CHRONIQUE DE ÉCOBÂTIMENT
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Entre l’incertitude qui plane sur le marché immobilier et les besoins collectifs mis au jour par la pandémie, une idée s’impose : le soutien public à l’industrie de la construction doit être destiné à la rénovation du parc immobilier existant.
L’industrie de la construction est un moteur économique puissant sur lequel le Québec compte pour se relever de la crise. Il faut cependant stopper la fuite en avant qui consiste à financer le neuf tout en laissant l’existant se dégrader.
Écobâtiment fait écho à la lettre de 15 leaders québécois au gouvernement Legault et à celle de l’urbaniste Gérard Beaudet, et réitère cette revendication essentielle : miser sur les activités de rénovation offre des retombées sans égales en matière de qualité de vie et de vitalité économique durable.
La priorisation de ces travaux dans le cadre de mesures de soutien à la relance économique permettrait de :
- freiner la dégradation des immeubles du parc immobilier québécois;
- améliorer la qualité de vie et la santé des occupants;
- soutenir les activités les plus écoresponsables du grand secteur de la construction;
- stimuler l’offre de services en forte demande et la provision d’emplois de qualité;
- opérer la transition énergétique nécessaire à la réduction des gaz à effet de serre et à la lutte contre les changements climatiques;
- conserver le patrimoine bâti du Québec et occuper les immeubles vacants à des fins productives;
- consolider les centralités urbaines et cœurs de villages, stimulant l’achalandage des commerces et services locaux.
Les idées partagées ici sont tirées d’un projet de recherche mené par Écobâtiment de 2018 à 2020. Cette démarche a abouti sur la publication du livre Valoriser les bâtiments existants.
Un parc immobilier locatif à remettre en état : l’âge moyen des immeubles locatifs est de 43 ans. Parmi les ménages locataires, plus de 35 % affirment que des travaux sont nécessaires dans leur logement et, pour 130 900 d’entre eux, des réparations majeures sont requises. En ayant soin de ne pas empirer les difficultés vécues par les locataires les plus vulnérables, il est impératif de soutenir la mise à niveau du parc résidentiel locatif pour rehausser la qualité de vie des occupants et assurer la viabilité à long terme des immeubles.
Une transition énergétique à mettre en œuvre : les bâtiments plus anciens sont moins bien isolés, moins étanches et disposent de systèmes de ventilation moins performants. En plus d’améliorer le confort des occupants et de réduire les frais d’énergie, les rénovations écoénergétiques dans les immeubles chauffés à l’aide de carburants fossiles occasionneraient des réductions d’émissions de GES annuelles de 0,77 tonne par logement en moyenne. Le secteur du bâtiment commercial présente quant à lui le plus grand potentiel pour réaliser des mesures d’efficacité énergétique et de réduction des GES rentables pour le propriétaire.
Des immeubles de qualité à valoriser : bien que les techniques de construction évoluent sans cesse, nombre d’immeubles conçus par d’autres générations de bâtisseurs présentent des caractéristiques architecturales et matérielles aujourd’hui enviables : volumes distinctifs; structures surdimensionnées; enveloppes de maçonnerie massives; matériaux nobles; ornements; etc. Un siècle ou deux d’occupation justifie mieux les ressources destinées à l’extraction des matières premières, leur transformation, le transport et l’assemblage des matériaux que nécessite la construction d’un bâtiment. Augmenter la durée de vie utile d’un immeuble par une rénovation qui en prolonge l’usage permet de reporter l’empreinte écologique de l’étape de construction sur une période plus longue.
Un tissu urbain à consolider : le soutien à la rénovation permet de diriger les investissements vers les bâtiments et quartiers plus anciens, généralement plus centraux. Consolider les milieux déjà bâtis en convertissant les bâtiments désuets favorise les déplacements de courtes distances et l’utilisation de transports collectifs, moins intensifs en émissions de GES que la voiture individuelle.
Des bâtiments patrimoniaux à pérenniser : les bâtiments religieux constituent une partie importante du patrimoine architectural et identitaire québécois. Le destin de centaines de ces immeubles dépend des moyens que nous prendrons à court terme pour les sauvegarder et de la créativité mise à leur trouver de nouvelles vocations. Les bâtiments et lieux historiques sont essentiels aux ambiances villageoises et urbaines. Ce sont des attraits importants de notre territoire, des éléments distinctifs qui invitent la déambulation et stimulent le sentiment d’appartenance.
Un influx de matières résiduelles à stopper : les résidus provenant des activités de construction, de rénovation, mais surtout de démolition constituent 29 % des déchets éliminés au Québec. Même pour les matériaux réputés recyclables, les filières de valorisation peinent à transformer les quantités générées. Parce que les immeubles sont les biens de consommation les plus volumineux et les plus énergivores, ce sont les premiers qui devraient faire l’objet de notre réflexion sur l’économie circulaire.
Des coûts à reconsidérer : sur l’horizon d’un prêt hypothécaire commercial, le rendement d’un bâtiment neuf l’emporte souvent sur la rénovation. Un immeuble de qualité rénové avec soin peut toutefois constituer une contribution plus intéressante à la vie des occupants, au panorama d’un quartier et au portfolio d’un investisseur qu’un bâtiment neuf au coût initial comparable. En plus de préserver des systèmes architecturaux sains et des éléments ornementaux porteurs de sens, on capture et rehausse la valeur de l’existant pour se retrouver à terme avec un immeuble d’une valeur globale supérieure.
Des constructions neuves... à rénover ! Puisqu’il demeure nécessaire de produire des immeubles neufs, pourquoi ne pas adopter collectivement une vision à long terme? Exigeons des immeubles pensés pour les siècles à venir, avec ce qu’ils comportent d’incertitudes. Ne construisons que des immeubles bien situés et bien orientés, solides, confortables, fonctionnels et flexibles pour permettre les réaménagements qui s’imposeront inévitablement. En somme, construisons des bâtiments de qualité qui mériteront d’être rénovés le temps venu.