Le Palais des congrès de Montréal a amélioré son efficacité énergétique de 25 % entre 2005 et 2009. Retour sur un investissement rentable.
En 2005, le Palais des congrès de Montréal entreprenait une révision de son exploitation en vue d’améliorer de 25 % son efficacité énergétique sur un horizon de cinq ans. Non seulement cette cible a-t-elle été atteinte, mais aussi l’a-t-elle été un an plus tôt que prévu. Ce résultat est le fruit du travail d’un groupe multidisciplinaire formé à l’interne pour établir les stratégies, décider des priorités d’interventions et suivre l’évolution du projet jusqu’à l’atteinte de l’objectif fixé.
Le plan global d’efficacité énergétique incluait, à différentes étapes, des opérations de rétro-commissioning, de recommissioning et de commissioning en continu sur la mise en service et le suivi d’exploitation des systèmes électromécaniques du bâtiment. L’ensemble du projet d’efficacité énergétique du Palais des congrès s’est également articulé autour de l’implantation du logiciel DABO (Diagnostic Agent for Building Operation), un outil intelligent de détection et de diagnostic de fautes dans l’exploitation de systèmes électromécaniques.
L’aventure a débuté à peine un an après la réalisation du projet ayant porté la superficie du Palais des congrès à 1,3 million de pieds carrés. Comme le rappelle l’un des participants du groupe de travail, l’ingénieur consultant Jean-François Deschamps, de la firme Pageau Morel, il a d’abord fallu effectuer des travaux de rétro-commissioning. « Ça nous a aidés à mieux connaître les processus opérationnels des systèmes, relate-t-il, d’en faire une analyse précise et de développer des stratégies d’efficacité énergétique en conséquence. »
L’implantation de DABO, elle, est apparue assez tôt dans le processus en permettant de bénéficier de ses avantages, notamment de sa capacité à collecter, analyser et mémoriser une quantité incroyable de données très complexes sur tous les systèmes.
Défi technologique et logistique
L’évaluation et l’amélioration de l’efficacité énergétique d’un bâtiment d’une puissance électrique de pointe de 6 MW doté d’une centrale de chauffage de 18 000 kW, d’une centrale de refroidissement de 3 400 tonnes et de 325 unités de ventilation capables d’extraire et de distribuer 200 000 L/s d’air extérieur représentaient tout un défi technologique et logistique. À lui seul, le système centralisé de régulation du Palais des congrès dispose de près de 5 000 points de contrôle pour surveiller le fonctionnement de tous ses systèmes électromécaniques. C’est dire.
Il est facile d’imaginer la somme de travail nécessaire à l’implantation d’un logiciel comme DABO, qui comporte à la base 800 règles d’analyse en continu de toutes les composantes individuelles de chaque système ainsi que 275 indices de performance servant à analyser les systèmes sur différentes échelles de temps. À cela s’ajoutent le paramétrage de la quantité astronomique de données de la base de données du système de contrôle, la configuration des applications de DABO, ainsi que la validation des interfaces avec le système de régulation et les autres outils de bureautique en fonction dans l’organisation.
L’implantation du logiciel aura nécessité trois années de travaux. Deux autres années d’efforts auront été nécessaires pour la peaufiner et exploiter toutes les capacités de DABO. Il aura fallu, entre autres, épurer les alarmes du système de contrôle et effectuer leur mise à jour afin de permettre au logiciel d’émettre des rapports conséquents de détection et de diagnostic de fautes.
Outil intelligent
Très vite, DABO a démontré son utilité à l’équipe de maintenance comme outil intelligent de surveillance des performances des systèmes électromécaniques. À sa première année d’utilisation, en 2008-2009, il a permis de déceler 211 anomalies qui auraient été difficiles à repérer autrement.
À titre d’exemple, le logiciel a détecté qu’une soupape trois-voies était installée à l’envers sur une boucle de récupération de chaleur du système de ventilation, alors que le système de contrôle indiquait que tous les systèmes fonctionnaient bien. Comme l’explique Olivier Allard, responsable d’implantation chez le distributeur IFCS, le disfonctionnement de la soupape ne pouvait être détecté par le système de contrôle ; alors, ce dernier a compensé la perte de puissance résultant de la mauvaise installation de la valve en surconsommant de l’énergie.
L’analyse quotidienne des composantes individuelles a aussi permis de détecter le démarrage inutile de plusieurs systèmes de CVC en période inoccupée, des fuites à certaines soupapes d’eau glacée et de chauffage, des humidificateurs défectueux ou mal dimensionnés, des capteurs mal calibrés et des déclenchements simultanés des systèmes de chauffage et de refroidissement.
« DABO met en évidence des aberrations qu’un opérateur ne peut pas voir, précise Yves Blanc, responsable de la mise en marché et de la diffusion du logiciel pour CanmetÉNERGIE à Varennes. Ce n’est pas une baguette magique, c’est simplement un outil qui permet à des gens compétents d‘exploiter de façon plus efficace des édifices. »
Résultats probants
Aujourd’hui, les résultats de l’expérience au Palais des congrès de Montréal parlent d’eux-mêmes : 500 000 dollars d’économies sur une facture annuelle d’énergie de 2 millions de dollars, rien de moins. C’est sans compter les économies potentielles en frais d’entretien et de réparation résultant de l’anticipation de dysfonctionnements ou de pannes des équipements, une détection précoce qui pourra aussi se traduire à long terme par un accroissement de leur durée de vie utile.
Cela peut sembler trop beau pour être vrai, mais c’est ni plus ni moins la concrétisation du rêve secret de toute équipe de maintenance d’un bâtiment : avoir un système intelligent capable de détecter la moindre anomalie de fonctionnement ou la moindre perte d’efficacité d’un système et, de surcroît, de fournir les mesures correctives appropriées.
Même si le Palais des congrès disposait d’installations nouvellement agrandies, l’application d’un plan d’efficacité énergétique a démontré qu’il en valait largement la peine. « On a tendance à croire que, parce que c’est neuf, tous les systèmes sont optimaux, constate Marc Poirier, directeur de la gestion de l’immeuble. En réalité, les systèmes peuvent bien fonctionner individuellement, mais il peut y avoir aussi des conflits ou des anomalies non décelables lorsqu’ils fonctionnent et interagissent tous ensemble. »
Après coup, il en arrive à la conclusion qu’il est payant de revoir ses stratégies d’efficacité énergétique et de fournir à une équipe de maintenance des outils intelligents qui permettent d’intervenir de façon proactive dans l’exploitation des systèmes.
- Rétro-commissioning sur les séquences de fonctionnement et de contrôle des systèmes électromécaniques et début d’implantation du logiciel DABO
- Investissement de 150 000 dollars en ventilation, notamment dans l’ajout d’une gaine d’alimentation et la réorganisation des conduites de distribution
- Recommissioning des systèmes d’éclairage et investissement de 150 000 dollars, entre autres dans le remplacement de certains fluorescents et témoins lumineux par des LED et des T12-8 pieds par des T8-4 pieds.
- Recommissioning pour optimiser les résultats des systèmes et identification de 20 à 30 mesures d’amélioration des équipements de chauffage et de refroidissement
- Investissement de 650 000 dollars à la centrale de chauffage, entre autres dans l’installation de nouvelles chaudières à condensation et électriques ainsi que de pompes pour la distribution centralisée et décentralisée de la chaleur
- Investissement (en cours) de 1,4 million de dollars à la centrale de refroidissement, notamment dans l’ajout de thermopompes pour arrêter les refroidisseurs en hiver et mieux calibrer la climatisation en été
- Commissioning en continue avec l’outil de diagnostic DABO pour l’optimisation de la régulation des systèmes électromécaniques et la détection de fautes
Aperçu des économies et gains réalisés en efficacité énergétique en 2009-2010 :
- Économie d’énergie de 25,7 % par rapport à l’année de référence 2004/2005
- Économies cumulées de près de 1,75 million de dollars depuis 2005
- Réduction de la consommation d’énergie de 26,1 % en GJ/m ca par rapport à 2004/2005
- Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 1 035 tonnes d’équivalent CO2 par année ou 39 % par rapport à 2004/2005, une amélioration de 10 % sur l’an dernier
- Mario Poirier, directeur, Gestion de l’immeuble, au Palais des congrès de Montréal
- André Chalifour, ingénieur-consultant engagé pour animer le groupe de travail en économie d’énergie lors de l’implantation du système DABO
- Jean-François Deschamps, consultant principal dans ce projet pour la firme d’ingénierie Pageau Morel
- Raymond Guay, chef des services électromécaniques au Palais des congrès de Montréal, et son équipe
- Daniel Choinière, créateur du logiciel DABO, et son équipe de CanmetÉNERGIE
- Logiciel permettant la détection et le diagnostic de fautes dans l’exploitation des systèmes électromécaniques d’un bâtiment, ce produit unique à l’échelle mondiale est développé depuis une dizaine d’années au laboratoire CanmetÉNERGIE de Ressources naturelles Canada, dans la foulée d’une initiative du G8 visant à réduire la dépendance énergétique.
- Décrit comme un puissant outil de commissioning qui analyse et mémorise en continu toutes les données que peut lire le système centralisé de régulation et de contrôle d’un immeuble, il peut détecter et diagnostiquer des anomalies de fonctionnement, en plus d’identifier les causes probables et de suggérer des mesures correctives.
- Commercialisé depuis juillet 2010, il est conçu pour aider une équipe de maintenance à réaliser des économies d’énergie de plus de 15 %, à prévenir les pannes, à améliorer le confort des occupants et à réduire les plaintes et les appels de service.