Un projet de démonstration conçu par le Réseau de recherche sur les bâtiments solaires du Canada : le système photovoltaïque/thermique intégré au pavillon de l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.
À l’angle de la rue Guy et du boulevard De Maisonneuve Ouest, au centre-ville de Montréal, le promeneur attentif peut désormais apercevoir en hauteur une technologie avant-gardiste conçue en vue d’optimiser l’exploitation de l’énergie solaire en milieu urbain : le système de production thermique et électrique intégré aux deux derniers étages de la façade sud-ouest du nouveau pavillon de l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.
Le système, qui peut produire jusqu’à 100 MWh par année, réunit pas moins de 384 panneaux photovoltaïques (PV) de 24,5 kWc, la plus grande installation du genre au Québec. Mais sa grande particularité réside dans l’intégration des PV à un mur solaire thermique (T) de 289 mètres carrés, situé à l’arrière de ces derniers. L’efficacité globale de la génération combinée devrait atteindre environ 60 % (taux d’utilisation de l’énergie solaire incidente).
Selon Andreas Athienitis, professeur au département de génie du bâtiment, civil et environnemental de Concordia, et concepteur principal de ce projet de démonstration, le système PV/T du pavillon de l’École de gestion John-Molson est unique au monde. Et l’intégration d’une telle technologie combinant alimentation et chauffage solaires pave la voie à une nouvelle génération d’immeubles qui produira sa propre énergie sous forme de chaleur, mais de plus en générera suffisamment pour alimenter l’ensemble du réseau électrique.
Le professeur Athienitis, qui est également coordinateur du Réseau de recherche sur les bâtiments solaires du Canada, un regroupement de chercheurs basé à Concordia, a mis six ans, avec le concours de ses collaborateurs, à élaborer une telle approche intégrant le thermique et le photovoltaïque.
Génération combinée
Le système produit à la fois de l’air chauffé et de l’électricité. Les modules photovoltaïques, visibles de la rue, recouvrent le mur solaire thermique auquel elles sont solidement fixées. On crée ainsi un système de cogénération PV/T particulièrement performant. De fait, cette technologie novatrice produit entre 200 % et 300 % plus d’énergie – chaleur et électricité combinées – qu’une installation photovoltaïque seule et ceci pour un surcoût de seulement 25 %.
En période froide, par temps ensoleillé, de grandes quantités d’air frais sont chauffées de manière à atteindre une température d’environ 20 degrés Celsius dans l’édifice. Cette application à basse température de préchauffage de l’air frais récupère très efficacement l’énergie pour ensuite alimenter le système de ventilation de l’immeuble
Les panneaux photovoltaïques sont dotés de perforations qui laissent entrer l’air extérieur. Celui-ci se retrouve ensuite dans un espace laissé libre entre les panneaux PV et le mur solaire thermique qui agit comme collecteur pour préchauffer l’air en provenance de l’extérieur. L’air réchauffé est ensuite acheminé au système de chauffage et de climatisation de l’édifice, qui le chauffe davantage si le besoin se fait sentir.
Il est à noter que la combinaison PV/T permet aux panneaux thermiques de refroidir les modules photovoltaïques (ils sont refroidis à mesure que l’air chaud est extrait) pour en augmenter le rendement, ce qui constitue un avantage énorme par rapport à l’utilisation de la seule énergie photovoltaïque. Soulignons que plus une composante électronique chauffe, et c’est le cas de panneaux PV, plus son rendement s’en trouve diminué.
L’approche PV/T comporte d’autres avantages. Ainsi, puisque le photovoltaïque et le thermique sont couplés, ils utilisent le même espace. Cela permet non seulement de réaliser des économies sur le coût d’installation, mais également de réduire les charges d’exploitation du bâtiment.
« La solution qui consiste à combiner les deux approches d’énergie solaire se prêtait particulièrement bien pour en faire une application à l’École de gestion John-Molson, explique Andreas Athienitis. La façade nous permettait d’installer un mur solaire de grande envergure, une véritable aubaine dans un environnement aussi densément peuplé que celui entourant l’édifice John-Molson, où les espaces propices à une installation de ce type son rares. Elle offre, en outre, une excellente orientation sud-sud-ouest pour recevoir un maximum d’ensoleillement. »
Le système PV/T fera l’objet d’un suivi permanent par une équipe de recherche de Concordia dirigée par le professeur Athienitis. Elle verra à mesurer la quantité d’énergie produite annuellement et, aussi, à déterminer si cette technologie peut être éventuellement appliquée dans d’autres projets au Canada.
Atout pour LEED
La mise en œuvre du projet de démonstration du système PV/T s’inscrivait dans la foulée d’un projet qui visant de surcroît l’atteinte de la certification LEED-NC, niveau Argent (33 à 36 points sur les 70 que compte le système d’évaluation du Conseil du bâtiment durable du Canada). Le dossier est soumis à l’examen du Conseil du bâtiment durable du Canada.
Gilles Desrochers, ingénieur et directeur de la gestion de projet chez Genivar, la firme de génie-conseil qui fut en charge de la réalisation du nouveau bâtiment de l’École de gestion souligne qu’au départ, c’était la certification de base (26 à 32 points) qui était dans la mire de l’équipe de projet. Concordia avait engagé une consultante LEED afin de définir avec elle les objectifs raisonnablement atteignables en tenant compte d’une enveloppe budgétaire particulièrement serrée. C’est dans cette optique que l’on a notamment renoncé à aménager un stationnement intérieur afin d’inciter les occupants à utiliser les transports publics. Et que des vitrages isolants à haut rendement pour les surfaces extérieures ont été installés et une large place fut réservée à des matériaux durables comme la céramique et le granit dans l’ensemble de l’édifice.
« À un moment donné, nous nous sommes rendus compte que, moyennant quelques ajouts à peu de frais favorisant le développement durable et l’installation proposé en cours de travaux d’un mur solaire, il devenait possible d’atteindre LEED Argent. Des membranes blanches ont ainsi été implantées sur la toiture afin de réfléchir les rayons de soleil l’été plutôt que d’en absorber la chaleur.
« Nous avons également fait le choix d’une plomberie à faible débit permettant une réduction de 45 % de la consommation d’eau », indique Gilles Desrochers, en soulignant que c’est assurément le mur solaire qui a fait une grosse différence et contribué à dépasser la certification LEED de base de 6 points.
Le pavillon de l’École de gestion John-Molson, soulignons-le, couvre 37 000 mètres carrés, répartis sur 15 étages, en plus de deux sous-sols. Il comporte notamment 45 salles de classe, 22 salles de conférences, un auditorium de 300 places, 6 amphithéâtres, 289 bureaux et 44 salles d’étude privées. L’édifice accueille plus de 7 500 étudiants à temps plein et 2 300 à temps partiel, 144 professeurs réguliers, 188 chargés de cours et 90 membres du personnel administratif.
Conception Réseau de recherche sur les bâtiments solaires du Canada
Coordination du projet Consortium d’architectes Kuwabara Payne McKenna Blumberg / Fichten Soiferman et associés
Fourniture des panneaux solaires Conserval Engineering
Fourniture des capteurs solaires photovoltaïques Day4Energy
Fourniture des composantes électroniques pour la conversion de l’électricité solaire Sustainable Energy Technologies
- Plus grande installation photovoltaïque au Québec avec une puissance de 24,5 kW
- Première façade au monde intégrant un système de cogénération composé de panneaux photovoltaïques et thermiques intégrés au bâtiment pour produire de l’électricité et de l’air chaud à partir du même mur solaire à haut rendement
- Mur solaire thermique produisant jusqu’à 75 kW de chaleur issue du chauffage de l’air frais et permettant de réchauffer environ 425 mètres cubes/minute d’air frais
- Panneaux photovoltaïques générant 25 kW d’électricité
- Cogénération PV/T transformant les propriétaires de simples consommateurs passifs d’électricité à producteurs d’électricité
- Approche PV/T permettant d’exploiter 60 % de l’énergie solaire captée alors qu’un système de panneaux photovoltaïques à lui seul affiche un rendement énergétique ne dépassant pas 15 %
- Méthode d’admission d’air distribué à haut rendement pour prélever la chaleur des panneaux PV
- Ondulateurs Parallel-interconnect augmentant le rendement des panneaux PV
- Extraction d’une grande partie de la chaleur des panneaux PV pour l’acheminer à l’air frais, augmentant du coup l’efficacité des panneaux de 5 % pendant les journées froides et ensoleillées comparativement aux installations traditionnelles
L’approche innovatrice de cogénération n’avait pas été retenue dans l’enveloppe budgétaire que l’Université Concordia avait prévue initialement pour la construction l’École de gestion John-Molson. Il fut décidé in extremis de l’aménager à partir de juillet 2008, alors que les travaux de construction étaient déjà bien avancés. Malgré tout, ce projet d’intégration PV/T n’aura nécessité qu’un investissement de 600 000 dollars.
« Nous estimons que le système devrait générer de 5 à 10 % des besoins énergétiques annuels de l’École. Mais n’oublions que, s’agissant d’un projet de démonstration, les retombées ne sont pas que monétaires. Au moins 10 chercheurs de 3e cycle axent actuellement leurs travaux sur ce projet innovateur. Par conséquent, on peut espérer que des projets similaires verront sous peu le jour ailleurs au Canada », explique Joseph Ayoub, conseiller principal en planification énergétique chez CanmetÉnergie, un organisme fédéral voué à la recherche sur les énergies renouvelables qui a apporté une contribution significative à la mise sur pied du projet.
L’Université Concordia a entrepris la construction du nouveau pavillon de l’École de gestion John-Molson en janvier 2007. Conformément à l’échéancier prévu, les travaux furent achevés à l’été 2009. Fait à signaler, l’ensemble des travaux aura été réalisé au coût de 117 millions de dollars, soit 1,5 million de moins que le budget initialement prévu.
L’équipe de projet réunissait Genivar (gestionnaire et représentant du propriétaire), Kuwabara Payne McKenna Blumberg / Fichten Soiferman et associés (architectes) NCK / SM (génie structural et civil), Teknika HBA (génie électromécanique), Verreault (constructeur) et Lyse M. Tremblay architecte (consultante LEED).
Outre le recours à l’énergie solaire, de nombreuses autres mesures ont été appliquées au pavillon de l’École de gestion John-Molson pour en faire un véritable bâtiment durable. Parmi elles, soulignons :
- Recours à de la plomberie à faible débit (réduction de la consommation d’eau potable de 45 %)
- Récupération de la chaleur produite par les refroidisseurs de condensation
- Aménagement d’un tunnel menant aux pavillons GM et EV du campus ainsi qu’à la station de métro Guy-Concordia
- Absence de stationnement intérieur
- Installation de supports à vélos
- Mise en place d’un toit vert sans irrigation au quatrième étage
- Utilisation de membranes et toitures visant la réduction des îlots de chaleur
- Utilisation de matériaux durables, régionaux (>20%), à fort contenu recyclé, et bois certifié
- Utilisation de matériaux exempts de COV