Vol au-dessus d’un bâtiment durable haute performance : le Centre sur la biodiversité de l’Université de Montréal
Intégration de solutions passives, optimisation des équipements électromécaniques, utilisation de matériaux et systèmes constructifs durables… Bienvenue dans l’univers du Centre sur la biodiversité de l’Université de Montréal, une réalisation complexe s’articulant autour de la complémentarité des stratégies éconergétiques et écologiques imbriquées dans le design de ce bâtiment.
Un bâtiment haute performance, faut-il le dire. De savoir qu’il affiche une réduction de la consommation énergétique de 51,1 %, par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments, suffit vite à en prendre le pouls. Tout comme sa consommation d’eau potable réduite de 63 % au regard d’une construction standard comparable.
Occupé depuis le printemps 2011 par l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV), le Centre sur la biodiversité s’inscrit dans la continuité des serres du Jardin botanique, arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Il abrite des collections de plantes, d’insectes et de champignons, qu’il met en valeur en les exposant au public – tout en les maintenant à des températures et humidité contrôlées –, ainsi que des aires de recherche et d’enseignement.
Autant de fonctions qui exigent des conditions ambiantes totalement distinctes, et dont les particularités ont guidé la conception du projet à partir de la fin 2007. Ceci en phase avec la volonté de l’Université de Montréal de faire du Centre de la biodiversité un bâtiment vert en bonne et due forme. Avec l’obtention de la certification LEED-NC, niveau Or, comme point de mire.
C’est ainsi que l’immeuble de 4 300 mètres carrés se décline aujourd’hui en trois volumes. L’un, dit la vitrine, loge sur un plancher une salle d’exposition et d’éducation ouverte au public. Les deux autres forment un pavillon ou sont répartis sur deux et trois étages, plus un sous-sol, des bureaux et des laboratoires ainsi que des salles de collection, des locaux d’enseignement et un auditorium.
Aligné sur le chemin d’accès principal, l’espace d’exposition – il peut servir également de salle de réception – est relié au pavillon par un corridor vitré. Le positionnement de ce volume, désaxé par rapport à l’ensemble du bâtiment, vient délimiter une cour intérieure s’ouvrant sur un bassin miroir.
« En séparant les fonctions et en créant des volumes pratiquement distincts les uns des autres, nous avons pu fractionner le projet pour le garder à une échelle respectueuse des serres voisines du Jardin botanique », souligne Marie-Claude Lambert, chargée du projet chez Provencher Roy + Associés Architectes (PR+AA).
Cette ségrégation des fonctions a également permis à l’équipe de conception intégrée de répondre aux besoins particuliers de chacune, tel le maintien constant d’une température de 16,7 °C et d’une humidité relative de 40 % dans les espaces de conservation. Sans compter qu’elle a mené à l’application de stratégies qui, adaptées à chacun des secteurs, concourent à optimiser la performance éconergétique du bâtiment.
L’exemple des laboratoires illustre on ne peut mieux les défis à surmonter pour les concepteurs, soit avec une fréquence exigée de 10 et 6 renouvellements d’air à l’heure, selon l’occupation des espaces ou l’absence d’usagers. Pour réduire les volumes d’air à évacuer, et ainsi éviter que ce secteur devienne un véritable monstre énergivore, un plafond y a été mis en place – contrairement au reste du bâtiment où les systèmes mécaniques sont apparents, à la fois pour être accessibles et pour sensibiliser les occupants à la provenance de leur confort en air traité.
En réduisant la hauteur libre de ces espaces, le volume d’air à évacuer s’en trouve diminué du tiers environ, passant ainsi à 10 260 et 6 800 cfm lorsque sont respectivement effectués 10 et 6 renouvellements d’air à l’heure – des sondes de présence permettent d’y moduler le débit d’air. Le plafond, facilement lavable, permet aussi d’éviter l’accumulation de bactéries sur les services.
La chaleur de l’air sorti à l’extérieur est en outre récupérée, par l’entremise de serpentins de type run-around (90 kW), pour chauffer l’air neuf admis dans le bâtiment. « Le taux de récupération de 45 % n’est pas nécessairement élevé, mais c’était la meilleure stratégie à adopter pour éliminer tout risque de contamination entre l’air vicié et l’air extérieur », note Caroline Paquet, chargée de projets – Développement durable chez Bouthillette Parizeau.
Là ne s’arrête pas la récupération d’énergie, car celle des compresseurs du refroidisseur et des salles spécialisées est également captée et réinjectée dans la boucle de chauffage. S’ajoute en outre la chaleur récupérée de l’air stratifié dans la vitrine, où la ventilation est alimentée par l’entremise d’un plancher surélevé.
Caroline Paquet précise : « La vitrine s’élève sur quatre mètres de haut. C’est un beau volume, mais c’est en même temps pénalisant sur le plan de la ventilation. Alors plutôt que de dépenser davantage d’énergie pour traiter tout le volume nous l’alimentons au plancher et traitons le volume utile pour les besoins des occupants.
« Comme c’est un lieu d’exposition et de rassemblement, poursuit l’ingénieure, on peut y stratifier l’air en hauteur sans que les gens soient inconfortables au niveau du plancher. L’air chaud contenu dans l’espace non occupé est récupéré pour répondre à des besoins dans d’autres espaces du bâtiment. »
Stratégies passives
Il faut dire que les concepteurs n’ont rien laissé au hasard pour en arriver à minimiser la consommation énergétique du bâtiment, tout en satisfaisant les exigences techniques du projet. Non seulement en récupérant toute la chaleur disponible, mais aussi en profitant de l’application de stratégies passives sans pour autant compromettre le confort des usagers.
Le design du Centre sur la biodiversité a donc été articulé pour tirer le meilleur des ressources climatiques environnantes. Plus particulièrement en orientant les façades et en positionnant les ouvertures pour optimiser l’apport du solaire passif et de la luminosité naturelle. De même qu’en recourant à un mur thermique novateur pour préchauffer 100 % de l’air extérieur.
Plutôt que de se tourner vers un mur en tôle ondulé d’acier, habituellement peint en noir pour augmenter la capacité d’absorption de la chaleur du soleil, l’équipe de conception a décidé de sortir des sentiers battus. Elle a donc conçu, avec le concours de la firme Enerconcept, un mur solaire composé de panneaux de zinc lisse emboîtés selon un système à cassette, mat et de couleur gris anthracite.
Se déclinant sur deux pans, il est complètement intégré à l’enveloppe du pavillon principal et s’y inscrit en continu du revêtement s’étalant sur les deuxième et troisième étages. « Comme le bâtiment est implanté sur un site visible de tous les côtés, explique Marie-Claude Lambert, nous voulions nous assurer que l’enveloppe maintiendrait son intégrité. C’est pourquoi nous avons voulu que le mur solaire se fonde littéralement avec le parement du bâtiment, sans que l’on puisse y voir de démarcation. »
Après que l’air a été préchauffé et que l’on a réduit la consommation au moyen du solaire passif, le chauffage du bâtiment est complété à 100 % en allant puiser la chaleur dans le sol. Le système géothermique installé, qui comprend 18 puits à 122 mètres de profondeur, ne comble toutefois que 48 % de la charge de climatisation.
« Il n’y a pas de thermopompes, nous avons opté pour des refroidisseurs, note Caroline Paquet. La charge de refroidissement est comblée par un refroidisseur couplé avec la géothermie et l’autre partie de la charge de climatisation est assurée par un refroidisseur avec une tour d’eau conventionnelle. »
Dimensions durables
Si le Centre sur la biodiversité intègre des stratégies qui en font un modèle d’efficacité énergétique, les dimensions écologiques du bâtiment ne sont pas en reste. Loin de là même, quand on sait que toute une batterie de mesures a été appliquée pour en faire un milieu de vie sain et confortable. Et tout aussi hautement performant tant sur le plan environnemental que sur celui de la durabilité.
En témoigne la récupération des eaux de pluie de la toiture aux fins de leur réutilisation pour la chasse des appareils sanitaires, après avoir été filtrées et stockées dans un réservoir, pour réduire au maximum le recours à l’eau potable, de concert avec le recours à des équipements de plomberie à faible débit. Sans oublier que l’eau pluviale récupérée sert aussi à alimenter le bassin miroir à l’extérieur.
Aussi, le bâtiment a été conçu en privilégiant des matériaux et des assemblages durables et démontables. C’est notamment le cas pour le mur solaire, dont les panneaux de zinc peuvent être démontés pour rendre accessible l’intérieur de l’enveloppe et son inspection. Et toutes ses composantes, incluant l’isolant – de l’uréthane giclé de 100 cm d’épaisseur recouvert d’une protection thermique –, sont conçues pour une durée de vie de 60 ans. Tout comme l’ensemble de l’enveloppe d’ailleurs.
« C’est un projet dont la qualité ne repose pas sur des technologies exceptionnelles, mais vraiment sur l’intégration de stratégies durables dans l’ensemble. C’est l’interaction entre toutes les stratégies passives et actives mises en place qui en fait un bâtiment haute performance », observe Céline Mertenat, coordonnatrice en développement durable chez PR+AA.
Et de renchérir Caroline Paquet en concluant : « Le bâtiment du Centre sur la biodiversité, c’est un système très complexe et la clé pour l’équipe de conception, ç’a été de soutirer le maximum d’efficacité de chacune des stratégies préconisées au moment opportun. D’en arriver à l’agencement qui va s’adapter le mieux au profil et au comportement du bâtiment. »
Client Université de Montréal Usager Institut de recherche en biologie végétale Architecture et coordination LEED Provencher Roy + Architectes Associés Génie électromécanique Bouthillette Parizeau Génie structural et civil SDK Architecture du paysage Groupe Séguin Lacasse Mise en service exp Construction Decarel
- 93,8 % Détournement des résidus de chantier de l’enfouissement
- 66,0 % Diminution du rejet des eaux de ruissellement à l’égout
- 63,0 % Abaissement de la consommation d’eau potable par rapport à celle d’un bâtiment standard comparable
- 51,0 % Réduction de la consommation énergétique du bâtiment, par rapport à la référence du CMNÉB – elle s’accompagne du coup d’une diminution d’émissions de CO2 de 262 tonnes/an
- Appareils de plomberie à faible débit [toilettes : 4,8 l/chasse ; urinoirs : 1,9 l/chasse ; robinetterie 1,9 l/min]
- Récupération [160 000 l/an] et stockage de l’eau pluviale dans un réservoir de 1 900 litres pour alimenter la chasse des toilettes et un bassin miroir extérieur l’été
- Toit vert [135 m ca] et membrane de toiture réfléchissante
- Utilisation de bois torréfié FSC
- Matériaux à contenu recyclé [16 %]
- Matériaux de provenance régionale [25 %]
- Vue sur l’extérieur pour les occupants [90 %]
- Aménagement du site avec des plantes indigènes
- Matériaux à faible émissivité de COV
- Contrôle de la pollution lumineuse
- Et autres
- Optimisation de l’apport solaire passif par une gestion des ouvertures selon l’orientation des façades
- Zonage du bâtiment pour optimiser le traitement de l’air selon l’usage de chaque secteur
- Système géothermique comportant 18 puits à 122 mètres de profondeur [capacité de 206 kW en hiver et de 71 tonnes en été] ; il répond à 100 % de la charge de chauffage et à 48 % de celle de climatisation si toutes les mesures de récupération d’énergie sont opérationnelles
- Enveloppe performante [murs, R28 ; toiture : R38 ; vitrage : R2,7 avec un coefficient solaire de 0,31]
- Préchauffage de l’air neuf au moyen d’un mur solaire thermique en zinc microperforé
- Mise en service améliorée
- Réduction de 15 % de la densité lumineuse de l’éclairage artificiel
- Lumière naturelle dans 75 % des espaces occupés [48 % de fenestration]
- Récupération de la chaleur de l’air vicié évacué des laboratoires au moyen de serpentins de type run-around [efficacité de 45 %]
- Récupération de la chaleur produite par les compresseurs du refroidisseur et de celle des salles spécialisées
- Détecteurs de présence, de CO2 et de luminosité
- Deux chaudières d’appoint à condensation [efficacité de 95 %]
- Ventilateurs à débit d’air variable
- Ventilation alimentée au plancher dans la vitrine
- Système de commande sophistiqué du bâtiment (chacune des zones a ses séquences de contrôle distinctes, mais est reliée à un même système centralisé)
- Occultation des gains thermiques au moyen d’un pare-soleil de verre sérigraphié et de stores intégrés
- Introduction d’une quantité accrue d’air extérieur en mi-saison tout en ne sollicitant pas les systèmes de production de chaleur ou de refroidissement
- Utilisation d’inverseurs de fréquences sur les ventilateurs et certaines unités de pompage
- Réduction de la charge de climatisation par une stratification de l’air dans les grands espaces
- Et autres
Complètement intégré à l’enveloppe du bâtiment, sans compromis esthétique, le mur solaire en zinc se décline sur un pan de façade de 82,3 mètres carrés, au sud-est, et un autre de 109,5 mètres carrés, côté sud-ouest. Il préchauffe 100 % de l’air neuf, ce qui se traduit par une économie d’énergie totale de 204 GJ par an.
Le taux moyen d’absorptivité de quelque 65 % est compensé par l’agrandissement du mur solaire et son fonctionnement en continu en période hivernale, ou à une température extérieure inférieure de 16,6 °C. Il peut préchauffer jusqu’à 5 960 l/s d’air dans un gradient de température moyen de 2,6 °C.
Le Centre sur la biodiversité aura valu aux firmes montréalaises Provencher Roy + Associés Architectes et Bouthillette Parizeau d’être honorées lors de la remise des Trophées Innovation et Développement durable Contech, édition 2012, le 11 octobre dernier. Elles ont mérité une mention dans la catégorie Bâtiment – Pratiques innovatrices pour l’intégration architecturale du mur solaire et la gestion passive de ce bâtiment de l’Université de Montréal.
Le projet s’est également classé en première place dans la catégorie Bâtiment public, à la Région II du ASHRAE Technological Award. Il est maintenant en compétition avec les lauréats des autres régions à l’échelle internationale (le résultat sera connu en janvier 2013).