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L’aménagement durable du Technopôle Angus

15 mars 2010
Par Rénald Fortier

À l’automne 2008, le Technopôle Angus devenait le premier projet au Québec à recevoir la certification LEED-ND du U.S. Green Building Council (USGBC).

Construire un bâtiment vert, c’est bien, très bien même. Mais placer tout le déploiement d’un grand projet immobilier sous le signe du développement durable, c’est encore mieux. Et c’est là un accomplissement qu’a reconnu le USGBC, le 16 septembre 2008, en délivrant la certification LEED-ND (Neighborhood Development) au plan d’aménagement du Technopôle Angus, situé dans le centre-est de Montréal.

Le parc d’affaires développé par la Société de développement Angus (SDA), une entreprise d’économie sociale, est alors devenu le premier projet au Québec à recevoir cette certification ; le second à l’extérieur des États-Unis après le village Olympique de Beijing, en Chine.

Le Technopôle Angus est issu de la conversion du vaste site des anciens ateliers du Canadien Pacifique, dans le quartier Rosemont, à partir de la seconde moitié des années 90. Avec pour toile de fond des sols contaminés ainsi que des installations désuètes et laissées pour compte depuis 1992, triste héritage d’une activité industrielle autrefois tout aussi lourde qu’intense  – quelque 12 000 travailleurs s’y activaient au milieu du 20e siècle.

« On était en récession, relate Christian Yaccarini, pdg de la SDA, et on n’avait pas rénové les bases industrielles de l’est de Montréal. D’un quartier d’ouvriers, on était passé à un quartier de chômeurs et d’assistés sociaux. Notre volonté alors était de relancer l’économie locale et c’est de là qu’est née l’idée de développer un parc d’entreprises environnementales. On a décidé de se lancer dans l’aventure, même si on n’avait pas un sou, puis on a commencé avec le Locoshop. »

Le Locoshop, dont la conversion en immeuble de bureaux deviendra vite l’emblème du Technopôle Angus à la fin des années 90, voire de la construction écologique au Québec. Mais cet édifice de 134 000 pieds carrés aurait pu tout aussi bien tomber sous le pic des démolisseurs n’eut été de la perspicacité et de la ténacité de la SDA. Son pdg raconte : « On nous disait de le démolir, mais on s’est donné le défi de le réhabiliter. Et aussi d’aligner sa conversion sur des critères écologiques. »

Cette réhabilitation, basée sur les principes du Green Building Tools – à l’origine de LEED, vaudra une succession de marques de reconnaissance au Technopôle Angus et à la firme d’architecture montréalaise AEdifica. Comme le Prix d’excellence – Innovation en architecture de l’Institut royal d’architecture du Canada et la palme du Green Building Challenge, commandité par le Green Building Council, pour couper court à l’énumération. En plus d’être désigné premier immeuble industriel écologique au pays, en 2000, par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.

La gestion des sols contaminés représente aussi un exemple probant de l’approche durable préconisée dès les premiers temps du projet. « Plutôt que de les diriger vers un lieu d’enfouissement et de créer une bombe à retardement ailleurs, précise Christian Yaccarini, on a procédé à une analyse de risque pour la santé. Puis, on les a encapsulés sous les bâtiments et on en a gardé la responsabilité sociale. »

 

Vision écologique
Si le Technopôle Angus est encore le seul parc d’affaires urbain au Québec dont tout le déploiement s’articule autour d’une vision écologique intégrée, il ne dispose paradoxalement pas d’une politique environnementale pour baliser son développement. Il l’aligne plutôt sur une approche pragmatique qui fait en sorte que chaque fois qu’il lui faut implanter un bâtiment, il se questionne toujours à savoir ce qui est le mieux pour assurer la protection de l’environnement et l’optimisation des ressources.

Voilà pourquoi le Technopôle, dont l’essor s’accompagne évidemment d’un achalandage accru, dispose d’un plan de transport visant à y gérer les déplacements de la manière la plus écologique possible. C’est ainsi qu’un train de mesures a été adopté pour réduire l’usage de l’automobile sur le site : circuit d’autobus dédié ; programme de covoiturage et service d’auto-partage ; politique de stationnement responsable (le nombre de places a été limité en contrepartie de la distribution gratuite de titres de transport mensuels de la Société de transport de Montréal) ; et vélos en libre-service.

C’est dans cette même veine écologique qu’a été instauré un plan de gestion des matières résiduelles, y compris les déchets dangereux, à l’intention des entreprises qui s’activent dans le parc. Désormais certifiée ICI ON RECYCLE par Recyc-Québec, la démarche permet de valoriser 87 % des matières susceptibles d’être détournées de l’enfouissement.

La construction des bâtiments n’est évidemment pas en reste comme en témoigne le 4100 Molson, qui est devenu dernièrement le premier immeuble de bureaux multilocatif au Québec à être soumis à l’examen du USGBC en vue de l’obtention de la certification LEED pour le noyau et l’enveloppe (Core and Shell). Même que le Technopôle applique une politique dite « Tout LEED » depuis 2005, tout comme il voit à apposer systématiquement sur chacun de ses immeubles la certification BOMA BESt (auparavant Visez vert et Visez vert plus) administrée par BOMA Québec, qui atteste de leur bonne gestion environnementale.

Pour le Technopôle Angus, fait remarquer son pdg, le défi n’est pas tellement de construire des bâtiments écologiques, mais de le faire au même prix que pour un immeuble de bureaux conventionnel. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est en lice avec les autres développeurs immobiliers montréalais pour attirer des locataires et que, par le fait même, le coût de ses loyers de base doit nécessairement demeurer compétitif sur le marché.

 

Assurer la continuité
La recette appliquée par le Technopôle depuis ses débuts, à savoir l’intégration des dimensions sociale, environnementale et économique à son développement, a de toute évidence porté fruit. Alors de là à soumettre son plan d’aménagement au USGBC, dans le cadre de la version pilote de LEED pour le développement des nouveaux quartiers, il n’y avait donc qu’un pas.

Cette certification permet de reconnaître des projets de développement qui contribuent à la protection et à l’amélioration de la santé, de l’environnement naturel et de la qualité de vie des communautés. Elle encourage notamment l’utilisation efficiente de l’énergie et de l’eau, ainsi que de bonnes pratiques en matière d’urbanisme.

Le système d’évaluation s’articule autour de quatre grandes familles de critères de performance : site stratégique et accessibilité (11 crédits / 30 points) ; conception et planification du voisinage (16 crédits / 39 points) ; construction et technologies écologiques (20 crédits / 31 points) ; et innovation et processus de design (2 crédits / 6 points). Selon le pointage obtenu, un projet obtiendra le niveau de certification Certifié (40 à 49 points), Argent (50 à 59 points), Or (60 à 79 points) ou Platine (80 à 106 points).

Le plan d’aménagement du Technopôle a atteint le niveau Or, avec une récolte de 60 points. L’aménagement envisagé du parc d’entreprises s’est particulièrement distingué en regard de ses aspects suivants : densité de construction sur le site et mixité des usages ; qualité des aménagements du site ; gestion des eaux de ruissellement sur le site ; contribution majeure à la réduction du phénomène des îlots de chaleur ; architecture écologique ; accessibilité aux transports en commun (121 trajets/jour de semaine) ; et intégration de valeurs sociales dans le développement.

« Les aménagements réalisés depuis nos débuts répondaient déjà à de nombreux critères de LEED-ND, mais cet exercice de certification nous a permis de revoir le plan d’aménagement et de bonifier significativement notre stratégie de développement au bénéfice des travailleurs, de la communauté et de l’environnement », observe Christian Yaccarini, pour qui cette certification, comme les autres de la même famille, est appelée à devenir une référence majeure dans le développement durable des quartiers urbains.

 

 

Équipe de projet

Développeur et gestionnaire immobilier Société de développement Angus
Architecture et plan d’aménagement AEdifica
Urbanisme Groupe Gauthier Biancanamo Bolduc, urbanistes
Ingénierie SNC-Lavalin
Construction (entrepreneur) Aecon Cegerco

 

Crédits LEED-EB
Critères d’évaluation Points
Site stratégique et accessibilité20
Conception et planification du voisinage21
Construction et technologies écologiques18
Innovation et processus de design01
Total60*

* Sur 106 points possibles