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Vers des adhésifs biosourcés pour les structures en bois

13 novembre 2024
Par Myriam Drouin

Regard sur un projet de recherche visant à améliorer le bilan environnemental des adhésifs pour les produits structuraux en bois par l’addition de sous-produits industriels biosourcés.

Les produits en bois d’ingénierie sont appréciés pour leur faible impact environnemental. Cependant, nombre de ces produits contiennent des adhésifs pétrochimiques qui nuisent à ce bilan environnemental[1]. Face à un intérêt grandissant pour des matériaux de construction plus respectueux de l'environnement, il devient essentiel d'intensifier la recherche en explorant des adhésifs alternatifs pour les produits d’ingénierie en bois.

Les principaux adhésifs d'origine biologique sous la loupe des chercheurs incluent ceux à base de tanins, de lignines et de protéines[2,3]. Les protéines, en tant que macromolécules biologiques sont reconnues pour leur capacité à améliorer l'adhérence des adhésifs au substrat en bois[4,5]. Ce sont des ressources abondantes de la biomasse qui présentent une faible toxicité. Les principales protéines qui ont été étudiées dans la littérature sont les protéines de soya, de coton et les protéines de lait, les caséines.

Afin d’explorer le développement d’adhésifs biosourcés, Alex Mary a entrepris un projet de doctorat au sein de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval, sous la supervision de Véronic Landry et Pierre Blanchet, professeurs en sciences du bois. L'objectif principal de ce projet était de développer de tels adhésifs destinés aux produits d'ingénierie en bois en répondant aux exigences de performances mécaniques et chimiques des adhésifs structuraux commerciaux, tout en améliorant la fin de vie des structures de bois lamellé-croisé.

Méthodologie

Le projet s’est concentré sur le remplacement du polyol, utilisé dans les formulations d’adhésifs polyuréthanes, par des alternatives biosourcées. La substitution a été possible grâce à l’intégration de divers sous-produits industriels biosourcés dans le système adhésif à base de polyuréthane. Plus précisément, quatre sources de protéines coproduits d’industries québécoises ont été explorées : les tourteaux de soya; les drêches de microbrasseries; les carapaces de crevettes; et le lait écrémé en poudre.

Des concentrés de protéines ont été extraits de ces matières premières. Dans une première phase, ces protéines ont été caractérisées afin d'obtenir des informations sur leur structure et leur composition chimique, éléments cruciaux pour comprendre leur comportement lors de l'incorporation. Ensuite, les concentrés de protéines ont été introduits à différentes concentrations (5 %, 10 %, 15 % et 20 %) pour mesurer leur influence sur les propriétés cinétiques et mécaniques des adhésifs. La référence pétrochimique est représentée par l’adhésif à 0 % en teneur en protéines.

Survol des résultats

Des analyses de pénétration effective ont donc été réalisées pour étudier l’impact de l’incorporation de protéines sur la pénétration de l’adhésif dans le lumen du bois, un paramètre important qui influence sa performance. Les résultats indiquent une relation positive entre la pénétration effective et la teneur en protéines, quel que soit le concentré de protéines utilisé. Cette tendance observée peut être attribuée aux différentes viscosités des adhésifs à différentes teneurs en protéines. Notons que l’adhésif pétrosourcé de référence (0%) a présenté, dans presque tous les cas, une pénétration plus faible dans le bois que celle des adhésifs protéinés.

Un projet de recherche visant à améliorer le bilan environnemental des adhésifs pour les produits structuraux en bois par l’addition de sous-produits industriels biosourcés.

La capacité d’adhésion au bois des différents adhésifs a été étudiée. Des analyses mécaniques en cisaillement ont été réalisées afin de déterminer le point de rupture des adhésifs utilisés pour le collage du bois (Picea mariana, Mill.). La résistance au cisaillement comparative des adhésifs en fonction de leur teneur en protéines est illustrée à la figure 1. Dans la majorité des cas, les adhésifs contenant les concentrés de protéines ont présenté une résistance au cisaillement supérieure à celle de la référence pétrochimique (0 %).

Ces résultats suggèrent donc que l'incorporation de protéines dans les adhésifs est susceptible d’améliorer la capacité de charge maximale que les structures en bois peuvent supporter avant d'atteindre le point de rupture de l'adhésif. Cependant, l'analyse a révélé l'absence de fibres à la surface des échantillons fracturés. Cela suggère que le bois est mécaniquement plus résistant que les différents adhésifs de cette étude; or, un adhésif structurel doit, par définition, être plus résistant que le bois. Des travaux futurs seront donc nécessaires pour optimiser les formulations afin d’obtenir la rupture mécanique dans le bois plutôt que dans la ligne de colle.

Résistance au cisaillement des adhésifs polyuréthane à différentes teneurs en protéines du concentré de protéines de tourteaux de soya (PU-BPC), du concentré de protéines de drêches de microbrasseries (PU-GPC), du concentré de protéines de carapaces de crevettes (PU-SPC) et du concentré de protéines de lait écrémé en poudre (PU-MPC). Les lettres représentent les groupes de test LSD.

Conclusion

Le projet de recherche a démontré que l'introduction de protéines dans les adhésifs à base de polyuréthane a apporté plusieurs améliorations significatives. En augmentant la teneur en protéines, on a observé une meilleure pénétration dans le bois, ainsi qu'une influence positive sur les propriétés mécaniques des adhésifs. Ces résultats soulignent le potentiel d'incorporation de matériaux à base de protéines dans les adhésifs de polyuréthane, ouvrant ainsi la voie à la production d'adhésifs structurels à base renouvelable.

Ces adhésifs sont envisageables sur le plan industriel, car le processus d'obtention des concentrés de protéines à partir des matières premières est relativement simple. De plus, la formulation de l'adhésif n'est pas complexe, et cela permet de gérer efficacement les déchets industriels.

* Un article technique sur ce projet de doctorat peut être consulté dans la section Du labo au chantier sur le site Web de Cecobois. 


1. Chen, C. X., Pierobon, F. & Ganguly, I. Life Cycle Assessment (LCA) of Cross-Laminated Timber (CLT) produced in Western Washington: The role of logistics and wood species mix. Sustainability (Switzerland) 11, (2019).

2. Pizzi, A. & Mittal, K. L. Handbook of Adhesive Technology. (CRC Press, 2005).

3. Vnučec, D., Kutnar, A. & Goršek, A. Soy-based adhesives for wood-bonding–a review. Journal of Adhesion Science and Technology vol. 31 910–931 Preprint at https://doi.org/10.1080/01694243.2016.1237278 (2017).

4. Yang, I., Kuo, M., Myers, D. J. & Pu, A. Comparison of protein-based adhesive resins for wood composites. Journal of Wood Science 52, 503–508 (2006).

5. Yan, Q. et al. Development of soybean meal based adhesives with excellent wet-resistance and prepressing bonding strength via disulfide bond reshuffling strategy. Constr Build Mater 377, 131040 (2023).