CHRONIQUE DU CENTRE DE FORMATION EN DÉVELOPPEMENT DURABLE
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L’urbaniste est porteur de la vision de développement d’une ville, vision à laquelle doit répondre un projet s’adaptant au site sur lequel il se développe. Comment promoteur et ville peuvent-ils trouver leur compte, pour le meilleur intérêt de l’ensemble des personnes impliquées ?
Propos recueillis par Andréane Girard
Selon Louis-Michel Fournier, urbaniste, associé fondateur de L’Atelier Urbain et formateur au Centre de formation en développement durable (CFDD), « l’apport de l’urbaniste permet de considérer un projet dans son contexte urbain. Il ne s’agit pas de voir un projet en vase clos décontextualisé, mais de le considérer dans son environnement plus large, en tenant compte des enjeux territoriaux et citoyens. »
L’urbaniste est appelé à jouer un rôle de gardien des trois piliers principaux du développement durable à l’échelle d’un territoire, d’autant plus lorsqu’il est impliqué dans une conception dite intégrée. « Il contribue sur le point environnemental, en établissant un certain encadrement qui vise une harmonisation du projet dans son territoire en y intégrant des principes d’aménagement. Il permet également de considérer les préoccupations citoyennes, un aspect social qui tient compte des besoins et de la réalité des groupes sectoriels touchés par un projet.
Ainsi, en tenant compte de l’éventail des possibilités, il établit une règlementation qui a comme souci l’amélioration et la qualité des milieux. Par conséquent, on s’assure d’obtenir un projet qui cadre dans la vision holistique du secteur dans lequel il s’inscrit. » Enfin, l’urbaniste intervient aussi sur l’économie, en orientant vers la création d’un site d’une plus grande valeur, pour la ville et les promoteurs, notamment.
La ville, maitre de son avenir
Afin d’assurer une qualité optimale, la ville se doit de faire partie de l’équation comme leader de son développement. Elle a la responsabilité d’établir une vision claire et durable, pour que les différents acteurs puissent bien la saisir, afin de mieux la bonifier.
Arab Hoballah, consultant international du Programme des Nations Unies pour l’environnement, pousse même la réflexion : « Pour que les actions en faveur d’un bâtiment vert portent leurs fruits, il est essentiel de placer le bâtiment dans son espace ou son écosystème, à savoir la ville, tel un arbre dans sa forêt. Le bâtiment est lié à des infrastructures diverses et variées, des transports, des services de distribution de ressources, des modes de consommation et de production ainsi que des modes de vie. Le bâtiment s’inscrit et “évolue” dans un système : celui de la ville et du tissu urbain. »
Surmonter les défis
Pour atteindre un niveau optimal de développement durable, il faut travailler ensemble. La multidisciplinarité représente un défi majeur, surtout sur le plan de la compréhension mutuelle des parties. André Roy, ingénieur, anciennement directeur de projet chez Placements immobiliers, Mouvement Desjardins et actuellement formateur au CFDD, insiste sur la compréhension mutuelle, « établir un vocabulaire commun à tous les acteurs, dans un premier temps, et surtout, comprendre les intérêts profonds de chacun. »
Elle comporte un défi également pour tout ce qui a trait au souci de transparence et d’intégrité des villes, dans le contexte que l’on connait bien et dans lequel on vit. Louis-Michel Fournier propose une solution qui consiste à travailler sur une vision du territoire avant d’y prévoir des projets ciblés, pour éviter de donner d’abord priorité à des intérêts pécuniaires. « Il est plus profitable d’intégrer des promoteurs, et d’autres acteurs économiques en amont, afin de discuter globalement de l’avenir d’une ville plutôt que de le faire à la pièce, projet par projet. »
La conception intégrée au service de tous
L’application du processus de conception intégrée (PCI) signifie une mise en commun des efforts afin de proposer les solutions optimales à un territoire. Elle permet de travailler en collaboration plutôt qu’en silo, ce qui accélère le processus et favorise l’innovation par le partage d’idées plurielles. L’application du PCI à l’échelle d’un territoire devrait allier l’expertise des ressources municipales, l’implication des décideurs et la participation de l’ensemble des acteurs concernés, en plus des experts spécialisés. Par cette intégration, la contribution de tous est mise à profit pour constituer un projet des plus complets et des plus durables. André Roy nous met toutefois en garde : « À condition bien sûr d’y établir un climat de confiance, et d’y prohiber l’esprit de confrontation. »
Ainsi, de poursuivre Louis-Michel Fournier, « au lieu de faire des grilles de compatibilité strictes et limitatives, l’urbaniste peut expliquer les intérêts profonds de la ville, d’un territoire et donner un sens à la règlementation. Quels étaient les principes d’aménagement qui ont mené à ce règlement? Quelle est la vision à long terme du territoire dans lequel s’imbrique le projet? » Le fait de démystifier les règlements, de bien saisir les raisons pour lesquelles un règlement a été mis en place aide à trouver un terrain d’entente entre toutes les parties.
En ayant une compréhension globale et claire du territoire et des intérêts de la ville et de ses citoyens, on peut proposer un meilleur projet, où tous y trouveront leur compte.
Avec une meilleure connaissance des enjeux territoriaux, on peut également surmonter les contraintes, pour les transformer en opportunités. Cela a d’ailleurs été le cas dans le projet de la Cité Desjardins de la coopération, à Lévis. André Roy précise : « En travaillant étroitement avec l’urbaniste et le service du génie qui faisait partie de l’équipe de projet, on a pu déplacer une rue, ce qui rendait possible une implantation plus logique des infrastructures, pour le bienfait du projet, et qui a, par le fait même, permis à la ville de rajeunir et de moderniser les infrastructures des services publics, en plus de créer un parc semi-public. »
La conception intégrée permet d’arrimer la vision du projet avec celle de la ville, pour ainsi générer des retombées plus grandes, aux avantages de toutes les parties. Au final, les valeurs se rejoignent. C’est le projet qui doit mener, non pas les intérêts particuliers de chaque individu ou profession. Si le projet allie les intérêts des parties prenantes, on trouve alors le meilleur compte pour la ville, ses habitants, le promoteur, et tous les participants au projet.
Pour aller plus loin
La formation du CFDD « Les stratégies responsables : des mesures concrètes pour bâtir durable » approfondit les notions élaborées dans l’article et les transpose dans un processus de conception intégrée, par des ateliers pratiques, entre autres. Elle permet de voir concrètement comment il est possible de bâtir durable malgré les règles, principes et lois de l’industrie.