Qui dit bâtiment écologique, dit invariablement enveloppe performante et durable. D’où l’importance d’une conception et d’une mise en œuvre sans faille.
Un bâtiment durable, c’est bien sûr un bâtiment économe en énergie et en eau potable ainsi qu’un milieu de vie sain et confortable. Mais c’est aussi un immeuble où le choix des matériaux et leur assemblage le prémuniront contre une détérioration précoce et en faciliteront l’entretien tout au long de sa vie utile. Premier rempart contre les éléments, l’enveloppe joue à ce titre un rôle prépondérant. Parce que sa conception, comme sa mise en œuvre, influencera la pérennité de toute construction. Positivement ou négativement.
Mais qu’entend-on exactement par enveloppe durable ? Une enveloppe dont les fonctions se maintiendront au fil du temps ? Un assemblage de matériaux écologiques ? Une conception qui limitera la dépense énergétique ? « Un peu tout cela, répond Guillaume Martel, coordonnateur en développement durable au sein de la firme d’architecture montréalaise Provencher_Roy. C’est difficile de définir la durabilité en quelques mots. On parle plutôt d’un ensemble de facteurs qui font en sorte que l’enveloppe maintiendra ses fonctions à long terme.
« Une enveloppe durable, poursuit-il, c’est d’abord une conception qui varie en fonction de l’orientation des façades et qui prend en compte les conditions climatiques et environnementales du milieu tels le vent, les accumulations de neige, l’écoulement de la pluie, etc. Mais c’est aussi une optimisation des ouvertures selon l’orientation et du ratio murs-fenêtres afin de maintenir un équilibre entre les besoins d’isolation et d’éclairage naturel, tout en cherchant à éviter la surchauffe et l’éblouissement. »
L’architecte Marie-France Bélec, chargée de projets chez Patenaude Trempe Van Halen, membre du Groupe CLEB, partage ces préceptes. Non sans insister sur l’importance de l’efficacité énergétique dans la conception d’une enveloppe durable. « L’enveloppe idéale doit offrir une résistance thermique supérieure, dit-elle, mais aussi une protection adéquate contre les déperditions et l’infiltration d’air, d’eau et d’humidité. Les ponts thermiques sont réduits au maximum et la conception fait appel à des matériaux adaptés à leur environnement et compatibles entre eux. »
Durabilité éprouvée
Ces prémisses ne sont toutefois pas les seuls facteurs à prendre en compte dans la conception d’une enveloppe durable, car il importe aussi de considérer le cycle de vie des matériaux. « Leur remplacement peut avoir des répercussions importantes, prévient Guillaume Martel. Pas seulement en termes de coûts, mais aussi en termes de ressources, de main-d’œuvre et d’émissions de gaz à effet de serre. »
C’est d’ailleurs ce que stipule la norme CSA S478-95 Guidelines on Durability in Buildings, précise Guillaume Martel, car celle-ci offre un cadre de réflexion visant à prendre en compte la durée de vie et la performance des composantes de l’enveloppe par rapport à celle du bâtiment. Dans le cas de produits ou de matériaux avec une durée de vie plus courte, il est alors primordial de concevoir les détails afin de faciliter leur remplacement ou leur entretien. La norme donne aussi des exigences de contrôle de la qualité lors de la construction afin d’assurer une enveloppe de haute qualité.
« Au Centre sur la biodiversité de l’Université de Montréal, souligne Guillaume Martel, on a utilisé un mur solaire composé de panneaux de zinc pour préchauffer l’air entrant. Le zinc est un matériau très durable qui possède en plus une patine naturelle le protégeant contre les éléments, mais aussi de l’oxydation. Sa durée de vie, selon les conditions environnementales auxquelles il est soumis, peut facilement dépasser les 60 ans. »
Soulignons que ce bâtiment à hauteur teneur écologique a été conçu par Provencher_Roy en privilégiant des matériaux et des assemblages durables et démontables. Les panneaux de zinc du mur solaire, par exemple, peuvent être démontés pour rendre accessible l’intérieur de l’enveloppe et son inspection. Et toutes ses composantes, incluant un isolant giclé de 100 cm d’épaisseur recouvert d’une protection thermique, sont conçues pour une durée de vie de 60 ans. Tout comme l’ensemble de l’enveloppe d’ailleurs.
Mise en œuvre appliquée
Les détails de construction et leur mise en œuvre au chantier doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière, signale pour sa part Louis-Martin Guénette, vice-président R&D de Planifika. « On peut partir des bons détails, dit-il, mais si la séquence d’installation n’est pas respectée, ça peut avoir des conséquences désastreuses. On voit souvent des problèmes d’infiltration d’eau attribuables à des reverse lap, des chevauchements inversés dans la pose des membranes d’étanchéité.
« Ici, au Québec, ce ne sont pas tellement les charges de pluie qui posent problème l’hiver, mais les écarts thermiques, poursuit-il. Si l’enveloppe n’est pas parfaitement étanche et que l’air chaud et humide migre au travers des murs, il va y avoir de la condensation et, éventuellement, des moisissures vont apparaître. Comme ce genre de problème coûte très cher à réparer, il faut s’assurer de vérifier chaque élément, et de colmater chaque petit trou lors de la mise en œuvre. »
Pour éviter une détérioration prématurée de l’ensemble et en optimiser la durée de vie, Marie-France Bélec suggère d’aborder la question par une mise en service de ses composants et des décisions orientées vers des principes de qualité et de durabilité, plutôt que des économies à court terme. Une telle démarche peut inclure des révisions approfondies des plans et devis, une surveillance accrue au chantier, des essais in situ, des analyses thermographiques, voire des tests sur prototype en laboratoire. Mais elle ne saurait être complète sans un plan d’entretien détaillé.
Entretien planifié
« Le plan d’entretien permet d’établir un budget pour les interventions futures, mais ce n’est pas son seul rôle, avise Louis-Martin Guénette. Il sert aussi à prévenir les défaillances de l’enveloppe, en procédant à des inspections régulières. Et ça passe par une tournée des systèmes et des zones à risque. On s’assure que les joints, les scellants sont en bonne condition, qu’il n’y a pas de taches ni de fissures sur le parement. »
Bien qu’il n’y ait pas de recette infaillible pour concevoir, mettre en œuvre et entretenir de façon optimale l’enveloppe d’un bâtiment, les codes et la réglementation pourraient pousser les concepteurs et leurs clients à penser de façon plus durable. « Même si on voit se profiler une tendance réglementaire, il sera toujours possible de construire sans objectif de durabilité, déplore Marie-France Bélec.
« Pour améliorer la qualité et la durabilité des assemblages, ça prend en plus une bonne coopération à tous les niveaux, ajoute-t-elle, Chose certaine, des enveloppes durables au Québec, on en a fait et on en fait encore. On n’a qu’à penser au patrimoine religieux et hospitalier. Aujourd’hui, quand on parle de durée de vie d’un bâtiment, on vise environ 50 à 60 ans. Est-ce suffisant pour permettre aux futures générations de profiter de nos réalisations ? L’avenir saura nous dire. Pour l’instant, c’est la tendance de l’heure. »
- Une dépense d’énergie moindre : plus l’enveloppe sera efficace et étanche, moins la consommation d’énergie sera élevée
- Une mécanique plus modeste : avec des charges de chauffage et de climatisation réduites, les équipements mécaniques seront moins volumineux
- Un plus grand confort pour les occupants : moins de surchauffe et moins d’éblouissement, donc, plus de productivité au travail
- Des frais d’entretien réduits : mieux l’enveloppe aura été conçue et mise en œuvre, mieux le bâtiment traversera le temps
Le système d’évaluation LEED Canada offre la possibilité d’obtenir un crédit pour la réalisation d’un bâtiment qui durera à travers le temps. Le crédit Bâtiment durable de la catégorie Priorité régionale vise en effet à réduire l’utilisation de matériaux et la production de déchets tout au long du cycle de vie du bâtiment.
Pour l’obtenir, il faut élaborer un plan de durabilité pour documenter le contrôle de la qualité du projet. Ce plan inclut une liste des personnes-ressources, les objectifs poursuivis, la description des systèmes-types de l’enveloppe et l’analyse de leurs composants. Intégré au programme d’entretien de l’immeuble, il guidera les interventions futures.
Il est à noter que LEED v4 introduit un nouveau sous-crédit dans la mise en service améliorée : soit la Mise en service de l’enveloppe. Ces nouvelles exigences, qui seront basées sur les normes ASHRAE Guidelines 0 et NIBS Guideline 3, viseront à documenter le processus de conception et de réalisation de l’enveloppe du bâtiment.