Une innovation présentant un intéressant potentiel de reproductibilité : la réutilisation de l’eau de pluie dans l’entretien de la glace de l’aréna de Saint-Michel, à l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, à Montréal.
L’aréna de Saint-Michel de l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension sera équipé, à l’été 2014, d’un système de captation et de traitement des eaux pluviales destiné à alimenter une surfaceuse. Le gain visé par cette mesure : une économie de plus d’un million de litres d’eau potable par an, en plus d’un allègement du même ordre sur le réseau d’égout montréalais. Une première au Québec.
L’origine de cette innovation remonte à l’été 2011, alors que la firme d’ingénierie Martin Roy et associés (MRA) est appelée au renfort pour régler le problème de refoulement d’égout de l’aréna de Saint-Michel. L’analyse des ingénieurs démontre que la portion la plus ancienne du bâtiment, construite en 1968, et la partie datant de 1981 sont toutes deux dépourvues de clapets antirefoulement. Et qu’elles rejettent aux égouts un débit de pointe de 477 L/s, une valeur 30 fois plus élevée que la norme applicable aux bâtiments rénovés ou nouvellement construits dans le secteur.
« Parce que l’installation de clapets antirefoulement n’était qu’une solution temporaire pour éviter des dégâts, il fallait trouver le moyen de réduire le volume d’eau rejeté aux égouts », explique Alexandre Bouchard, ingénieur chez MRA. Au terme d’une étude préliminaire déposée par cette firme de Deux-Montagnes en août 2011, deux options sont retenues : l’utilisation de l’eau de pluie pour alimenter une des deux surfaceuses et la mise en place d’un bassin de rétention naturel avec régulateur de débit, situé à l’extérieur.
« C’est en allant visiter le bâtiment pour la première fois, raconte Alexandre Bouchard, que j’ai constaté que la Zamboni nécessitait 10 remplissages de 680 litres d’eau par jour pour l’entretien d’une seule glace. Je me suis dit qu’il y avait là un excellent potentiel pour valoriser l’eau de pluie. » Sur une base annuelle, l’entretien d’une patinoire requiert environ 1,75 million de litres d’eau potable.
De retour au bureau, l’ingénieur fait ses recherches et repère un projet semblable réalisé au War Memorial Arena de Syracuse, dans l’état de New York. « Comme ce projet faisait l’objet de subventions publiques, indique-t-il, tous les plans et devis étaient disponibles en ligne. » Qui plus est, à la suite d’une conversation avec le responsable sur place, il apprend que la glace entretenue avec de l’eau de pluie est appréciée des usagers de l’aréna américain, qui la trouvent plus résistante que celles entretenues avec l’eau du réseau municipal.
Collecte des eaux pluviales
L’étude de faisabilité du projet de gestion des eaux de pluie est déposée en juin 2012 auprès de la Ville de Montréal. MRA propose un système qui collecte les eaux pluviales des deux toitures contiguës de l’aréna, d’une superficie totale de 7 500 mètres carrés, soit l’équivalent d’environ 29 terrains de tennis. L’eau récupérée s’écoule d’abord à travers trois filtres vortex de 30 centimètres de diamètre, avant d’être entreposée dans deux réservoirs de 7,6 mètres cubes chacun, puis acheminée graduellement vers le système de filtration.
« Dans un monde idéal, précise Alexandre Bouchard, on aurait eu un seul réservoir et il serait immense pour maximiser la réserve, mais les contraintes d’espace et d’argent ont fait que deux réservoirs qui passaient par la porte de garage étaient la solution optimale. »
Le fabricant Zamboni stipule que l’eau utilisée pour le surfaçage d’une glace doit afficher un pH entre 5 et 7 et contenir des particules d’une taille maximale d’un micron, pour une turbidité de 20 UTN (Unités de Turbidité Néphélométrique) maximum. Or, le système de filtration choisi va au-delà des critères spécifiés, étant notamment équipé d’un filtre à membrane qui capte les particules jusqu’à 0,1 micron, suivi d’un filtre rayonnement UV servant à éliminer les bactéries et virus restants.
Avec un pH et une turbidité dans les valeurs prescrites, les eaux traitées ne présentent aucun danger pour le bon fonctionnement d’une surfaceuse. « Le filtre UV n’était probablement pas nécessaire, note Alexandre Bouchard, mais nous avons opté pour une solution sécuritaire pour les usagers en cas de contact direct avec la glace. »
Parce que l’eau de la surfaceuse doit aussi être chauffée à 60 degrés Celcius, cinq chauffe-eau à condensation au gaz naturel ont été installés, pour une puissance totale de 59 kilowatts. À 96 % d’efficacité, une telle capacité était requise pour produire un débit de 1,14 L/s et ainsi satisfaire le temps limite de remplissage de la surfaceuse, soit 10 minutes.
Afin d’assurer une redondance au système de gestion des eaux de pluie, un bassin naturel de rétention est prévu dans l’éventualité où l’entretien de la glace serait interrompu. Ce bassin dit naturel et sec, conçu par la firme Vinci Consultants, peut accueillir toute l’eau en provenance des toitures dans un espace mesurant 45 mètres sur 11 mètres. D’une capacité totale de 222 mètres cubes, ce bassin sans retenue permanente d’eau régule le débit acheminé vers les égouts à un taux de 13,5 L/s.
« Comme c’est un projet de démonstration dont l’investissement est relativement élevé, souligne Alexandre Bouchard, nous avons fait le choix d’alimenter en eau de pluie une seule des deux surfaceuses, et par le fait même, une seule des deux patinoires. » La configuration des garages, les conduites additionnelles et le manque d’espace sont tous des facteurs qui ont contribué à restreindre l’utilisation de l’eau de pluie à une seule machine.
Et pourquoi une telle solution n’est-elle pas encore appliquée dans les arénas du Québec ? L’absence de rentabilité directe de l’investissement fait reculer, mais aussi le risque d’oser l’eau de pluie dans la machinerie. Par contre, maintenant que la recherche a été effectuée et que le concept est sur le point d’être mis à l’essai, Alexandre Bouchard est convaincu de la grande reproductibilité de cette idée d’avant-garde.
Le projet de l’aréna Saint-Michel bénéficie d’une subvention de 175 000 dollars du Fonds municipal vert, sur un coût de réalisation de 756 000 dollars. L’économie de 1 040 mètres cubes d’eau potable par an équivaut à une baisse de 30 % de la consommation d’eau de l’infrastructure.