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Étude de cas : le campus BCZ du Collège Sainte-Anne

14 mars 2023
Par Rénald Fortier*

Vol au-dessus d’une réalisation durable d’avant-garde : le campus carboneutre du Collège Sainte-Anne, à Dorval.

BCZ. Voilà un acronyme, celui de bâtiment à carbone zéro, qui résonne doux aux oreilles d’Ugo Cavenaghi, président- directeur général du Collège Sainte-Anne, car c’est l’aura qui enveloppe aujourd’hui le nouveau campus de cet établissement d’enseignement, à Dorval. Une réalisation qui s’est matérialisée dans la foulée de deux projets menés en parallèle et qui, de surcroit, va bien au-delà de la carboneutralité dans son essence.

Il faut savoir d’entrée de jeu que ce campus d’avant-garde est issu de la rénovation et de l’agrandissement d’une section d’une école préscolaire-primaire, dont le bâtiment d’origine a été la proie des flammes au printemps 2020, et de la construction d’une nouvelle école secondaire à un jet de pierre – les deux établissements espacés d’une quarantaine de mètres sont reliés par une passerelle et surmontés de capteurs solaires –, au terme d’un investissement d’un peu plus de 50 millions de dollars.

Deux projets, un campus

Deux projets menés en parallèle, donc, mais un seul et même campus. Et dans un cas comme dans l’autre avec une même vision innovante. « L’objectif était de faire de nos nouvelles installations un milieu de vie confortable, écoénergétique et favorisant la réussite éducative sous le signe du développement durable », indique Ugo Cavenaghi, pour qui l’élément déclencheur aura été la visite d’une école privée à Genève, en Suisse, en 2019.

« Devant cette école, relate-t-il, il y avait un capteur solaire en forme de fleur qui laissait transpirer le caractère écoresponsable de ce bâtiment qui n’était en outre pas climatisé, mais seulement ventilé. Et le directeur de l’établissement m’avait indiqué que tout fonctionnait très bien comme ça. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’on pourrait faire pareil. »

Un voyage qui en appellera un autre, cette fois en compagnie des membres du conseil d’administration du collège et de l’architecte Pierre Thibault. « Nous sommes allés au Danemark, en Hollande et même en Islande en hiver pour voir des projets inspirants, raconte ce dernier à son tour. À Copenhague, nous avons visité une école où il n'y avait presque pas de classes fermées, ce qui était alors quand même assez sensationnel. Ce sont des élèves qui nous ont fait visiter chacun des espaces en nous indiquant ce qu’ils appréciaient et pourquoi. Ç’a été une expérience marquante, mais il y en a d'autres aussi. »

« En Islande, poursuit Pierre Thibault, nous y sommes allés en hiver, avec la neige et tout... La réverbération de la lumière avait été calculée, des espaces de buttes devenaient des glissades et l'aménagement avait été pensé de façon à maximiser l'utilisation du bâtiment en fonction de toutes les saisons. C'est alors que nous avons commencé à dessiner dès notre retour, dans l'avion, et c'est assez étonnant de voir comment les premiers croquis qui y ont été faits portaient déjà l'essence de ce qu'on venait de voir. »

La ligne était dès lors tracée pour la suite des choses avec au premier chef le duo formé de l’Atelier Pierre Thibault et d’Architecture49, ainsi que les autres membres de chacune des équipes réunies autour d’un processus de conception intégrée; l’une pour l’école préscolaire-primaire; l’autre pour l’école secondaire.

« Tout le monde était autour de la table pendant les réunions qui se tenaient aux deux semaines, et ce, dès que l’on a eu les premières esquisses, indique Pierre Thibault. Les ingénieurs étaient là, l’entrepreneur JCB était là et parfois même certains de ses sous-traitants. Et le client était là lui aussi et il questionnait tous les éléments de la conception. On sentait sa motivation et on comprenait qu’il voulait toujours aller dans la direction qu’il souhaitait pour la pédagogie, pour le bien-être des élèves et des enseignants. »

École primaire

Dans le cas de l’école préscolaire et primaire, les concepteurs ont dû composer avec la partie du bâtiment qui n’avait pas été détruite par l’incendie, puisque le bâtiment original, construit en 1921, avait été une perte totale. Deux ajouts construits dans les années 1970 et 1980, que l’on appelle le bâtiment B, ont ainsi été récupérés et intégrés au nouvel agrandissement.

Du côté de la rénovation, on a modifié quelques cloisons intérieures pour replacer ou redistribuer certaines classes, ouvrir certains espaces. On a ajouté une classe cuisine à l'intérieur. Rapidement il a été déterminé que les plus petits seraient dans le bâtiment B et que les niveaux 3, 4, 5, 6 seraient dans l'agrandissement.

« Nous avons adapté la rénovation aux enfants de la prématernelle, maternelle, première et deuxième année, précise Isabelle Julien, architecte sénior principale chez Architecture49. Puis nous avons ajouté une entrée secondaire avec un poste d'accueil qui n'était pas là avant. Évidemment, nous avons fait la réfection des finis de tous les espaces publics. »

C’est sans compter les efforts qui ont dû être déployés pour faire de cette école une réalisation exemplaire, avec pour point de mire l’obtention de la certification BCZ – Design du Conseil du bâtiment durable du Canada. « Dès le départ, nous avons travaillé avec les architectes pour avoir une volumétrie simple, bien implantée et pour installer la fenestration aux bons endroits. Nous voulions avoir des façades très vitrées au nord et au sud. Au sud pour avoir du chauffage passif et l'été avec des surplombs pour faire de l'occultation passive, alors qu'au nord, nous n'avions pas d'enjeux d'occupation. Puis nous avons limité la fenestration à l’ouest et à l’est », indique l’ingénieur Carl Gauthier, associé chez LGT.

Par la suite, cette firme de génie-conseil a déployé des systèmes électromécaniques performants, notamment un système dédié d'air neuf pour alimenter de la ventilation par déplacement dans l'ensemble de l'école. « Ce sont les systèmes de distribution d'air les plus performants sur le plan de la qualité d'air, mais aussi de l'énergie et de l'acoustique, dit Carl Gauthier. Nous avons également fait le choix de chauffer et de tempérer l'école par l'entremise de planchers radiants chauffants et refroidissants couplés à des thermopompes aérothermiques. »

École secondaire

Baignée de lumière naturelle, la nouvelle école secondaire de quatre étages n’est évidemment pas en reste sur le plan environnemental, elle qui se pose comme un modèle à suivre dans le milieu de l’enseignement avec notamment ses fenêtres ouvrantes, ses espaces intérieurs polyvalents et ses coursives extérieures qui s’inscrivent dans le prolongement des classes en lieu et place des traditionnels corridors intérieurs.

« On a une diversité et des typologies d’espace à l’intérieur qui sont vraiment hors norme par rapport à une école où l’on retrouve un corridor et des classes semblables de chaque côté », indique Pierre Thibault, en soulignant qu’un gradin en bois intégré au coeur de l’école sert de circulation principale.

Visant également une certification BCZ – Design, ce bâtiment est lui aussi le fruit de l’intégration d’une batterie de mesures durables et écoénergétique, à commencer par une enveloppe performante. « Au moyen de la modélisation, nous avons évalué les ouvertures qu'on devait faire pour la ventilation naturelle, déterminé les caractéristiques de l'enveloppe et choisi la fenestration dont on avait besoin pour répondre à certains critères d'efficacité énergétique », précise l’ingénieur en mécanique Martin Roy, président de Martin Roy et associés.

Une fois l'obtention d'une enveloppe très performante chose faite, beaucoup d'analyses ont été effectuées sur le plan des besoins en énergie pour dimensionner et sélectionner les meilleurs systèmes électromécaniques. C’est ainsi qu’on a opté pour de la radiation, des planchers radiants pour le chauffage, mais aussi en bonne partie pour le refroidissement et la climatisation. Très peu d'endroits ont nécessité de la climatisation supplémentaire au refroidissement par le plancher.

« Entre autres stratégies écoénergétiques, note Martin Roy, il y a les fenêtres ouvrantes et des puits de lumière qui contribuent à évacuer la chaleur et un système de ventilation naturelle hybride. Et pour la production de chaud et de froid, nous avons opté pour l’aérothermie avec un système de thermopompes très efficace installé dans un espace qui est chauffé par l’évacuation de l’air du bâtiment, ce qui permet de récupérer un maximum de chaleur. »

Tout comme pour le bâtiment préscolaire-primaire, la liste des stratégies durables et écoénergétiques intégrées au design de cette école pourrait se décliner encore longtemps. Et toutes convergent vers l’atteinte de la carboneutralité à l’échelle du campus et de l’optimisation du mieux-être des usagers des installations.

« L’objectif était de réaliser un campus écoresponsable et carboneutre. Nous voulions que notre projet fasse école et c’est réussi », conclut Ugo Cavenaghi, en soulignant l’importance de la dimension éducative imbriquée dans cette réalisation.

*Avec la collaboration de Sandra Soucy

Équipe des projets I Campus

Client : Collège Sainte-Anne

Architecture : Atelier Pierre Thibault et Architecture49

Génie électromécanique : Martin Roy et associés (école secondaire) I LGT (école primaire)

Génie structural : NCK (école secondaire) I LGT (école primaire)

Génie civil : CDGU Construction JCB Construction Canada

Simulation énergétique : Martin Roy et associés (école secondaire) I Akonovia (école primaire)

Certifications BCZ : Martin Roy et associés (école secondaire) I Vertima (école primaire)

 

Mesures écoénergétiques

École primaire

  • Enveloppe performante
  • Vitrage triple pour tout le bâtiment
  • Production du chauffage avec des thermopompes aérothermiques pouvant fonctionner jusqu’à – 30o C
  • Éclairage DEL pourvu de contrôles adaptatifs
  • Ventilation par déplacement
  • Planchers radiants chauds et froids
  • Capteurs solaires photovoltaïques produisant plus de 5 % de la consommation énergétique du bâtiment Fleur solaire
  • Récupération de chaleur sur l’air évacué au moyen d’une roue thermique de type enthalpique et d’une autre roue thermique pour assurer une réchauffe gratuite en été pour satisfaire les critères d’une distribution d’air par déplacement
  • Et autres

École secondaire

  • Enveloppe performante
  • Vitrage triple côtés nord et est du bâtiment
  • Luminosité naturelle abondante et gains solaires passifs en hiver
  • Production de chaleur et de froid au moyen d’un système de thermopompes aérothermiques installé dans un espace chauffé par l’évacuation de l’air du bâtiment
  • Plancher radiant pour le chauffage et, en bonne partie, pour le refroidissement et la climatisation
  • Récupération de chaleur sur la ventilation
  • Ventilation par déplacement découplée utilisant très peu de force motrice
  • Ventilation naturelle hybride (assistée par des ventilateurs) pour évacuer la chaleur des espaces intérieurs
  • Éclairage aux DEL
  • Contrôles individuels pour l’éclairage et la ventilation
  • Capteurs solaires photovoltaïques procurant 7 % de la consommation du bâtiment en termes d’énergie renouvelable
  • Et autres

 

Faits saillants zéro carbone

École préscolaire-primaire

  • Réduction de la consommation énergétique de 42,3 % par rapport au bâtiment de référence du CNEB 2017.
  • Atteinte d’un IDET (intensité de la demande en réduction thermique) de 32.6 kWh/m2/année, soit sous la barre de 34 pour la certification BCZ design v2 du CBDCa.
  • Réduction de 370 tonnes d’éq. CO2 par rapport à un bâtiment de référence construit de façon traditionnelle.

École secondaire

  • Atteinte d’un IDET de 33 kWh/m2/année pour la performance de l’enveloppe, soit sous la barre de 34 pour la certification BCZ design v1 (intensité énergétique totale du bâtiment de 46,7 kWh/m2 ou de 0,168 GJ/m2/année).
  • Les systèmes installés n’utilisent que l’électricité (thermopompes), de sorte que les réductions sont totales en termes de CO2 éq. (aucun CO2 ne sera produit par le bâtiment pour son usage).