La seconde phase de réalisation des installations écologiques du Centre Nature-Action, à Beloeil.
Lorsque Nature-Action Québec a bâti son siège social en 2006, l’organisme voué à la gestion de projets environnementaux ne pouvait qu’envisager un bâtiment durable. Au printemps 2011, les travaux reprenaient pour la phase 2 du projet. Le Centre Nature-Action, situé au cœur du parc du Domaine culturel Aurèle-Dubois, à Beloeil, doublera sa superficie tout en continuant à présenter des performances environnementales exceptionnelles.
D’un modeste 142,85 mètres carrés, le Centre Nature-Action passera à 276,3 mètres carrés. Les nouveaux espaces logeront 18 postes de travail additionnels pour l’organisme et une salle multifonctionnelle disponible pour la communauté et la Ville de Beloeil. D’un côté de la partition, on trouvera une salle de rencontre d’environ 16 places qui servira aux réunions des élus municipaux et sera disponible en location pour la communauté. De l’autre, une cafétéria de 35 places avec cuisinette. Sans la partition, la pièce pourra loger jusqu’à 100 personnes debout pour divers événements.
Les leçons de la phase 1
Sur le plan du design, le mandat consistait à agencer la nouvelle partie avec le bâtiment d’origine. « Autant pour la volumétrie que pour le revêtement, on a conservé la même approche, dit Robert Paquette, associé de l’agence d’architecture Les Architectes Bertrand Paquette. Le défi principal a été d’ajouter une issue pour le toit-terrasse sans défigurer le bâtiment qui est plutôt horizontal. » Le résultat est un escalier ornemental qui court le long du mur nord avec un palier stratégiquement posé au-dessus de l’accès principal.
Comme pour la phase 1, on a poursuivi avec une structure d’acier, privilégiée pour son contenu recyclé et recyclable. L’enveloppe est constituée d’un pontage d’acier apparent à l’intérieur, de cinq pouces d’uréthane giclé, d’une seconde paroi d’acier et enfin d’un revêtement de cèdre recyclé provenant d’anciens poteaux de téléphone. « L’acier comme revêtement intérieur donne une facture très contemporaine, dit Robert Paquette. On a conservé cet assemblage pour les murs sud et est de l’agrandissement, mais on a utilisé une finition intérieure en gypse sur les murs nord et ouest pour des questions de résistance au feu et d’acoustique. » Pour les mêmes raisons, le gypse a également remplacé les cloisons en panneaux de fibre de bois dans les aires de travail.
Le fait d’avoir occupé le bâtiment avant la reprise des travaux semble avoir incité Nature-Action à un certain conservatisme dans le choix des matériaux. Cependant, cette expérience a aussi permis à l’équipe de conception de rehausser la barre ailleurs. En effet, on vise pour la phase 2 l’utilisation de bois FSC à 100 %, même pour la menuiserie de finition et le mobilier intégré.
Pas tout à l’égout
Utiliser 95 % moins d’eau potable qu’un bâtiment comparable, c’est l’autre défi que les occupants du Centre Nature-Action comptent continuer à relever une fois l’agrandissement terminé. À cette fin, Ronald Gagnon, directeur de projet et président de la firme de génie Concept-R, a rejeté certaines solutions communes pour en sélectionner d’autres, plus originales.
« Les Québécois ne comprennent pas la toilette à double chasse, affirme-t-il. Ils finissent par actionner la chasse deux ou trois fois. L’important est de sélectionner une toilette à faible débit, mais à haut rendement. » Le secret est dans le design ; la surface du siphon devrait notamment être lisse comme la cuvette jusqu’au drain, pour ne pas freiner la course de l’eau. Le modèle Flowise, sélectionné pour le Centre Nature-Action, puise ses 4,8 litres par chasse à même le réservoir d’eau de pluie souterrain de 8 mètres carrés.
Les urinoirs sans eau économisent quant à eux de 150 000 à 200 000 litres d’eau chaque année, selon Ronald Gagnon. « C’est une solution idéale puisqu’elle est sans mécanique et nécessite peu d’entretien.
Le contrôle des odeurs se fait à l’aide d’un liquide occlusif. Cependant, ce liquide est incompatible avec certains produits nettoyants comme l’eau de javel. Il faut donc sensibiliser le personnel d’entretien à utiliser les produits adéquats et à ne pas se servir des urinoirs comme éviers de conciergerie. »
Le passage à la salle de bain se termine par un lavage de mains « sans contact » : le robinet à détection de présence coule pendant 10 secondes puis se recharge automatiquement. Le mécanisme fonctionne à l’aide d’une pile dans la partie d’origine et par une cellule photovoltaïque, alimentée par la lumière ambiante, dans la nouvelle partie. Finalement, les eaux grises sont acheminées à l’extérieur ou elles seront filtrées par une colonie de plantes spécifiques.
Courtepointe technologique
Comme le Centre Nature-Action est également voué à être une vitrine technologique pour le bâtiment durable, une panoplie de mesures d’efficacité énergétiques ont été intégrées au projet. Le bâtiment profite d’abord d’une bonne orientation et d’une grande fenestration du côté sud. Cela contribue, avec la qualité de l’enveloppe, à en diminuer la charge énergétique. Un système géothermique assure la climatisation et le chauffage. Deux puits de 425 pieds ont été creusés pour la phase 1 et deux autres ont été ajoutés lors de l’agrandissement. La chaleur est diffusée par le système de ventilation qui comporte également un apport d’air neuf dédié. Le compresseur à deux vitesses permet de réaliser des économies d’énergie en modulant la puissance du système de distribution d’air selon la demande.
Pendant la saison froide, une roue thermique permet de récupérer jusqu’à 70 % de la chaleur de l’air vicié. « La roue thermique est couplée à un mur solaire de 500 pieds carrés installé sur le bâtiment original. Comme l’air est préchauffé de 20 degrés Celsius, la roue thermique ne nécessite pas de dégivrage, l’effet croisé permet donc de conserver la performance de la roue », dit Ronald Gagnon. L’agrandissement est également équipé d’un capteur solaire sur le toit pour le préchauffage de l’air. On a choisi d’installer des fenêtres ouvrantes pour une aération ponctuelle et pour pouvoir ventiler naturellement en période tempérée.
Au chapitre de l’éclairage, en plus d’utiliser des luminaires efficaces, on a tenu compte des besoins et de l’apport en luminosité naturelle. On peut éclairer les surfaces de travail de chaque poste en fonction du besoin et l’éclairage ambiant est réglé en fonction des horaires du personnel et de la course du soleil. Finalement, les pièces à occupation sporadique sont équipées de détecteurs de présence. « Chaque technologie est intéressante, mais c’est d’avoir réussi à les réunir toutes en respectant notre budget qui est impressionnant, dit Louis Brenn, directeur des services administratifs de Nature-Action Québec et responsable du projet. C’est sportif ! »
« Ce genre de projet demande une approche plus intégrée entre les professionnels, ajoute Ronald Gagnon. Il faut mettre nos ego au vestiaire et démontrer une ouverture sur les autres disciplines. Tout le monde échange, pas de sujets tabous. »
Rendre à la nature
Le terrain, situé dans le parc du Domaine culturel Aurèle-Dubois, fait l’objet d’un bail emphytéotique avec la Ville de Beloeil. « L’entente était qu’en échange nous allions améliorer le parc et en faire un milieu naturel digne de ce nom, dit Louis Brenn. Nous avons renaturalisé les berges du ruisseau et fait des aménagements de sorte qu’il y ait moins d’espaces gazonnés et que la nature reprenne sa place. Il y a même une portion de terrain vouée à la démonstration de « paysages comestibles », une collaboration avec la R.H.A un organisme que Nature-Action héberge dans ses locaux. » L’architecture du paysage et les aménagements paysagers ont été réalisés par Suzanne Bachand, membre de l’équipe de Nature-Action Québec.
Le Centre Nature-Action a été inauguré en janvier 2007 et les travaux de l’agrandissement ont repris en avril 2011 pour s’achever vers la fin octobre 2011. Le projet d’agrandissement s’élève à 1,3 million de dollars et profite d’une subvention de 833 086 dollars du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire. Comme pour la phase I, en attente de certification auprès du Conseil du bâtiment durable du Canada, l’équipe vise le niveau LEED Or, mais l’obtention de tous les crédits n’est pas acquise. « Ils sont très méritoires, affirme Jean-Paul Soubeyrand, consultant LEED pour le Centre Nature-Action. Si on jugeait un projet au mérite, ils obtiendraient plus que Platine. »
* Léa Méthé est chargée de projets chez Écobâtiment
- Réduction de la demande énergétique de 60 % par rapport au bâtiment de référence du CMNEB
- Réduction de l’utilisation d’eau potable de 95 % selon le calcul LEED
- 75 % des matières résiduelles détournées de l’enfouissement
- Utilisation de bois FSC à 100 %
- Absorption de toutes les eaux pluviales sur le site
- Obtention de la certification LEED, niveau Or
- Bâtiment de deux étages partiellement enfoui avec rez-de-chaussée et rez-de-jardin
- Aménagement d’un espace multi-usage pour Nature-Action, la Ville de Beloeil et la communauté
- Gestion des eaux de ruissellement par un aménagement paysager rustique, la construction d’un toit vert et la collecte des eaux de pluie pour alimenter les toilettes
- Réaménagement du parc du Domaine culturel Aurèle-Dubois et renaturalisation des berges du ruisseau
- Enveloppe performante : murs R-30, toit entre R-33 et R 44, fondations hors terre R 26,9
- Optimisation de la production et de la conservation de chaleur en combinant une orientation solaire passive, un système géothermique, un mur solaire, un collecteur solaire et une roue thermique
- Utilisation de matériaux rapidement renouvelables : Planchers de bambou, linoléum
- Matériaux à faible émission de COV ou sans COV
- Etc.
Propriétaire : Centre Nature-Action
Architecture : Les Architectes Bertrand Paquette
Génie électromécanique : Concept-R
Architecture du paysage : Suzanne Bachand, Nature-Action
Consultation LEED : Jean-Paul Soubeyrand
- Réservoir d’eau de pluie de 8 m2
- Robinetterie de salle de bain avec détecteur de présence, débit de 10 secondes et recharge automatique
- Toilettes haut rendement à 4,8 litres par chasse à l’eau de pluie
- Urinoirs sans eau
- Récupération des eaux grises pour l’arrosage d’une plantation extérieure
- Système géothermique avec 4 puits de 425 pi et compresseur à deux vitesses
- Mur solaire Solarwall de 500 pi2
- Chauffe-air solaire Esolair 2.0 de Mc2
- Roue thermique pour la récupération de chaleur