L’optimisation de la qualité de l’air dans les bâtiments exige de recourir à des matériaux favorisant la santé et le bien-être des occupants.
L’évolution des bonnes pratiques en matière de qualité de l’air intérieur progresse à un rythme fulgurant depuis quelques années. La création en 2013 de l’International Well Building Institute, dont le modèle d’affaires s’apparente à celui du Conseil du bâtiment durable avec la certification LEED, y a notamment contribué. Alors que LEED a démystifié le sujet, Living Building Challenge l’a développé, et voilà que WELL transforme la qualité de l’environnement intérieur en une démarche approfondie à part entière.
Mélanie Pitre, directrice du développement durable chez Ædifica, également professionnelle accréditée WELL, connaît bien les enjeux que pose la qualité de l’air intérieur. « Au Québec et dans les pays développés, observe-t-elle, nous faisons face à des problèmes de moisissures, d’apport d’air insuffisant, de radon, et d’hypersensibilité chimique des usagers. Dans les pays en développement, on ajoute les problèmes liés à la mauvaise gestion des gaz de combustion. »
D’autre part, la qualité de l’air intérieur est loin d’affecter seulement les usagers directs. En fait, lorsqu’on inclut les travailleurs de la construction, le personnel responsable de l’entretien ménager, ou encore les familles dont les membres sont incommodés par des problèmes de santé dus à un environnement intérieur malsain, il est question de santé publique selon Mme Pitre. « On parle souvent d’amélioration de la productivité et de réduction de l’absentéisme, dit-elle. Or, la qualité de l’air est davantage une nécessité. Réalistement, si le sujet passe sous le radar des exploitants, ils s’exposent à des problèmes majeurs, soit du personnel malade, des plaintes, des démissions ou encore un inconfort marqué dans l’environnement de travail. »
Facteur matériel
Qui plus est, pour une personne souffrant d’allergie, d’asthme ou encore d’hypersensibilité chimique, les symptômes sont plus susceptibles de se manifester si la qualité de l’air est déficiente. Et comme pour les architectes « le choix des matériaux est le facteur ayant le plus grand impact sur la qualité de l’air intérieur », indique William Leblanc, architecte responsable des certifications chez Coarchitecture, « la conception initiale d’un bâtiment ou d’un réaménagement intérieur est cruciale ».
La certification WELL exige notamment que des tests récurrents soient effectués pour maintenir la certification et la qualité d’environnement initialement visée. « Un dossier de recertification doit être déposé aux trois ans, avec des résultats de tests de qualité de l’air intermédiaires, explique Mélanie Pitre. Le contrôle de la qualité de l’air est donc effectué plusieurs fois par année. »
Côté ventilation, la norme WELL requiert un niveau de filtration d’air supérieur aux pratiques courantes, notamment par la prescription de filtres homologués MERV 13, qui permettent de capter des particules jusqu’à un diamètre de 0,3 micron. Ce niveau de filtration supérieur est fréquent dans les environnements hospitaliers ou médicaux. Pour la filtration de l’air recirculé, l’utilisation de filtres au charbon actif, une matière poreuse, dont la grande surface spécifique lui confère un fort pouvoir absorbant, est également requise.
Toujours selon l’approche WELL, l’analyse périodique de la qualité de l’air doit se faire par la combinaison de tests et de sondages. Ces derniers permettent de déceler les zones problématiques dans un bâtiment ou encore les moments précis de la journée durant lesquels la qualité de l’air décroit. Ils amorcent aussi la communication auprès des usagers et la boucle de rétroaction peut alors être complétée en publiant les mesures correctives ou préventives, de même que les résultats des tests de qualité de l’air.
Approche conceptuelle
À l’étape de la conception, Mélanie Pitre illustre l’approche à préconiser avec un exemple bien concret. « Il faut d’abord réduire à la source, dit-elle, puis construire autrement. Je privilégie les joints et attaches mécaniques plutôt que chimiques. » Et dans une perspective de cycle de vie des matériaux, il est certes plus facile de dévisser que de décoller!
Elle ajoute : « Pour la finition des surfaces, j’évite, lorsque que c’est possible, l’utilisation de produits laqués à l’intérieur. Des cires ou des huiles peuvent parfois être moins nocives et plus simples d’entretien. Les époxys à base d’eau sont maintenant performantes, tout comme les peintures sans COV. »
William Leblanc abonde dans le même sens, tout en faisant état du défi auquel il doit faire face : « Il faut éviter ou limiter les matériaux contenant des substances faisant partie de la liste rouge des matériaux du Living Building Challenge. Cependant, nous sommes confrontés au défi du manque d’informations normalisées sur l’émissivité réelle des matériaux, en contraste avec le contenu calculé en COV, qui lui est disponible. »
En effet, bien que les contenus en COV des adhésifs, produits d’étanchéité, peintures et enduits soient disponibles sur les fiches signalétiques, leurs émissivités réelles testées commencent seulement à être divulguées. Et avec WELL et LEED v4, ce sont tous les matériaux utilisés à l’intérieur des bâtiments qui doivent respecter les seuils requis pour les taux d’émissivité dans l’air.
La solution n’est pourtant pas hors d’atteinte. Outre la déclaration environnementale de produits et la déclaration sanitaire de produits, qui sont des outils de divulgation complets basés sur des démarches très détaillées et homologuées par une tierce partie, il y a moyen pour les fabricants d’opter aujourd’hui pour une solution plus accessible et moins onéreuse. Premier pas vers l’objectif de la divulgation complète de ces déclarations, cette étape consiste en la réalisation de tests sur l’émissivité de leurs produits.
« Le protocole de test sur l’émissivité des matériaux, développé par le Department of Public Health de la Californie, est aisément réalisable par les laboratoires québécois, et ce, à des coûts raisonnables pour les petits fabricants », précise William Leblanc. Ce protocole de test est d’ailleurs le fondement de la nouvelle mouture du crédit LEED v4 sur les matériaux à faibles émissions.
Les deux spécialistes s’accordent pour affirmer que l’accès à des matériaux mieux adaptés au maintien de la qualité de l’air intérieur est désormais plus facile. « Il est difficile d’éliminer complètement les COV, mais nous avons plusieurs options pour réduire leur présence », affirme Mélanie Pitre. William Leblanc souligne qu’à performance égale, il préconise l’utilisation d’un « matériau certifié par une tierce organisation ».
- Réduire à la source en construisant autrement
- Choisir des matériaux à faible émissivité particulaire ou gazeuse
- Maintenir la qualité des matériaux grâce à un entretien régulier et approprié
- Utiliser des produits de nettoyage adaptés aux surfaces, et sans émissivité
- Favoriser les joints/attaches mécaniques plutôt que chimiques
- Prévoir un approvisionnement en air frais qui pourra être adapté et bonifié en fonction des besoins futurs
- Préconiser des cloisons démontables et réutilisables pour éviter les phases de démolition
- Concevoir en fonction du comportement des gens, telle la norme WELL
- Choisir des matériaux avec protection antimicrobienne intégrée
- Prévoir un niveau de filtration de l’air accru
- Travailler le choix des matériaux en évitant autant que possible les substances incluses dans la liste rouge des matériaux
- Les substances à proscrire dans un projet où l’on veut mettre l’accent sur la qualité de l’air sont celles de la Liste rouge des matériaux, établie par l’International Living Future Institute. En bref, ces substances sont soit :
- polluantes pour l’environnement;
- une source de bioaccumulation dans la chaîne alimentaire;
- nuisibles à la santé des travailleurs en usine ou sur un chantier de construction.