Un projet qui visait LEED-NC Certifié et qui, au final, récoltera la certification de niveau Or du Conseil du bâtiment durable du Canada.
« Au Québec, moins de 1 % des projets construits obtiennent la certification LEED et parmi eux, le Carrefour de la coopération de la Caisse Desjardins de Granby-Haute-Yamaska », mentionnait un communiqué de presse émis par la Caisse, à la fin de l’été. Cette affirmation suivait l’approbation officielle du Conseil du bâtiment durable du Canada de certifier le bâtiment LEED-NC, niveau Or, alors que l’objectif initial visait simplement l’atteinte du niveau Certifié.
De quelle façon passe-t-on d’un objectif Certifié, à l’obtention d’un sceau de deux grades plus élevés lors d’une démarche de certification LEED ? « Passer d’un niveau à l’autre, c’est relativement fréquent. Mais, gravir deux échelons, je n’ai jamais vu cela », s’exclame Jean-François Lepage, consultant LEED pour la firme Cimaise-FBA.
« Dans le cas du Carrefour de la coopération, explique-t-il, c’est l’engagement du client qui a fait toute la différence. La vision était claire et les décisions prises judicieusement. L’échéancier était serré et les défis techniques abondaient, mais la machine était huilée. »
Dès le début, Michel Duranleau, directeur de la Caisse de Granby-Haute-Yamaska, a formé des comités d’aide à la prise de décisions, composés de gens d’expérience. Ces comités ont notamment contribué à perpétuer la vision du projet au sein de l’équipe de réalisation. À quelques reprises, la direction a choisi d’investir dans la qualité des systèmes dans le but de réduire les frais d’exploitation.
« La plupart des options choisies ont des rendements de l’investissement de 6 ou 7 ans, et cela est appelé à diminuer avec la hausse des coûts énergétiques », confie Michel Duranleau. Pour parfaire le tout, il assistait à toutes les réunions de coordination de chantier, de manière à bien comprendre les tenants et aboutissants de l’évolution du projet.
Au moment de sélectionner les membres de l’équipe de conception, soit vers la fin de 2006, la direction de la Caisse a su stimuler les professionnels disposés à relever un défi de taille. « Nous avons lancé un concours local, puis ensuite provincial », indique Michel Duranleau. C’était un moyen pour la Caisse de récupérer de bonnes idées. La conception s’est échelonnée d’août 2007 à juin 2008, alors qu’on a construit l’ensemble des 15 607 mètres d’octobre 2008 à décembre 2009.
L’édifice, dont la volumétrie a été définie de manière à maximiser l’apport de lumière naturelle, comporte deux pavillons, séparés par un atrium intérieur vitré. Le premier, qui compte trois niveaux hors sol, est surplombé d’une toiture-terrasse végétalisée, adjacente à la cafétéria. Le second, haut de cinq étages, est pourvu d’une toiture blanche, non aménagée, où sont logés plusieurs appareils mécaniques.
Sous le bâtiment, on trouve un stationnement souterrain de 107 cases. « L’ossature de béton a été sélectionnée pour ses qualités acoustiques et sa résistance au feu. De plus, la présence du béton nous a permis de minimiser l’utilisation de panneaux de gypse, indique Denis Favreau, architecte du projet et associé chez Cimaise-FBA. En parement extérieur, le choix s’est arrêté sur des panneaux d’aluminium, fabriqués au Québec ; une option abordable, légère et offrant une grande latitude au niveau des coloris. »
La vision
À la base de cette réalisation, il y a le désir marqué d’innovation et de développement durable de la part du client. « En 2011, si on veut garder son personnel et mettre la table pour un autre 100 ans de succès, il faut procurer un environnement de travail enviable, souligne Michel Duranleau. Les qualités du Carrefour de la coopération permettent d’attirer les talents spécialisés et d’agrémenter l’expérience des clients. » Mieux encore, il peut se vanter d’un maigre ~10,8 $/m2 (~1 $/pi2), attribuable aux frais d’exploitation. Avant l’investissement de 43,4 millions de dollars dans la construction du Carrefour, il en coûtait quatre ou cinq fois plus cher à la Caisse.
L’établissement avait donc tout à gagner. Auparavant, les actifs immobiliers de la Caisse Desjardins Granby-Haute-Yamaska étaient répartis en 11 bâtiments distincts. Ces derniers ont été vendus et les groupes de travail ont été centralisés en un seul lieu.
Fort de l’atteinte de LEED-NC, niveau Or, de la certification, Michel Duranleau envisage maintenant la possibilité de briguer une certification LEED pour les bâtiments existants. Une telle initiative démontrerait le sérieux de l’engagement de la direction pour le développement durable, mais surtout, envers les générations futures. « J’ai des enfants et des petits-enfants, souligne-t-il. À l’aube de transiger des crédits de carbone, nous avons la responsabilité d’agir et non juste de parler du développement durable. »
À la Caisse Desjardins de Granby-Haute-Yamaska, la liste des stratégies durables est longue. Cependant, il suffit de lire les politiques administratives internes pour constater le sérieux de leur approche. Commerce équitable, achats responsables, réduction de la consommation d’essence et transport écologique sont des notions qui font partie du discours. Concrètement, on évite notamment les traiteurs qui utilisent la mousse de polystyrène au profit de ceux qui optent pour des contenants biodégradables ou réutilisables, on sensibilise à l’importance de la survie de la planète par le biais de capsules d’information. Bref, on travaille à inculquer le développement durable au-delà du construit, mais dans les habitudes de vie de ceux qui fréquentent l’entreprise.
Aspects innovants
L’édifice est chauffé grâce à l’apport de 36 puits géothermiques de 165 mètres de profondeur, couplés à quatre thermopompes d’une puissance totale de 568 kW. Le caloporteur du réseau souterrain ne contient pas d’antigel tels le propylène glycol, l’éthylène glycol ou encore le méthanol. « Fait surprenant et rare, indique l’ingénieur Benoît Champoux, chargé de projet pour la firme de génie CIMA+. Il est normalement recommandé de protéger les thermopompes et le réseau contre le gel. Par contre, les circonstances particulières de ce projet nous ont permis d’oser une solution de rechange peu commune. »
La puissance relative du champ géothermique, combinée avec une série d’alarmes redondantes, a permis cette approche hors norme. Le gain : une augmentation de la capacité de transfert de chaleur, donc de l’efficacité du système de chauffage, qui se traduit par une performance accrue de la géothermie. Un autre avantage non négligeable, qui a d’ailleurs lourdement pesé dans la balance aux yeux du client, demeure la menace de contamination de la nappe phréatique. En zone souterraine, le glycol peut devenir un contaminant sournois.
Qu’aurait-on pu améliorer à la conception mécanique du Carrefour de la coopération ? « Avec les nouveaux radiateurs disponibles sur le marché en 2011, nous aurions probablement pu installer un réseau de chauffage périphérique basse température », répond Benoît Champoux. Actuellement, tout le chauffage de l’édifice est effectué à basse température, à l’exception de la zone périphérique.
* Marie-Ève Sirois est directrice d'Écobâtiment
- Performance énergétique de 46,5 % sous le CMNEB, soit une consommation de 6 MJ par an pour un bâtiment de 14 620 m2, soit l’équivalent de 0,41 GJ/m2.
- Économie de 44 % sous le barème établi par les critères LEED.
- Densité de 7,82 W/m2, soit 25 % sous le niveau de référence de 10,42 W/m2.
Client : Caisse Desjardins de Granby-Haute-Yamaska
Architecture : Cimaise-FBA / Birtz Bastien Beaudoin Laforest architectes
Génie électromécanique : CIMA +
Génie structural : Exp
Architecture du paysage : Verduroy
Construction : Construction Idéal / Verreault
- Aménagement et végétalisation extensive de 50 % des surfaces de toitures ; la balance est équipée d’une membrane blanche à albédo élevé
- Enrayement de la pollution lumineuse nocturne, satisfaisant aux exigences de la norme IESNA RP-33 (la Caisse a aussi mis en œuvre les recommandations transmises par l’Observatoire du mont Mégantic)
- Éclairage intérieur efficace, contrôlé selon un horaire d’occupation du bâtiment
- Appareils de plomberie à haute efficacité avec robinets munis de détecteurs infrarouges à minuterie contrôlée (programmation fixée à 8 secondes)
- Aménagement paysager sans irrigation permanente, composé de végétaux indigènes, adaptés aux conditions climatiques locales
- Installation de neuf valves à débit contrôlé pour la gestion des eaux pluviales collectées dans les zones imperméables du site tels les stationnements ; la conception du réseau de captation satisfait aux pointes de pluies diluviennes (24 h/2 ans)
- Système de chauffage utilisant 36 puits géothermiques de 165 m de profondeur, reliés à quatre thermopompes alimentant un réseau de chauffage basse température
- Réutilisation de béton provenant de la démolition de bâtiments désaffectés, situés sur le site à construire (des concasseurs ont broyé les débris pour les transformer en un granulat 0-3/4, ce qui a permis d’économiser plus de 60 000 dollars en frais de transport pour du remblai)
- 95 % des déchets produits pendant la construction ont été détournés du site d’enfouissement
- Mise en place de systèmes de compostage pour la cafétéria et stations de tri pour les matières recyclables usuelles, de même que les ordinateurs et les cartouches d’encre
- Sondes de dioxyde de carbone (CO2) pour contrôler la qualité de l’air ambiant
- Utilisation de la lumière naturelle dans 75 % des espaces et pour 90 % des vues extérieures
- 99 % des produits d’entretien sont écologiques
- Des bornes de rechargement ont été prévues dans les espaces de stationnement pour accommoder les voitures hybrides ou électriques
- Une entente a été conclue avec la Ville de Granby pour assurer une desserte du site de deux autobus par heure
- Couplée à la distribution de tasses et de bouteilles personnalisées, l’installation de filtres et de systèmes de refroidissement d’eau potable ont permis l’élimination complète de l’eau embouteillée dans le bâtiment
- L’utilisation d’une boucle géothermique sans antigel éthylène glycol ; les valeurs de transfert thermique s’en trouvent avantagées, ce qui confère une efficacité supérieure au système
- La formation de comités internes, par le client, pour faciliter la prise de décision
- Le suivi rigoureux de la performance des systèmes, grâce à une firme externe qui travaille à optimiser les coûts d’exploitation
- La combinaison des diverses politiques administratives, ce qui permet de réduire l’impact écologique des utilisateurs du bâtiment