Les Ateliers Cabot

Lancé en 2016 par la mairesse de Paris Anne Hidalgo, Réinventer les villes (Reinventing Cities) est un appel à projets encadré par le C40, un réseau mondial de maires et mairesses unis pour faire face aux changements climatiques. L’objectif est de développer des sites sous-utilisés pour mettre en place des milieux innovants qui génèreront un minimum d’émissions de gaz à effet de serre. Quinze villes se sont lancées dans l’aventure pour l’édition 2020-2021, dont Montréal, qui en était à sa deuxième participation*.

Réinventer un ancien chantier naval

Le site visé pour cette deuxième édition montréalaise était le 4000 Saint-Patrick Ouest, un ancien chantier naval situé dans l’arrondissement du Sud-Ouest. L’appel à projet lancé par la Ville de Montréal consistait à réinventer cet espace de 28 000 m² afin d’y développer un projet à usage industriel et commercial arrimé sur les défis de Réinventer les villes.

Chantal Munger, chargée du projet à la Ville de Montréal le décrit ainsi : « Le 4000 Saint-Patrick est un ancien site industriel dont les défis environnementaux sont prépondérants et qui comprend un bâtiment patrimonial et des vestiges archéologiques à conserver. Dans le cadre de cet appel à projet, la Ville imposait d’inclure une pépinière d’entreprise, des locaux communautaires et d’économie sociale et des ateliers d’artistes. »

La proximité du canal de Lachine et les immenses bâtiments industriels qui occupent le site ont inspiré l’équipe gagnante représentée par Sid Lee Architecture, qui y a vu une occasion de développer un lieu multifonctionnel ancré dans sa communauté, à la fois urbain et connecté sur la nature, où les espaces culturels et commerciaux côtoieront des installations pour la production et la distribution alimentaires.

« Peu de sites offrent ce potentiel de développement intégré, durable, accessible, écoresponsable et viable, explique Manuel R. Cisneros, architecte, chargé de conception du projet chez Sid Lee Architecture. Les critères du projet nous ont demandé une approche innovante non seulement pour le concept, mais également pour son financement, sa gouvernance et ses opérations. »

En effet, non seulement l’équipe est allée à la rencontre d’acteurs des milieux artistique, alimentaire et technologique afin de concevoir un projet adapté à leurs besoins, mais Les Ateliers Cabot seront aussi détenus collectivement et gérés à travers un OBNL regroupant ses fondateurs : Sid Lee, Ateliers Créatifs Montréal, Récolte, La maison du développement durable.

Mettre en valeur pour réduire l’empreinte matérielle

La conception des Ateliers Cabot repose notamment sur une approche d’intervention minimaliste visant à réduire l’empreinte carbone du projet et à célébrer le patrimoine industriel du site. C’est dans cette optique que 72 % des constructions existantes seront réutilisées. En effet, trois imposants bâtiments seront conservés et mis en valeur alors qu’un quatrième sera dépouillé de son enveloppe et exposera sa structure au centre d’une cour évènementielle. Leurs toits plats seront également mis à profit par l’aménagement de toitures vertes et de serres.

De nouvelles structures seront toutefois construites pour loger des bureaux, des résidences pour artistes et un pôle industriel. Ces bâtiments présenteront une volumétrie simple qui servira l’usage tout en facilitant la construction en bois, un impératif étant donné les ambitions durables du projet. Par ailleurs, l’utilisation du béton, grand polluant, sera réduite au minimum puisqu’en l’absence de stationnement sous-terrain aucune nouvelle fondation ne sera coulée. L’ensemble de ces choix durables permettra une réduction de 84 % de CO₂ intrinsèque sur le cycle de vie des bâtiments.

« Chaque geste a une utilité, explique Manuel R. Cisneros. Par exemple, les fenestrations ont été réduites pour maximiser l’efficacité énergétique; les toitures en pente rappellent les bâtiments industriels le long du canal de Lachine, mais elles sont aussi utilisées pour diverger les eaux de pluie vers la végétation. Donc chaque intervention et chaque geste de design ont pour but de mettre en valeur non seulement les bâtiments, mais aussi les espaces publics autour des bâtiments et les espaces naturels. »

Une stratégie énergétique qui joue sur tous les fronts

Si la conservation de bâtiments existants est avantageuse pour limiter le carbone intrinsèque des installations, elle l’est toutefois généralement moins pour favoriser une bonne performance énergétique. Qu’à cela ne tienne, les spécialistes en efficacité énergétique d’Akonovia ont multiplié les initiatives et réussi à réduire de 99,7 % les GES générés par la production énergétique des Ateliers Cabot. La recette? Un judicieux mélange de stratégies passives et d’innovations techniques.

La ventilation naturelle a tout d’abord été privilégiée, que ce soit par l’installation de larges panneaux ouvrant dans le bâtiment central ou encore d’un système d’échangeur d’air. La fenestration, orientée de manière à profiter des gains solaires en période hivernale, a pour sa part été limitée à un ratio stratégique de 40 %. De plus, les quelque 2600 m² de toitures vertes procurent une protection contre un réchauffement excessif des espaces intérieurs.

Des systèmes plus complexes ont également été mis en place. Philippe Hudon, président d’Akonovia, cite quelques exemples : « On a utilisé une stratégie de raccordement des différents bâtiments par une boucle énergétique qui tire sa performance de systèmes de thermopompes à l’air, lesquels permettent de produire de l’énergie de chauffage avec un rendement beaucoup plus élevé que les technologies conventionnelles. Ces systèmes sont couplés à des stratégies de chaudières utilisant du gaz naturel renouvelable de même qu’à des stratégies de panneaux photovoltaïques et de panneaux solaires thermiques qui permettent de venir trouver la bonne source d’énergie au bon moment. »  Les concepteurs prévoient d’ailleurs que 10 % de l’énergie opérationnelle du site sera produite à partir de panneaux solaires et photovoltaïques.

Des défis relevés par une approche intégrée

Les projets sélectionnés pour Réinventer les villes doivent non seulement viser la carboneutralité des bâtiments et de leur exploitation, mais également proposer à toute une communauté un mode de vie plus écologique. Plus précisément, les propositions doivent être guidées par dix défis pour le climat regroupés en trois axes de développement : 1) l’impact carbone 2) la résilience et la durabilité 3) l’architecture et l’impact social.

C’est ainsi qu’aux stratégies de construction durable et d’efficacité énergétique s’ajoutent également des stratégies exemplaires de gestion des ressources, des eaux de pluie et des eaux usées; une mise en valeur de la biodiversité urbaine; la promotion de la mobilité durable; de même qu’un programme d’activités communautaires, artistiques et d’économie sociale alimentaire.

Le travail ne fait que commencer pour l’équipe pluridisciplinaire des Ateliers Cabot qui doit maintenant s’appuyer sur sa solide proposition pour faire naitre le projet. Un projet qui, par son essence même, se développera avec son milieu.

Pour en savoir plus sur l'évolution du projet, consultez le site de Sid Lee Architecture

* L’édition 2018-2019 de Réinventer Montréal visait la cour de voirie de la Commune, située au 987 de la Commune, dans l’arrondissement de Ville-Marie. La proposition Demain Montréal, portée par une équipe réunissant Pomerleau ainsi que les firmes d’architecture ACDF, Gensler et L’ŒUF, a été retenue et est en cours de développement.