Le réaménagement de l’ensemble résidentiel Benny Farm, à Montréal, un modèle de conception durable.
Construit entre 1946 et 1947, sur un site de 18 acres dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, l’ensemble Benny Farm comptait initialement 384 logements, répartis dans des sixplex de trois étages. Ces appartements, aménagés dans l’esprit des cités-jardins, ont servi à loger les vétérans de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à ce qu’ils ne conviennent plus aux besoins des locataires.
En 1999, la Société canadienne d’hypothèques et le logement (SCHL), jusque-là propriétaire du site, cède ses droits à la Société immobilière du Canada (SIC), qui entreprend, en collaboration avec différents organismes locaux, l’élaboration d’un plan de réaménagement de la propriété. En 2003, Verdir l’infrastructure de Benny Farm, un premier projet de réaménagement qui propose une intégration inédite de bâtiments, d’infrastructures et de développement d’habitations sociales et communautaires, fait consensus.
Le projet, conçu par L’ŒUF (L’Office de l’éclectisme urbain et fonctionnel) en partenariat avec la firme de génie bioclimatique Martin Roy et associés, a servi de trame à la construction et à la rénovation durables de 187 logements répartis dans quatre immeubles (deux bâtiments rénovés et deux nouveaux édifices) reliés entre eux par une infrastructure verte partagée.
Cette infrastructure partagée se constitue d’un échangeur de chaleur géothermique, d’un système solaire hybride à l’électricité et au glycol, d’un mur solaire, d’un système de chauffage radiant à l’eau et de récupérateurs de chaleur (air et eau). Les systèmes d’eau prévoient la réutilisation et le traitement in situ des eaux grises et des eaux pluviales ainsi que la restauration de la nappe phréatique. Reliés entre eux et interdépendants, ces systèmes contribuent à la qualité de vie des résidents.
Énergie verte Benny Farm, un organisme sans but lucratif composé de membres de la communauté, veille à la gestion des propriétés ainsi qu’au réinvestissement à long terme dans les infrastructures partagées. « Comme le projet s’adresse à des clientèles plutôt vulnérables, nous avons retenu des technologies qui ont fait leurs preuves, souligne l’ingénieur Martin Roy. Nous ne voulions surtout pas prendre les résidents pour des cobayes. »
Le plan directeur établissait également un protocole de construction réduisant les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau potable ainsi que la production de déchets grâce, notamment, à la réhabilitation, à la réutilisation et au recyclage. Les logements profitent en outre d’une qualité d’air supérieure – chaque pièce jouit d’un apport en air frais – et d’enveloppes éconergétiques dont l’efficacité dépasse les exigences de Novoclimat.
Les artisans du projet ont de plus réussi à détourner de l’enfouissement près de 90 % des matières résiduelles générées par la déconstruction de certains immeubles, trop désuets pour être remis en état. Une bonne partie de ces matières, comme la brique et le bois franc des planchers, a été intégrée aux nouvelles constructions.
Peu ou pas d’embûches
Aucune embûche majeure n’a été rapportée dans la réalisation de ce chantier. « Le projet fait appel à un processus de conception intégrée auquel tous les intervenants – OSBL, professionnels, bailleurs de fonds – ont participé, note Martin Roy. Sa réalisation a toutefois nécessité un travail d’éducation auprès des partenaires afin de justifier certains choix, notamment à l’égard du chauffage radiant, beaucoup plus confortable pour les occupants que les plinthes électriques. »
Le risque de refroidir le sol par l’utilisation prolongée de la géothermie a suscité toutefois certaines craintes chez les concepteurs. Une simulation du modèle géothermique retenu a en effet démontré que la température du sol pouvait baisser de deux degrés en 20 ans. Pour contrer cette éventualité, le système d’énergie solaire a été conçu de manière à ce que la chaleur excédentaire produite en été soit retournée dans le sol.
Les principales difficultés rencontrées demeurent le financement et la réalisation du projet. Comme il s’agit de logements abordables, il s’est avéré difficile d’obtenir des fonds des divers paliers de gouvernement. De plus, bien que les technologies retenues aient fait leurs preuves, les entrepreneurs qui les maîtrisent sont plutôt rares et cela s’est reflété dans les soumissions reçues.
Le projet entre présentement dans sa dernière phase, avec la mise en marche des principaux systèmes d’énergie. Il ne restera plus qu’à mettre en place le système de collecte des eaux grises pour clore la boucle de l’infrastructure partagée.
- Étanchéité : 2,5 CAH (bâtiments rénovés) et 1,5 CAH (bâtiments construits)
- Géothermie/solaire/récupération de chaleur (équivalence en kWh/année) : 0,9 million (électricité) et 0,5 million (gaz naturel)
- Récupération de la chaleur provenant de l’eau chaude domestique : réduction de 25 % de la consommation d’énergie
- Consommation d’eau potable : 12 millions l/an
- Captation des eaux grises : réduction de 66 % des rejets dans le réseau municipal
- Mur solaire : réduction de 50 % de la consommation d’énergie pour chauffer l’air frais
Le projet Verdir l’infrastructure de Benny Farm a mérité de prestigieux prix, dont une reconnaissance internationale :
- le Bronze aux Holcim Global Awards : le 25 avril 2006, à Bangkok, en Thaïlande, L’ŒUF et ses partenaires se sont vu décerner le Bronze pour leur implication dans Benny Farm. Le projet a été retenu parmi 3 000 autres provenant de plus de 118 pays et récompensé d’une bourse de 150 000 $US ;
- l’Or aux Holcim Awards pour l’Amérique du Nord : le 30 septembre 2005, à Boston aux États-Unis, L’ŒUF et ses partenaires recevaient le premier prix, les qualifiant du coup pour la finale mondiale. Ce prix était assorti d’une bourse de 100 000 $US ;
- le Prix au mérite ACC/ACI : le 2 décembre 2005, L’ŒUF recevait le prix au mérite décerné conjointement par l’Association canadienne du ciment et l’American Concrete Institute, section Québec, pour son implication dans un projet novateur mettant en valeur l’utilisation du béton.