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Concilier fenestration et haute performance énergétique

6 février 2020
Par Marie Gagnon

L’intégration de la fenestration est un facteur clé de la conception de bâtiments durables à haute performance énergétique. D’où l’importance de faire des choix éclairés.

Considéré un peu comme le parent pauvre de l’enveloppe, le fenestrage joue pourtant un rôle de premier plan dans le bilan énergétique global d’un immeuble. Son intégration pose toutefois certains défis, notamment dans le bâtiment durable à haut rendement énergétique. En effet, comment multiplier les ouvertures pour maximiser l’éclairage naturel, sans pour autant exploiter à outrance les équipements mécaniques pour compenser d’éventuelles asymétries thermiques? Bref, sans rompre l’équilibre énergétique?

Une question fondamentale à laquelle Denis Blais répond sans détour. « Les fenêtres sont le maillon le plus faible de l’enveloppe, rappelle l’architecte associé de la firme montréalaise Béïque Legault Thuot (BLT). L’hiver, elles sont synonymes de pertes thermiques, mais aussi d’inconfort à cause de la convection. On sait aussi qu’elles favorisent les gains solaires. Si c’est appréciable en hiver, l’été cela signifie de l’énergie thermique additionnelle qu’il faudra compenser mécaniquement.

« Donc, poursuit-il, plus il y a de fenêtres, moins le bâtiment est performant, et vice-versa. Sauf que, quand on regarde le marché, on voit que la tendance est à maximiser les ouvertures afin de favoriser la lumière naturelle, les vues sur l’extérieur et le contact avec la nature, des facteurs qui ont un effet positif sur le bien-être des occupants. »

Photo : Stéphane Groleau

Le choix du vitrage

Et c’est encore plus vrai dans le multirésidentiel et le bâtiment commercial, où prédominent les enveloppes entièrement vitrées. Dans ce type de construction, la course du soleil et les conditions du site pèsent peu dans l’implantation du bâtiment et l’intégration du fenestrage. Il faudra donc miser sur la fenestration elle-même pour atteindre l’équilibre énergétique. En commençant par la sélection du vitrage, dont le rôle dans la conservation et la dépense d’énergie est de mieux en mieux documenté.

Ainsi, si le verre double, qu’il soit rempli ou non de gaz inerte, est aujourd’hui un incontournable, de nouveaux produits verriers commencent à s’imposer sur le marché. Il suffit de penser aux vitrages triples, de plus en plus en vogue, doublés de pellicules à faible émissivité. L’emploi de ces vitrages hautement performants devra toutefois se faire de façon judicieuse. En effet, selon la position de la pellicule, le vitrage limitera tantôt les déperditions thermiques, tantôt les gains solaires.

« Lorsque la pellicule se trouve sur la troisième face, à partir de l’extérieur, la chaleur est réfléchie vers l’intérieur, expose Louis Fortin, directeur de projet pour UL science du bâtiment. On installera donc ces fenêtres sur les façades nord et est du bâtiment. À l’inverse, pour les façades sud et ouest, on optera plutôt pour une pellicule en face deux afin de repousser la chaleur vers l’extérieur et, de cette manière, réduire les gains de chaleur. »

Il ajoute du même souffle que les nouveaux vitrages scellés sous vide sont également promis à un bel avenir. Constitués de deux feuilles de verre séparées par un vide de moins d’un millimètre, ces produits offrent un rendement thermique et acoustique supérieur, tout en étant moins épais et plus légers que les vitrages doubles et triples. Comme il n’y a pas d’air entre les deux verres, la conduction thermique est nulle. « Par contre, à l’endroit où se trouvent les espaceurs, l’unité a une valeur équivalente à celle d’un verre simple », relève l’ingénieur.

Photo : Stéphane Groleau

Le rôle des assemblages

Ce qui soulève la question des assemblages. C’est que pour rendre une fenêtre ou une unité de mur-rideau efficace, il ne faut pas seulement miser sur le vitrage, mais aussi tenir compte de ses composants périphériques – intercalaire, scellement, cadre. « Auparavant, le Code se contentait d’évaluer le verre au centre du vitrage, rappelle Louis Fortin. Le nouveau Code préconise maintenant d’évaluer les produits verriers dans leur ensemble, en incluant les ponts thermiques. Quand le périmètre est inclus dans l’équation, on constate que la valeur U diminue. »

Pour optimiser la valeur U, il faudrait donc augmenter la superficie du vitrage. Mais il y a un hic : plus le verre est grand, plus il est épais et plus il coûte cher. Pour faire un choix éclairé, il faut donc lire attentivement les fiches techniques et faire une comparaison globale entre différents produits. Tout en étant particulièrement vigilant envers les composants des produits de dernière génération. Sur papier, ils peuvent sembler une bonne option, mais comment vont-ils se comporter in situ?

Mais ce n’est pas tout de choisir un produit verrier efficace, car encore faut-il s’arrêter à sa mise en œuvre. « Les détails doivent être bien exécutés, comme la continuité du pare-air entre le mur opaque et le cadre de la fenêtre, souligne l’architecte Denis Blais. On doit s’assurer de bien le rejoindre pour éviter les infiltrations d’air. » C’est que selon la saison, les écoulements d’air seront associés à la perte ou au gain d’énergie et, de ce fait, influenceront le bilan énergétique global du bâtiment.

Un nouveau paradigme

Président de RD2, une firme spécialisée dans la recherche et le développement en lien avec les politiques publiques en matière d’énergie dans le cadre bâti, Denis Bourgeois laisse entendre un tout autre son de cloche. « La tendance qui se dessine à l’heure actuelle, et qui va à l’encontre de ce que prônent les écoles d’architecture, c’est de minimiser la contribution d’énergie sur le site, le net-zéro et les gains solaires, dit-il. Pourquoi? Parce qu’au Québec, le taux d’électrification des édifices est plus élevé que partout ailleurs dans le monde et que notre électricité est renouvelable.

« Sauf que pour faire face aux pointes hivernales, ajoute-t-il, on doit se tourner vers les États-Unis ou l’Ontario, où l’électricité est loin d’être aussi verte. Les gains solaires, l’approche nette zéro ne règlent pas le cas des émissions de GES en période de pointe. Et c’est aussi durant ces périodes que les bâtiments institutionnels, commerciaux et industriels paient leur électricité le plus cher. Il faut vraiment réfléchir à la quantité de surface vitrée sur un projet, parce qu’elle aura un impact à moins 25 degrés. Dans cette optique, l’important, ce n’est pas tellement d’améliorer l’enveloppe, mais plutôt de valoriser l’inertie thermique du bâtiment. »

Cinq facteurs de succès
  • Tenir compte des facteurs climatiques et géographiques
  • Favoriser les gains solaires en hiver en installant la majorité des fenêtres côté sud (environ 60 %)
  • Prévoir des stratégies d’occultation aux façades sud et ouest pour atténuer les gains solaires en été
  • Assurer la continuité du pare-air à la jonction mur-fenêtre
  • Établir un bon programme d’essai, en laboratoire comme au chantier
Quatre pièges à éviter
  • Omettre d’établir, dès le départ, les objectifs de rendement attendus
  • Opter pour un système de fenestration où la performance du verre et celle du cadre ne sont pas cohérentes
  • Privilégier les petites ouvertures : les grandes fenêtres permettent d’optimiser à la fois les coûts et de limiter les ponts thermiques
  • Spécifier le même vitrage partout