Le matériau bois s’invite plus que jamais dans les écoles au Québec. Et même au-delà de deux étages…
Elles portent des appellations telles que : de l’Everest, à Québec; de l’Étoile, à Lévis; Le Trécarré, à Victoriaville; ou encore Sans-Frontières, à Saint-Jérôme. Et elles ont pour dénominateurs communs qu’elles logent de jeunes élèves, qu’elles comptent moins de trois étages et qu’elles font la part belle au matériau bois dans des usages structurel ou d’apparence. Souvent dans les deux cas de figure.
Ces écoles, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, sont loin d’être légion au Québec, si bien que l’on pourrait les décliner à voix haute sans trop s’essouffler, ou presque. Combien au juste ? Une trentaine en arrondissant. Ça, c’est le pâle reflet que renvoie la situation actuelle, du moins celui que l’on perçoit de prime abord. Car une embellie se dessine à l’évidence peu à peu, voire une véritable tendance.
C’est que la plupart de ces constructions du domaine scolaire intégrant le bois, dont plusieurs consistaient en des agrandissements, ont vu le jour ces dernières années à une cadence allant toujours en s’accélérant. Et que plusieurs autres projets du genre sont en voie de réalisation ou sur des planches à dessin.
C’est sans compter que l’intérêt du milieu scolaire pour le matériau bois est tout aussigrandissant que palpable, tout comme celui des professionnels du bâtiment. « Il y a un réel engouement présentement, en même temps que l’on assiste à un réinvestissement dans les écoles, observe Gérald Beaulieu, directeur de Cecobois. Les astres n’ont jamais été aussi bien alignés pour utiliser le matériau bois dans des projets d’infrastructures scolaires. »
Pour lui, il est clair que le bois peut être intégré de façon très avantageuse dans les écoles québécoises. Pour la structure, en mettant à profit le lamellé-collé, le lamellé-croisé ou l’ossature légèrement, mais également pour les parements extérieurs et les revêtements de finition à l’intérieur.
« Nous avons la possibilité de réaliser des écoles très performantes avec le bois, affirme-t-il, tant sur les plans économique et écologique que sur celui de la qualité du milieu d’apprentissage. Il suffit de bien optimiser l’utilisation des différents systèmes constructifs. De cette façon, on peut construire des projets d’écoles intégrant le bois à des coûts très compétitifs, d’autant plus que le recours à ce matériau permet de réduire l’usage de produits de finition, par exemple en laissant les pontages apparents. »
Alain Côté est bien placé pour en parler : celui qui est à la tête de la firme Lemay Côté architectes a eu l’occasion de mettre à profit le matériau bois, à des degrés différents, dans la construction de deux écoles et l’agrandissement d’autant d’établissements scolaires, depuis 2013, à Victoriaville. Ces réalisations se sont articulées soit autour du recours à des poutres et poteaux en bois lamellé-collé, soit à une ossature légère, en plus de faire usage de revêtements en bois à l’extérieur et à l’intérieur.
« C’est une orientation qu’a adoptée la Commission scolaire des Bois-Francs, qui entend désormais considérer le bois pour toutes ses nouvelles écoles, souligne-t-il. Elle ne se questionne plus sur les coûts, car on sait que ce genre de projets s’inscrit à l’intérieur des budgets.
« Le bois, ajoute-t-il, est un matériau apaisant et agréable à regarder, et qui permet d’offrir un environnement favorable à l’apprentissage, D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le taux de décrochage scolaire a diminué de 15 % depuis la réalisation des projets dans lesquels a été utilisé le bois. Les commissions scolaires au Québec ont donc tout intérêt à pousser plus loin dans cette direction. »
Avancée à la verticale
Cette direction, la Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV), sur la rive sud de Montréal, a elle aussi décidé de l’emprunter, mais non sans sortir des sentiers battus. Car elle est engagée dans une démarche visant l’intégration d’éléments structuraux en bois massif dans une nouvelle école de trois étages dont l’ouverture est prévue pour le printemps 2018.
Comme le Code de construction du Québec limite à deux le nombre d’étages des écoles dont la structure est en bois, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a consenti en début d’année à financer une analyse des principales exigences de sécurité des occupants, de sécurité incendie et d’évacuation du bâtiment.
Cette étude, menée par Technorm, servira à démontrer à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) que la construction projetée, qui requiert évidemment la présentation de mesures équivalentes, respecte les exigences du Code.
Si la CSMV a choisi de construire une école sur trois étages, c’est parce qu’elle s’active sur un territoire restreint montrant une grande densité de population, puisqu’elle couvre la ville de Longueuil, incluant les arrondissements de Saint-Hubert et de Greenfield Park. Et que les terrains disponibles y sont à la fois rares et très chers. « En élevant le bâtiment sur trois étages, on peut réduire la surface du terrain requis d’au moins 5 000 m2, précise la présidente de la Commission scolaire Marie-Victorin, Carole Lavallée.
« En même temps, enchaîne-t-elle, on voulait réduire notre empreinte écologique et faire montre d’exemplarité auprès de nos élèves, mais aussi de la communauté, en nous tournant vers une ressource renouvelable comme le bois pour la structure de notre future école. Il s’agit aussi d’un matériau très noble, très beau, qui a également une âme, et nous voulons le laisser apparent. Le bien-être de nos étudiants est important, et le bois ne peut certainement pas nuire à l’apprentissage. »
Elle note que la CSMV travaille avec la RBQ en vue d’obtenir son autorisation, que le dossier progresse et qu’elle a bon espoir que le projet pourra aller de l’avant. Le cas échéant, il marquera un premier pas dans la réalisation d’autres établissements intégrant le bois sur le territoire de cette commission scolaire. « Nous sommes en pleine croissance, explique la présidente. Nous agrandissons des écoles et nous en avons d’autres à construire. Si on ne peut pas exactement répliquer les plans dans d’autres projets, nous allons à tout le moins nous en inspirer et en appliquer les principes. »
Tracer la voie
Cette intention de la CSVM sonne comme de la musique aux oreilles de Gérald Beaulieu. « Nous avons travaillé avec les gens de cette commission scolaire sur le plan technique, pour les aider dans leur choix de système constructif. Nous leur avons fourni beaucoup d’informations sur les produits disponibles. Et lorsque le projet aura reçu l’autorisation de la RBQ, nous allons le suivre de très près et le documenter. Car, sans mauvais jeu de mots, il est assurément appelé à faire école. »
Il ne sera pas le seul à suivre l’éventuelle mise en œuvre du projet de la CSMV. Pierre-André Lévesque, associé chez BGLA | Architecture et Design urbain, entend bien garder un œil sur la suite des choses et s’en inspirer à son tour si l’occasion de concevoir un tel projet se présente.
Il faut dire que cet architecte s’active au sein d’une firme dont l’ADN est ni plus ni moins imprégné de l’usage du bois, elle qui compte plusieurs réalisations intégrant ce matériau. Comme l’agrandissement du campus de Rouyn-Noranda de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, la construction du siège social de Maheu & Maheu à Québec ou encore celle du Pavillon universitaire Alouette à Sept-Îles.
Sans compter qu’elle a également utilisé ou met actuellement à profit le bois dans des projets d’école. Par exemple, l’agrandissement de celle de l’Everest, qui intègre des colonnes et des poutres en lamellé-collé et un peu de bois de finition à l’intérieur.
« C’est un matériau apaisant tout désigné pour des écoles, observe Pierre-André Lévesque. Il a un côté naturel que l’on veut montrer. Il est un peu didactique par lui-même. C’est sûr qu’il faut vivre avec la mécanique apparente, mais en même le bâtiment devient une démonstration de ce qu’est une construction.
« Et c’est sûr que mon premier réflexe serait d’aller vers une structure de bois, plus particulièrement en utilisant du lamellé-croisé, si j’avais à travailler à la conception d’une école de trois étages, renchérit-il. C’est une solution qui peut être particulièrement appropriée dans les milieux urbanisés. »
Stéphan Langevin, associé chez STGM Architectes, n’aura pas lui non plus à se faire tordre le bras pour concevoir des écoles utilisant le bois. Cette firme de Québec a conçu plusieurs projets dans le milieu scolaire au fil des ans, dont la construction en bois de l’école de l’Étoile plus récemment.
« Nous avons opté pour une structure massive en lamellé-collé et en lamellé-croisé laissée apparente, précise cet apôtre du matériau ligneux. Nous avons essayé de mettre le bois en valeur le plus possible en l’utilisant notamment dans le hall d’entrée, la salle communautaire et le service de garde. »
Et est-ce qu’il entend répéter lorsque l’occasion se présentera ? « Dans tous nos projets, à moins d’avis contraire d’un client, on regarde toujours comment on pourrait utiliser le bois de façon intelligente, dit-il. J’aime le bois et j’aime travailler avec ce matériau, mais pas toujours à tout prix. Cependant, c’est sûr que si jamais on peut voir à la conception d’une école de trois étages, on va le considérer. »
Si la construction d’écoles intégrant une structure de bois commence seulement à s’animer au Québec, il en va tout autrement en d’autres endroits dans le monde. C’est notamment le cas dans la région des Vosges, en France.
« Voilà une dizaine d’années que l’on s’intéresse de près à ce qui se passe dans la région des Vosges avec la construction des établissements scolaires, indique Frédéric Verreault, porte-parole de Nordic Structures. Parce qu’à la suite de quelques incendies qui se sont avérés dramatiques, une réglementation a été mise en place pour rendre obligatoire la construction d’écoles avec une structure de bois massif.
« Et c’est justement pour assurer une évacuation sécuritaire des enfants s’il devait survenir un incendie, précise-t-il, en raison de la très grande stabilité du bois massif dans le cas d’un feu. »
Il fait également remarquer que le recours à une charpente de bois massive permet de construire un bâtiment en accéléré. Comme l’a démontré l’érection en une quinzaine de semaines des 13 étages, dont 12 sont constitués de lamellé-croisé et de lamellé-collé, de la tour d’habitation en copropriété Origine à Québec – le plus haut bâtiment en bois massif actuellement en Amérique du Nord.
« Avec le bois massif, dit-il, il y a un gain très significatif quand on considère que les échéanciers pour la construction d’écoles sont souvent très courts, puisque ces nouveaux établissements doivent être livrés à temps pour une rentrée à l’automne. »
Le projet de construction d’une école trois étages incorporant une structure de bois de la Commission scolaire Mare-Victorin servira d’étalon, pour ainsi dire, aux fins de l’établissement de lignes directrices qui se retrouveront dans un guide que sera appelée à produire la Régie du bâtiment du Québec.
Comme celui portant sur la construction en bois pour des bâtiments allant jusqu’à
12 étages, publié à l’été 2015, cet ouvrage permettra d’ériger des écoles de trois étages sans avoir à présenter de mesures équivalentes à la RBQ. Et ce, tout en respectant les exigences québécoises sur les plans de la qualité et de la sécurité du public.
« La Commission scolaire Marie-Victorin explorait déjà la possibilité de construire une école de trois étages en bois, mais elle avait besoin de soutien pour mener à bien son projet, indique François Fortin, directeur du développement de l’industrie des produits du bois au ministère des Forêts, de la Faune et des Parc (MFFP).
« Dans le but de faire un premier pas vers un guide sur la construction d’écoles en bois, poursuit-il, le MFFP a donc décidé de s’impliquer dans le projet afin qu’il puisse se réaliser en respectant les règles de sécurité imposées par le Code de construction du Québec. »