Quand l’ergonomie s’associe au design durable pour le plus grand bénéfice des occupants des espaces intérieurs commerciaux. L’exemple de la Banque Nationale.
Les temps changent, le design des espaces de bureaux aussi. Depuis quelques années, l’organisation du travail connaît en effet une évolution progressive, mais en même temps irrésistible. Les espaces cloisonnés cèdent le pas aux aires ouvertes. L’environnement de travail devient modulable et ultra-connecté. Les espaces se transforment en un milieu sain et accueillant, où il fait bon travailler. Le tout dans le but avoué de favoriser la collaboration et la productivité au sein des équipes.
Cette évolution tranquille, Martine Drolet, vice-présidente de VAD Designers d’espaces, en a été le témoin privilégié. « L’ergonomie a toujours fait partie du vocabulaire du design, dit-elle. Sauf qu’avant, elle se limitait à la personne. On se contentait d’ajuster les tables et les sièges. Aujourd’hui, elle est définie de façon plus vaste. On cherche maintenant à adapter l’environnement de travail à l’individu pour qu’il puisse accomplir ses tâches de façon efficace, sécuritaire et confortable. »
Chaise musicale
Bien sûr, l’ajustement du poste de travail se trouve toujours à l’avant-scène. Et il se fait maintenant sans effort. Le temps où il fallait recourir aux services d’un installateur pour régler la hauteur d’une table de travail est en effet révolu. Tous les fabricants de mobilier de bureau offrent aujourd’hui des systèmes intuitifs, dont les utilisateurs peuvent facilement tirer profit. Un atout avec la tendance qui se dessine dans l’aménagement de bureaux, où les postes non assignés gagnent du terrain.
C’est le cas notamment à la Banque Nationale, qui a entrepris il y a deux ans de réaménager son siège social du 600 de la Gauchetière Ouest, à Montréal. « Ce réaménagement s’inscrit dans un projet plus large de transformation de l’expérience des employés, signale Denis Rousseau, directeur principal, Environnements modernes de travail (HUB). On passe du poste dédié, avec cubicule et téléphone fixe, à un environnement physique décloisonné favorisant la mobilité et le travail d’équipe. »
Inspiré de la start-up, ce nouvel environnement a pour objectif de stimuler la créativité et la motivation des employés en brisant les silos organisationnels. Jusque-là, à chaque étage correspondait une ligne d’affaires. Maintenant, chaque employé est libre de travailler où bon lui semble. On s’en doute, une réorganisation d’une telle ampleur – dix étages remodelés et près de 3 300 employés touchés – ne laisse aucune place à l’improvisation.
Ergonomie interactive
C’est que, pour créer de tels environnements et obtenir l’adhésion des employés sans trop de dommages collatéraux, il est primordial de bien évaluer les tâches dès le départ. La conception de postes de travail dynamiques nécessite en effet l’aménagement d’une variété d’espaces pour répondre aux besoins identifiés. Il faudra notamment considérer les besoins individuels, collectifs, personnels et confidentiels et proposer, en retour, des environnements adaptés à ces réalités.
« Pour qu’un environnement de travail soit vraiment ergonomique, tous les aspects qui influencent le travail doivent être pris en compte, note Patrick Vincent, ergonome certifié et président de Vincent Ergonomie. L’ergonomie ne consiste pas en une simple addition, comme l’ajout d’un porte-clavier ou d’un repose-pieds. C’est une interaction entre différentes dimensions. La tendance étant aux bureaux non dédiés, le choix du mobilier et des accessoires s’avère primordial pour que chacun y trouve son compte. »
Il reste qu’il peut être difficile de demeurer productif dans un environnement totalement décloisonné. Voilà pourquoi, en plus de concevoir des espaces alternatifs pour le travail d’équipe et les tâches nécessitant une plus grande concentration, il faudra aussi atténuer les inconforts liés à la luminosité ambiante, un des éléments qui définissent le caractère durable d’un bâtiment, en participant à la fois à sa performance énergétique et au confort thermique et visuel de ses occupants.
Sur ce point, Martine Drolet conseille de s’attarder au positionnement des postes informatiques. La création d’une aire de circulation en périphérie des fenêtres peut notamment réduire l’inconfort visuel lié à une forte luminosité. Dans la même optique, les surfaces mates, pour les tables de travail comme pour les sols et les murs, seront privilégiées. Enfin, il faudra aussi penser à l’acoustique, en misant sur les surfaces absorbantes, comme les moquettes et les fauteuils à haut dossier, pour réduire le bruit ambiant.
L’aménagement ergonomique des espaces de travail comporte de nombreux avantages, pour l’entreprise comme pour ses salariés.
- Augmentation de la productivité et de l’efficacité
- Motivation et engagement professionnels
- Réduction de l’absentéisme
- Amélioration du climat de travail
- Utilisation optimale du personnel
- Augmentation de la satisfaction au travail
- Rehaussement de l’attractivité de l’entreprise
- Diminution du roulement de personnel
Lors d’un sommet tenu en 2013, le U.S. Green Building Council a lancé une réflexion sur la manière dont les bâtiments peuvent contribuer à la santé et au bien-être des personnes. Les conclusions ont clairement établi qu’il existe un lien entre les bâtiments durables et la promotion de la santé humaine. Bien conçu, l’environnement bâti peut en effet avoir des effets positifs autant sur la santé des occupants que sur la santé de l’environnement. La démarche ergonomique contribuant à faire des lieux de travail des endroits plus sains, le USGBC a reconnu l’intérêt de l’ergonomie en ajoutant le crédit Pilot Credit 44 – Ergonomy Strategy. Au Canada, ce crédit a été inclus dans la catégorie Innovation et processus de design pour les systèmes LEED-NC, LEED-EB et LEED-CI. Il a été maintenu dans sa plus récente mouture, LEED v4, où il repose sur l’accompagnement du projet par un ergonome certifié.
Pour qu’un environnement de travail soit ergonomique, tous les aspects qui influencent le travail doivent être pris en compte.
- Mobiliers et équipements réglables : tables et chaises de travail, postes informatiques
- Éléments d’ambiance : confort thermique, luminosité, acoustique
- Aménagement des espaces : circulations, aires ouvertes, salles collaboratives
Il y a environ deux ans, la Banque Nationale a entrepris de réaménager son siège social du 600 de la Gauchetière Ouest, à Montréal. « Des sondages, de l’observation et un projet pilote ont été menés afin de bien cerner les besoins des gens et les façons dont ils travaillent, mentionne Denis Rousseau. On a identifié les besoins individuels et collectifs, ainsi que les besoins de concentration, de collaboration et de confidentialité auxquels on a répondu en créant différentes zones. On a aussi préconisé différents mobiliers. » Des exemples ? Les postes informatiques permettent de travailler assis ou debout, et 100 % des sièges sont réglables, les autres étant des tabourets ou des banquettes dans la zone bistrot. Il y a aussi des salles de repos avec fauteuils et même une salle de jeux sur certains étages, avec babyfoot et consoles vidéo. « Les commentaires sont très positifs, même s’il y a toujours des détails à ajuster, note le gestionnaire de l’institution financière. On est presque dans la copropriété, on a d’ailleurs formé des comités d’étage et défini avec les occupants des règles de vie en communauté. Dans l’ensemble, c’est un franc succès : les gens qui occupent ces étages ne veulent pas en sortir. »