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Bois massif : des DEP sous la loupe

17 juillet 2024
Par Myriam Drouin

Évaluation de la contribution des DEP à la qualité des analyses environnementales de bâtiments en bois massif.

Avant même l’exploitation d’un bâtiment, l’empreinte environnementale de celui-ci est teintée par la nature des matériaux avec lesquels il est construit. L’impact de ces matériaux découle de leur extraction, leur fabrication, leur transport, leur installation, leur utilisation ainsi que leur fin de vie. Il convient donc de les sélectionner avec soin lors de la conception d’un nouveau bâtiment ou la rénovation d’un bâtiment existant. Afin de guider les concepteurs en ce sens, des outils ont été développés pour informer sur leur impact environnemental. L’analyse de cycle de vie (ACV) et les déclarations environnementales de produit (DEP) font partie de ces outils disponibles pour caractériser cette performance.

L’analyse de cycle de vie d’un bâtiment, rappelons-le, est un calcul complexe qui permet de prendre en compte de façon exhaustive les impacts de son cycle de vie. L’analyse peut considérer de façon intégrale toutes les étapes de ce cycle de vie, incluant la production des matériaux, les phases de construction et d’utilisation du bâtiment ainsi que sa fin de vie, ou encore se pencher strictement sur certaines phases. Pour caractériser ces impacts il faut disposer d'une grande quantité de données qui proviennent généralement de bases de données génériques. Celles-ci permettent d’obtenir des données représentatives d’une région ou d’un pays pour un matériau ou un processus.

À l’instar des fiches nutritives affichées sur les aliments, les DEP nous informent quant à elles des impacts environnementaux associés spécifiquement aux produits. Elles peuvent donc faciliter la comparaison entre différents produits grâce aux informations quantitatives qu'elles contiennent. Ces données sont issues d’ACV et sont vérifiées par une tierce partie. Les DEP suivent les lignes directrices des règles spécifiques aux catégories de produits (PCR) afin de permettre la comparaison entre les produits.

Évaluation de l’offre

Dans le but d’évaluer l’offre de DEP pour les produits de structures en bois massif et la contribution de ces DEP à la qualité des analyses environnementales de bâtiments, Gabrielle Pichette a réalisé un projet de maîtrise au sein de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB), à l’Université Laval. Plus précisément, elle a documenté l’offre de DEP pour ces produits en Amérique du Nord, elle a comparé le contenu des données des DEP avec celui des bases de données génériques et elle a analysé l’effet de l’utilisation des résultats d’impacts environnementaux des DEP comparativement aux bases de données génériques, dans une analyse de cycle de vie d’un bâtiment multirésidentiel en bois massif.

Son analyse de l’offre de DEP existantes pour les produits de structures en bois massif en Amérique du Nord, plus précisément celles du bois de placages stratifiés (Laminated veneer-lumber, LVL), du bois lamellé-croisé (Cross-laminated timber, CLT) et du bois lamellé-collé (Glulam, GLT), a permis de constater que la production de DEP pour les produits structuraux en bois est une pratique présente mais pas répandue à l’ensemble des fabricants.

Photo: CIRCERB

Au total, 19 DEP ont été répertoriées en Amérique du Nord dont six pour le lamellé-collé, neuf pour le CLT et quatre pour le LVL. La majorité des fabricants de CLT (50 %) et GLT (88 %) ont publié une DEP, alors que cette proportion est de 30 % pour les fabricants de LVL. La majorité des DEP répertoriées sont spécifiques à un produit d’une entreprise (16), toutefois certaines regroupent des données à l’échelle l’industrie.

Les impacts trouvés dans les DEP nord-américaines pour les trois types de produits de structures en bois ont été comparés aux impacts génériques fournis dans la base de données Ecoinvent. Cette comparaison a mené à la conclusion que pour la majorité des produits et des impacts considérés, les données génériques et les données des DEP se recoupent. Dans un seul cas, soit pour les impacts du CLT sur le potentiel de réchauffement planétaire, les deux types de données présentent un écart. Ainsi, le projet porte à conclure que généralement ces données pourraient donc être utilisées sans distinction. Cependant, l’auteur précise que compte tenu de l’utilisation de PCR, de bases de données et de logiciels différents pour réaliser les DEP, la comparaison directe entre DEP doit être réalisée avec prudence.

ACV comparative

Une ACV comparative a également été réalisée afin d’évaluer l'effet du remplacement d'un processus générique par les résultats obtenus dans une DEP d'un matériau spécifique. Les résultats de l'impact maximal et minimal du potentiel de réchauffement planétaire trouvé dans les DEP du CLT ainsi que du LVL ont été utilisés et comparés avec ceux du processus respectif d’Ecoinvent. Lorsqu’on ne prend pas en compte les différences de distance de transport entre le lieu de construction et les différents fabricants, l’analyse porte à conclure que l'utilisation du processus de la DEP et celle d'un processus générique d’Ecoinvent pour les produits structuraux d'un bâtiment résidentiel en bois massif mènent aux mêmes résultats. Toutefois, le bâtiment étant un système complexe, le fait de ne pas prendre en compte toutes les phases du cycle de vie dans une ACV peut avoir pour conséquence de déplacer les impacts environnementaux vers d'autres étapes.

Ainsi, l'utilisation des seuls résultats d’une DEP pour prendre une décision peut conduire à négliger d'autres impacts environnementaux qui ne sont pas pris en compte dans le champ d'application de la DEP. Les DEP évaluées dans le cadre de cette étude déclarent seulement la phase de production. En considérant d’autres étapes du cycle de vie non déclarées dans les DEP, comme le transport entre le fabricant et le site de construction, une différence significative de 18 % est observée dans les impacts environnementaux du bâtiment.

Enfin, de façon générale, on conclut que plus on considère de phases du cycle de vie dans les analyses, plus on s’assure d'avoir une vision holistique des impacts. En d’autres mots, ça permet d’éviter un transfert d’impact ou de négliger potentiellement des impacts liés au choix d’un matériau plutôt qu’un autre.

*Un article technique sur ce projet de maîtrise peut être consulté dans la section « Du labo au chantier » sur le site Web de Cecobois.