Pour produire autant d’énergie qu’elle n’en consomme, la bibliothèque de Varennes multiplie les stratégies énergétiques. Zoom sur un projet qui traque les watts où qu’ils soient.
À peine inaugurée, la nouvelle bibliothèque de Varennes enregistrait des records d’achalandage, et pour cause ! Ses usagers y ont découvert une atmosphère propice à la lecture et un milieu de vie sain, aéré et confortable, baigné d’une lumière naturelle abondante. Sauf que sous ses apparences séduisantes se profilent aussi des choix architecturaux, des innovations technologiques et des stratégies de contrôle qui, ensemble, permettront à la Ville d’engranger des économies d’énergie de l’ordre de 30 000 dollars par année.
Pour comprendre les enjeux qui sous-tendent une telle performance, il faut d’abord remonter en 2009, avec l’arrivée d’une nouvelle équipe aux commandes de la Ville. Le projet d’agrandissement qui était alors sur la table est relégué aux oubliettes et le feu vert est donné à la construction d’une nouvelle bibliothèque. Mais pas n’importe quelle bibliothèque. Le nouvel établissement devra produire autant d’énergie qu’il n’en consomme – une première dans le monde institutionnel québécois – en plus de viser la certification LEED-NC de niveau Or et de respecter un budget de 9,2 millions de dollars.
Trois prémisses qui pousseront les concepteurs hors de leur zone de confort. D’autant plus que des chercheurs de CanmetÉnergie et du Réseau de recherche sur les bâtiments solaires de l’Université Concordia sont de la partie, le projet devant en outre démontrer la viabilité technique et économique des bâtiments à énergie nette zéro. Aussi, pour orienter le design vers les meilleures stratégies, pas moins de 12 charrettes seront nécessaires pour valider les différentes hypothèses soumises tout au long du processus de conception intégrée.
« Les rencontres se sont très bien déroulées, rapporte Maxime Gagné, à l’époque chargé de projet au sein du consortium Labbé-Laroche et Gagné-Leclerc et aujourd’hui concepteur chez CGA architectes. Il y avait beaucoup de chercheurs autour de la table et ils ont pointé des technologies avant-gardistes, dont certaines n’étaient pas encore commercialisées. Mais les ingénieurs de Dessau ont jugé le niveau de risque trop élevé. Ça a donné lieu à des échanges très intéressants, mais on est arrivé à un équilibre. »
Équilibre énergétique
Cet équilibre, les concepteurs l’atteignent en partie en réduisant autant que possible la demande énergétique. D’abord par des stratégies passives, qui influenceront l’implantation et le design du bâtiment, ensuite par des mesures éconergétiques. Le bâtiment de 2 000 mètres carrés a donc été orienté est-ouest afin de maximiser l’ensoleillement. Pour la même raison, sa façade a été étirée sur 53 mètres et sa profondeur réduite à 18,3 mètres.
« De cette manière, on favorise la ventilation naturelle et on profite du soleil au maximum, note Maxime Gagné. En hiver, la masse thermique du plancher participe au chauffage, tandis que l’été, les gains thermiques sont occultés avec des brise-soleil. On a aussi choisi des finis clairs et disposé les rayonnages perpendiculairement aux fenêtres pour rendre les espaces encore plus lumineux. »
Les concepteurs se sont ensuite tournés vers les technologies éconergétiques, non sans avoir au préalable spécifié une enveloppe performante, composée en façade d’un mur vitré pourvu de meneaux de bois – de technologie allemande. Chauffé par géothermie et récupération de chaleur, l’édifice ne consomme que 25 % de l’énergie normalement utilisée par un bâtiment de fonction et d’échelle comparables, selon les codes en vigueur.
Mais pour atteindre l’objectif net-zéro, le bâtiment doit encore produire autant d’énergie qu’il en consomme, soit 120 000 kWh par année. Cette production, elle est assurée par les 425 panneaux solaires hybrides de 260 watts chacun qui couvrent 710 mètres carrés du versant sud de la toiture.
Zéro gaspillage
« Parce que chaque watt compte, on a poussé l’efficacité énergétique le plus loin possible, mentionne René Dansereau, directeur Expertise mécanique chez Stantec (auparavant Dessau). Par exemple, pour chauffer l’air frais, on a couplé des panneaux photovoltaïques thermiques au système d’apport d’air frais muni d’une roue thermique. »
Pour le chauffage par géothermie, l’ingénieur et son équipe ont opté pour des thermopompes à l’eau et des ventiloconvecteurs à débit variable avec moteurs ECM, où les serpentins sont alimentés par une soupape à six voies, du jamais-vu à l’époque. Le même principe a été appliqué au plancher radiant où, là encore, des robinets à six voies assurent la circulation du fluide, chaud ou froid.
Ces divers équipements ont finalement été reliés à un système de contrôle DDC (Direct Digital Control) qui, grâce à un réseau de sondes, détecte la concentration de CO2 ambiant et module la ventilation en conséquence. Quant à l’intensité lumineuse des luminaires, elle est régulée par une station météo installée au toit et varie en fonction de l’ensoleillement.
Enfin, comme la performance sera monitorée de la bibliothèque pendant trois ans après sa mise en service, qui a eu lieu en décembre 2014, un immense écran placé bien en vue dans le hall affiche en continu la quantité d’énergie produite et consommée par les différents systèmes. Un totalisateur renseigne en plus les visiteurs sur les valeurs annuelles et hebdomadaires.
« On peut suivre en temps réel la consommation du bâtiment, souligne René Dansereau. Par exemple, ce midi, il faisait soleil, donc le surplus d’énergie a été versé sur le réseau d’Hydro-Québec. Par contre, ce soir, le bâtiment s’alimentera sur le réseau parce que les nuits sont plus fraîches. Mais à la fin de l’année, le bilan énergétique sera nul. »
Propriétaire : Ville de Varennes
Gestion du projet : Macogep
Architecture : Labbé – Laroche et Gagné – Leclerc et associés, architectes en consortium
Génie mécanique, électrique, structural et civil : Dessau (aujourd’hui Stantec)
Simulation énergétique, consultation LEED et mise en service de base : Martin Roy et associés
Expertise en technologies éconergétiques et solaires : CanmetÉnergie et Réseau de recherches sur les bâtiments solaires de l’Université Concordia