Un bâtiment haute performance qui fait la part belle à l’utilisation du bois régional : l’édifice Claude-Béchard, à Saint-Pascal-de-Kamouraska.
Il n’est frappé d’aucun sceau environnemental, mais il n’en constitue pas moins un véritable bâtiment durable haute performance. De savoir seulement que sa consommation énergétique est inférieure de 65 % à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments – Canada 1997, une réduction qui pointe même jusqu’à 69 % en tenant compte de l’énergie générée sur place, suffit vite à en prendre la mesure.
Ce bâtiment de 1 976 mètres carrés, étalés sur trois planchers, c’est celui du centre multiservice de la MRC de Kamouraska. Inauguré en septembre 2015 à Saint-Pascal, au terme d’un investissement global de 5,5 millions de dollars, il était appelé dès le premier jour à se poser comme une réalisation hors de l’ordinaire.
C’est qu’au moment d’aller de l’avant avec la construction de cet édifice désigné sous l’appellation Claude-Béchard, en mémoire de celui qui fut ministre responsable du Bas-Saint-Laurent et député de Kamouraska-Témiscouata à l’Assemblée nationale, l’objectif de la MRC est on ne peut plus clair : réaliser un projet immobilier exemplaire, au premier chef sur le plan de l’efficacité énergétique.
Un message qui est bien entendu par les membres de l’équipe réunie autour de sa conception. C’est donc avec la ferme volonté d’optimiser l’intégration de stratégies éconergétiques au design du futur bâtiment que les professionnels de l’architecture et de l’ingénierie s’attèlent à la tâche en décembre 2013. Non sans viser à faire de l’édifice Claude-Béchard un milieu de travail sain et confortable, de même qu’à faire la part belle à l’utilisation de ressources régionales.
Marie-Hélène Nollet, architecte et chargée du projet au sein de la firme rimouskoise Les architectes Goulet & Lebel, relate : « Avant même de commencer à dessiner, nous avons analysé toutes les stratégies possibles. Elles ont été pesées et soupesées non seulement sur la base de leur contribution à la performance du bâtiment, mais aussi sur celle de leurs contraintes techniques et budgétaires.
« Nous avons eu de très bonnes discussions avant de faire consensus sur celles à mettre de l’avant, poursuit-elle. D’autant plus qu’une firme engagée par la MRC, Solutions Novika, était là pour questionner la pertinence de chacune des solutions mises sur la table. Ce fut un exercice vraiment très constructif. »
Au final, certaines stratégies envisagées en cours de route ne passeront pas la rampe, le plus souvent en raison d’un coût s’avérant trop élevé au moment de la construction ou en phase d’exploitation. Comme un rideau d’eau ou un mur végétal, pour humidifier l’air, ou encore la récupération de la chaleur des égouts, pour citer ces exemples.
Solutions synergiques
Pour l’architecte conceptrice du projet, il ne fait aucun doute que ce travail collaboratif aura permis de retenir les meilleures stratégies en termes d’efficacité, de rentabilité et de synergie entre elles. À commencer par l’orientation plein sud du bâtiment qui, jumelée à l’intégration de grandes fenêtres, permet de profiter au maximum de l’apport solaire passif en hiver. Tout comme sa forme qui a été allongée à 36 mètres, et sa profondeur réduite à 17 mètres, en déployant le programme sur trois étages plutôt que sur deux comme il était envisagé initialement.
La frugalité énergétique de l’édifice Claude-Béchard repose également sur une enveloppe thermique très performante, pourvue notamment d’un vitrage triple, autour de laquelle se déploie une batterie de solutions architecturales et électromécaniques. Par exemple, des écrans surplombant les fenêtres sur la façade sud pour occulter les gains solaires en été. Ou l’apport abondant d’éclairage naturel dans les espaces de travail, combiné avec un système d’éclairage artificiel LED contrôlé en fonction de l’ensoleillement.
Le chauffage et la climatisation, eux, sont entièrement assurés par un système géothermique comportant six thermopompes couplées à un réseau de réfrigérant à débit variable. Le recours à cette solution est optimisé grâce au chauffage du glycol de la géothermie au moyen de panneaux solaires, sans compter que la pompe circulant le fluide à l’intérieur de ces derniers est de surcroît alimentée en électricité par deux panneaux photovoltaïques.
Le traitement de l’air frais n’est pas en reste, loin de là même, alors que cet air est préchauffé en hiver au moyen d’un mur solaire thermique Lubi couvrant 72 mètres carrés en façade sud ainsi que d’un tunnel canadien de 525 millimètres de diamètre et de 140 mètres de long. Installé au pourtour des fondations, ce dernier contribue également au prérefroidissement et à la déshumidification de l’air entrant en été.
Et ce n’est pas tout, car l’air neuf est également préchauffé par l’énergie récupérée sur l’air vicié évacué. L’échange de chaleur entre l’air frais et l’évacuation se fait par l’entremise d’une roue thermique affichant une efficacité de 75 %.
Intégration concourante
Si les solutions appliquées par les concepteurs concourent toutes à l’efficacité de l’édifice Claude-Béchard, leur intégration se reflète aussi de façon singulière sur son expression architecturale. « Tout au long de la conception, les ingénieurs précisaient davantage les équipements techniques nécessaires à la performance, raconte Marie-Hélène Nollet, je leur répondais que le design de ce bâtiment devait exprimer ce qu’ils avaient à faire pour qu’il soit efficace.
« Le concept, renchérit-elle, exprime donc les techniques permettant d’atteindre la performance visée, tout cela esthétiquement. Et c’est pourquoi nous n’avons pas cherché à cacher les panneaux solaires, les capteurs photovoltaïques et le mur solaire thermique qui sont demeurés bien visibles à l’avant. »
Il en va de même pour la décision de laisser apparents les éléments en bois lamellé-collé qui, combinés avec d’autres en acier, composent la charpente de l’édifice. Une structure hydride qui s’est imposée, soulignons-le, parce que le bâtiment devait être érigé dans une zone à hauts risques sismiques.
« Au départ, indique Marie-Hélène Nollet, nous voulions intégrer une structure entièrement en bois. Mais comme nous étions dans la zone de 20 kilomètres la plus exigeante au Canada, en termes de résistance sismique, nous avons convenu d’utiliser l’acier pour l’ossature périmétrique et les contreventements intérieurs. »
Steve Desrosiers est bien placé pour en parler : c’est l’entreprise qu’il préside, Art Massif, qui a vu à la fabrication et à la mise en place des éléments en bois. « Il aurait toujours été possible de faire une structure 100 % bois, dit-il, mais les contreventements et les colonnes dans les axes de contreventement auraient été énormes.
« En raison des axes de contreventement qui sont en acier avec la structure hybride, poursuit l’entrepreneur de Saint-Jean-Port-Joli, nous n’avons pas eu à surdimensionner les éléments en bois pour répondre aux exigences imposées par les contraintes sismiques. Parce que la structure de bois reprend seulement les charges gravitaires dans ce bâtiment. »
Steve Desrosiers souligne que dans le cas de la structure hybride de l’édifice Claude-Béchard, le défi résidait plutôt au niveau de la coordination au chantier, où la charpente de bois devait ni plus ni moins être érigée en même temps que celle d’acier. « Comme ce sont deux corps de métiers distincts qui étaient appelés à travailler ensemble sur le terrain, à se partager l’espace et les grues, indique le président d’Art Massif, nous avons collaboré étroitement avec Métal Moro, le fabricant et installeur de l’ossature d’acier, et tout s’est bien déroulé. »
Aux yeux de Marie-Hélène Nollet, cette structure illustre les efforts qui ont été déployés pour intégrer le bois au design du projet, une ressource régionale qui a aussi été mise à contribution pour le platelage, pour 80 % du parement extérieur du bâtiment et en lambris de tremble dans l’escalier principal.
Propriétaire : MRC de Kamouraska
Architecture : Les architectes Goulet & Lebel
Génie électrique, mécanique, structural et civil : Tetra Tech
Construction : Marcel Charest et Fils
Expertise : Solutions Novika
Fabrication et coordination de la structure hybride : Art Massif (bois) et Métal Moro (acier)
- Consommation d’énergie de 5,6 kWh/pi² ou 0,218 GJ/m², une réduction de 65 % par rapport au CMNÉB 1997 (69 % en tenant de l’énergie générée sur place)
- Consommation électrique de 9 kWh/pi² ou 0,35 GJ/m², une réduction de 45 % par rapport au CMNÉB 1997
- Appel de puissance maximal simulé à 50 kW
- Empreinte au sol du bâtiment réduite [programme déployé sur 3 étages pour en optimiser la compacité]
- Finis architecturaux à faible émission de COV
- Luminosité naturelle dans environ 75 % des espaces
- Vue sur l’extérieur pour 100 % des espaces occupés
- Emploi de ressources régionales, plus particulièrement le matériau bois
- Réduction de l’utilisation de matériaux, notamment en laissant la charpente de bois apparente (tout comme les plafonds de bois dans les bureaux et les corridors)
- Appareils de plomberie à faible consommation d’eau potable : lavabos, 3,8 litres/minute ; douches, 4,7 litres/minute ; toilettes, 4,8 litres/chasse
- Aménagement paysager ne nécessitant pas d’arrosage
- Douches pour les cyclistes
- Etc.
- Orientation du bâtiment franc sud
- Enveloppe thermique haute performance [toiture : R41,4 ; murs : R38,3 ; dalle : R10]
- Gestion de l’apport et de la déperdition énergétique par les fenêtres [toiles motorisées avec horaire contrôlant l’abaissement et la hauteur selon le moment de la journée ; écrans au-dessus des fenêtres occultant le rayonnement solaire direct en été]
- Système géothermique [capacité totale de 21,5 tonnes en chauffage et de 16 tonnes en refroidissement] comportant 9 puits d’une profondeur moyenne de 500 pieds et 6 thermopompes couplées à un réseau hydronique à basse température
- Panneaux solaires permettant un apport de chaleur [10 kW dans les meilleures conditions] à la boucle de glycol géothermique lors des journées ensoleillées en hiver
- Capteurs photovoltaïques [2 panneaux de 666 mm sur 537 mm] fournissant l’alimentation électrique de la pompe circulant le glycol dans les panneaux solaires
- Récupération de la chaleur de l’air frais évacué au moyen d’une roue thermique pour préchauffer l’air neuf
- Préchauffage de l’air neuf au moyen d’un mur solaire thermique et d’un tunnel canadien [gain de 7 à 10 °C en fonction de la température extérieure]
- Prérefroidissement et déshumidification, en été, au moyen du tunnel canadien [à une température extérieure de 30 °C, il permet d’abaisser à environ 23 degrés l’air frais]
- Luminaires LED
- Système de gestion de l’éclairage à détecteur de présence et de luminosité dans chaque pièce
- Régulation automatisée et centralisée
228 m³ Volume utilisé pour le platelage
120 m³ Volume utilisé pour la structure
215 mm x 382 mm Dimension des poutres et poteaux
7,5 m Portée des poutres