservation prolongée de l’aspect du bois brut

 

Un intérêt des professionnels

« L’utilisation des revêtements en bois pour les bâtiments non résidentiels suscite beaucoup d’intérêt de la part des architectes et des professionnels de la construction », observe Caroline Frenette, conseillère technique chez Cecobois, organisme voué au transfert des connaissances techniques sur la construction en bois. Les avancées technologiques qui découlent de ces recherches mettent en valeur un matériau local qui stimule le développement économique de nos régions forestières, tout en contribuant à la lutte contre les changements climatiques. En plus de séquestrer le carbone, les produits en bois requièrent peu d’énergie pour leur transformation et contribuent ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.