Incursion au cœur du design du nouveau Planétarium Rio Tinto Alcan. Et de sa constellation de stratégies durables.
Avec sa toiture verte accessible et son design audacieux, la Ville de Montréal mise sur le nouveau Planétarium RioTinto Alcan, dont l’ouverture est prévue autour de l’équinoxe du printemps 2013, pour insuffler une vague de fraîcheur au Parc olympique. « C’est un site qui peut faire peur, concède d’entrée de jeu Pierre Lacombe, directeur du Planétarium. On ne peut pas faire concurrence à un bâtiment de la stature du Stade olympique ! Cependant, il y a une belle opportunité de mise en valeur. Nous avons donc choisi de travailler sur l’animation extérieure en créant un lieu où les gens prendront plaisir à circuler plutôt que d’avoir l’impression de traverser un gros îlot de chaleur. »
Pierre Lacombe espère ainsi voir revenir la vie de quartier sur ce site boudé par la communauté de l’est de la métropole depuis la construction des installations olympiques. Et on ne lésine pas sur les moyens, loin de là même. Le projet, qui est en chantier depuis juillet dernier, représente un investissement de 46 millions de dollars. Il porte sur la construction d’un bâtiment comprenant deux amphithéâtres dotés d’équipements de projection à la fine pointe de la technologie, de même que sur l’élaboration de deux nouveaux spectacles grand public.
Un bâtiment qui sortira de l’ordinaire, faut-il le dire. Non seulement parce qu’il montrera un visage architectural sans nul autre pareil au Québec, mais aussi parce qu’il sera vert foncé mur à mur. Comme en témoigne la volonté de la Ville d’y apposer la certification LEED-NC, niveau Platine, du Conseil du bâtiment durable du Canada. L’objectif : cumuler entre 54 et 57 points sur une possibilité de 70, rien de moins.
Le design de ce nouveau monument à la gloire du développement durable porte la signature d’un consortium piloté par la firme d’architecture montréalaise Cardin Ramirez Julien, et au sein duquel s’activent aussi AEdifica Architecture + Design, Fauteux et associés – Architectes paysagistes ainsi que les sociétés de génie-conseil SNC-Lavalin et Dupras Ledoux Ingénieurs. Son concept, axé sur un bâtiment partiellement enfoui et pourvu d’un maximum de surfaces végétalisées, a été retenu dans la foulée de la deuxième et dernière étape d’un concours international d’architecture lancé en 2008.
« Notre prémisse, c’était l’importance de l’expérience de la nature dans le premier contact avec un ciel étoilé, relate Jean-François Julien, architecte responsable du projet. Deux idées ont ensuite façonné la volumétrie de l’immeuble : le lien entre le visiteur et le ciel, d’une part, et la manipulation symbolique d’une dalle existante vers le haut et le bas pour créer les espaces intérieurs, d’autre part. »
Cette réflexion s’est traduite dans la forme par un vaste toit vert duquel émergent deux structures en forme de cône tronqué et à l’intérieur desquelles deux sphères abriteront le théâtre astronomique et le théâtre multimédia, pièces maîtresses dans l’expérience du nouveau planétarium. On trouvera également au rez-de-chaussée une salle mixte des pas perdus et d’exposition – où l’œil du visiteur pourra s’acclimate à l’obscurité, de même que l’accueil principal, la billetterie, un café et une boutique. Les bureaux administratifs, eux, logeront dans un étage de 550 mètres carrés au niveau supérieur.
Situé à proximité du Biodôme et de la base du mat du Stade olympique, le terrain a été complètement artificialisé dans les années 1970, notamment avec la construction de garages et d’entrepôts souterrains par l’entremise desquels communiquent les bâtiments voisins. La présence de ces espaces sera exploitée pour aménager un étage complet du planétarium en sous-sol. On y installera l’accès par autobus et l’accueil des groupes, ainsi que des salles d’animation et un vestiaire. Une vaste percée sera pratiquée dans la dalle de béton existante à l’avant du bâtiment pour laisser pénétrer la lumière à l’étage inférieur et y aménager une cour boisée.
Par ailleurs, une nouvelle esplanade métamorphosera l’entrée du site jusqu’alors fortement minéralisée. Un pavage de fantaisie et des îlots de verdure rappelant la planète du Petit Prince égayeront le terrain auquel s’ajouteront 1 400 mètres carrés d’arbres, d’arbustes, de plantes vivaces et de graminées.
Un système d’irrigation goutte à goutte fonctionnant à l’eau de pluie est prévu pour contrer l’effet asséchant de l’îlot de chaleur et la forte exposition aux vents de cette section du site. Contrôlé automatiquement et coordonné avec une station météo, ce système devrait permettre des économies d’eau de 88 % par rapport à un système d’irrigation conventionnel. L’eau de pluie collectée sur le site, après avoir été traitée avec un séparateur d’huile et de sédiment, comblera les besoins en arrosage des aménagements paysagers.
Trois étages de verdure
Joyau du projet, l’impressionnante toiture verte du planétarium sera accessible du niveau de la rue et sillonnée de sentiers, invitant ainsi à flâner sur ce site jusque-là mal-aimé. La surface sera constituée de 569 mètres carrés de plantation extensive de plantes rustiques très résistantes à la sécheresse. On y trouvera également 1 255 mètres carrés de culture semi-extensive, plus verdoyante et fleurie.
« Les besoins en arrosage sont réduits par un choix de plantes adapté, par l’utilisation de feutres de rétention d’eau et par l’amendement de la terre végétale avec des ajouts à fort pouvoir de rétention », indique Marc Fauteux, de Fauteux et associés – Architectes paysagistes. Bien qu’aucun système d’irrigation automatique ne soit prévu pour les toits verts, un arrosage ponctuel sera possible pour la période d’établissement des végétaux et en cas de sécheresse prolongée. Les eaux de pluie ruisselant des toits seront quant à elles recueillies dans le système de récupération des eaux grises à l’intérieur du bâtiment.
En début de projet, l’étendue des toits végétalisés n’inspirait rien de bon au personnel d’entretien des immeubles de la Ville de Montréal, d’autant plus que ces derniers abriteront des équipements électroniques de grande valeur. Pour assurer un contrôle de la qualité sans faille lors de la pose de la membrane et du verdissement des toitures, la Ville fera appel à la firme International Leak Detection. L’approche consiste à mouiller la membrane nouvellement installée, puis à générer une impulsion électrique à basse tension pour en vérifier son intégrité. Si la membrane est rompue, une connexion de mise à la terre sera produite, permettant au technicien de localiser facilement les brèches, même une fois l’installation et le verdissement achevés.
« On construit en pensant à long terme, dit France Beaulieu, ingénieure et superviseure du projet du Planétarium pour la Ville de Montréal. On sauve ainsi sur la surveillance et le contrôle de qualité de la toiture et on garantit aux gens d’entretien qu’ils ont un moyen de détecter les problèmes. Ils pourront de plus localiser très précisément d’éventuelles fuites et les colmater sans tout défaire »
Synergies énergétiques
Le chauffage et la climatisation du planétarium seront en partie assurés grâce à une pompe à chaleur d’une capacité de 120 tonnes. Les dégagements de chaleur des équipements électroniques, de l’éclairage et des occupants seront récupérés par la boucle d’eau refroidie de manière à subvenir à près de 90 % des besoins de chauffage, selon les modélisations.
Par ailleurs, puisque les profils de demande des deux institutions sont complémentaires, la climatisation et la demande résiduelle de chauffage seront comblées avec une boucle d’eau branchée à même le système de géothermie ouverte du Biodôme voisin. Les capacités excédentaires et les multiples redondances qui garantissent la préservation des collections « vivantes » du Biodôme rendent ce partage possible.
Par sa localisation, le Planétarium jouit d’un autre avantage inédit sur le plan énergétique : il s’alimentera en électricité par l’intermédiaire de la Régie des installations olympiques (RIO), laquelle bénéficie d’un tarif préférentiel d’Hydro-Québec à titre de grand consommateur d’électricité, notamment parce qu’elle doit chauffer la toiture du Stade olympique.
Si le voisinage présente des avantages, il a également ses inconvénients. C’est notamment le cas sur le plan de la pollution lumineuse : « Préserver l’obscurité du ciel est un incontournable pour le planétarium, dit France Beaulieu. Nous avons même dû convaincre les gens du stade d’éteindre leur éclairage de fantaisie lors des soirées d’observation. »
À l’inverse, la recherche du point LEED « Lumière naturelle et vues » constituait un défi puisque la vocation du planétarium incite à privilégier l’obscurité. Les architectes ont fait preuve de créativité en faisant entrer la lumière jusqu’au sous-sol avec un mur-rideau au sud tout en préservant la pénombre des espaces en retrait. « Pour atteindre le niveau LEED Platine, il n’y a pas de secret, il faut éplucher la liste des crédits et faire tout ce qui est possible de faire », indique Jean-François Julien.
Il semble toutefois que la Ville de Montréal, qui brigue une certification minimale de LEED Or pour tous ses nouveaux bâtiments, profite déjà d’une évolution dans l’industrie. « Il y a une grande différence avec les premiers projets LEED, affirme France Beaulieu. L’entrepreneur Decarel, par exemple, a déjà œuvré sur des projets visant la certification, alors il sait ce que ça implique. Ça aide beaucoup. »
* L’auteure est chargée de projets à Écobâtiment
- Redynamiser le secteur et créer un nouveau pôle d’attraction dans le Parc olympique en aménageant des espaces résiduels de manière attrayante et conviviale
- Combattre le phénomène d’îlot de chaleur en maximisant les surfaces végétalisées, dont plus de 1 800 mètres carrés de toitures accessibles aux visiteurs, une esplanade de 1 400 mètres carrés sur la dalle du stationnement de la RIO et une cour aménagée à l’étage inférieur
- Maximiser la récupération de chaleur produite par le matériel électronique, l’éclairage et la présence humaine pour répondre à la majorité des besoins de chauffage
- Exploiter des synergies avec les établissements voisins du Parc olympique en profitant du tarif d’électricité préférentiel de la RIO et de la capacité excédentaire de production de chaleur/froid par géothermie du Biodôme
- Favoriser le confort des occupants : vue sur l’extérieur, contact avec la nature, lumière naturelle, contrôle sur son environnement (fenêtres ouvrantes, contrôle du débit d’air et de la température…)
Client : Ville de Montréal
Architecture : Consortium Cardin Ramirez Julien & AEdifica
Aménagements paysagers : Fauteux et associés – Architectes paysagistes
Génie structural et civil : SNC-Lavalin
Génie électromécanique : Dupras Ledoux Ingénieurs
Construction : Decarel
Coordination LEED : exp
Commissioning : exp, en collaboration avec l’équipe technique d’exploitation d’Espace pour la vie Montréal
Intégration technologique et scénographique : Go Multimédia
Équipements spécialisés de planétarium : Sky Skan
- Atteindre la certification LEED Platine en cumulant entre 54 et 57 points dans le système LEED 1.0 pour les nouvelles constructions
- Obtenir un minimum de cinq crédits dans la catégorie Énergie et atmosphère, la modélisation prévoit que le projet consommera 50 % moins d’énergie que le bâtiment de référence du CNMÉB
- Réduire la consommation d’eau potable d’environ 55 % par rapport à celle du bâtiment de référence, ceci grâce à la récupération de l’eau de pluie
- Conserver 75 % des murs, planchers et toits existants (dans ce cas-ci la dalle structurale et l’espace souterrain aménagé)
- Détourner 75 % des débris de construction des sites d’enfouissement
- Utiliser 15 % de contenu recyclé et 20 % de matériaux d’extraction et de fabrication régionales
- Toitures vertes intensives et semi-intensives
- Pompe à chaleur de 120 tonnes branchée sur la géothermie en boucle ouverte du Biodôme
- Récupération de chaleur des équipements multimédias par la boucle d’eau refroidie pour les besoins de chauffage, de réchauffe terminale et pour le Biodôme
- Échangeur d’air à plaques pour la récupération de chaleur ambiante (efficacité de 90 %) pour le préchauffage de l’air neuf (récupération sensible et latente)
- Accessoires de plomberie économes en eau (toilettes : 4,84 l/chasse ; urinoir : 0,5 l/chasse ; lavabos : 3,8 l/min) avec détection de présence
- Collecte des eaux de toiture et des eaux grises pour recyclage dans les installations sanitaires et pour l’irrigation des plantes
- Priorité de stationnement et bornes de recharge pour les véhicules électriques et hybrides
- Espace de rangement des vélos et vestiaires avec douches pour les employés
- Possibilité de ventilation naturelle directe lorsque la température extérieure le permet
- Prises d’air au sous-sol et évents sur les toits destinés à la ventilation naturelle
- Décantation de sédiments et filtration des eaux de ruissellement à l’aide de la technologie Stormsceptor
- Test d’étanchéité par International Leak Detection pour garantir l’intégrité de la membrane de toit une fois installée
- Système de ventilation naturelle avec activateurs mécaniques (en utilisant la forme des cônes comme effet de cheminée)
- Ventilation par plénum (plancher surélevé)
- Présence de lumière naturelle dans plus de 75 % des espaces (autres que ceux dédiés aux théâtres des étoiles et à l’exposition)
- Vue sur l’extérieur pour les usagers (lien avec la nature)
- Contrôle des systèmes par les occupants, dont des fenêtres ouvrantes
- Plan d’entretien écologique du bâtiment
- Programme éducatif pour les visiteurs
Le design du nouveau Planétarium accorde une place de choix à l’aluminium. Non pas parce qu’il s’agissait d’une demande de la Ville, mais bien parce que l’équipe de projet trouvait intéressante l’idée d’utiliser ce matériau pour ses qualités propres et, aussi, pour faire un clin d’œil à Rio Tinto Alcan. C’est ainsi que la portion verticale des murs extérieures sera constituée de plaques d’aluminium peintes, tout comme les débords de toit. Mais là ne s’arrêtera pas l’usage de ce matériau.
« Pour les cônes, indique l’architecte Jean-François Julien, nous recherchions un revêtement qui permettrait une signature. Au terme de nos recherches, nous avons opté pour un revêtement en feuille d’aluminium, un bardage. Le matériau n’est ni anodisé, ni peinturé, c’est un type d’aluminium qui peut rester à l’état naturel. La première année, il sera plus réfléchissant et, ensuite, le vieillissement lui donnera un aspect plus terne. Ce type de fini n’est pas courant. Par contre, le type d’appareillage est utilisé depuis fort longtemps. Le type de pose se prête bien à la forme arrondie des cônes. »
L’architecte montréalais note que des panneaux d’aluminium soufflé ont aussi été retenus pour constituer le revêtement de l’un des murs entourant le boisé au niveau 100 et comme fini dans les ascenseurs.