Une réalisation en bois dont la performance environnementale n’a d’égale que son intégration harmonieuse dans son milieu naturel : le centre de découverte et de services du parc national des Îles-de-Boucherville.
Dix. C’est le nombre de marques de reconnaissance récoltées par le centre de découverte et de services du parc national des Îles-de-Boucherville depuis 2017. Les plus récentes en lice, pour ne nommer que ces récompenses prestigieuses : le Prix d’excellence en architecture 2019 de l’Ordre des architectes du Québec, dans la catégorie Bâtiments institutionnels publics, et les Prix d’excellence Cecobois 2019, catégories Bâtiment institutionnel de moins de 1 000 m² et Développement durable – ex aequo dans ce cas avec le projet TOD1 de Sotramont, à Montréal.
De là à penser que cette infrastructure de la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) se pose aujourd’hui – elle a été inaugurée en janvier 2018 – comme une réalisation exemplaire, il n’y a évidemment qu’un pas. Et ce n’est pas le fruit du hasard, car la volonté d’optimiser la qualité de sa composition architecturale et sa teneur environnementale aura teinté de bout en bout la conception intégrée du projet à compter de l’automne 2015.
« Avant même d’entreprendre le processus de design comme tel, nous avons pris l’initiative de tenir trois charrettes réunissant à la fois les professionnels appelés à concevoir le projet et différents experts de la Sépaq, signale Daniel Smith, architecte responsable du projet et associé de Smith Vigeant architectes. Ces exercices d’idéation ont notamment permis de jeter les bases des stratégies pouvant être préconisées sur les plans de l’implantation des installations et de l’organisation du site en fonction des circulations. »
Il faut savoir que le projet devait prendre forme sur une île (Sainte-Marguerite) offrant un accès privilégié à des écosystèmes soigneusement préservés et au Saint-Laurent. Le nouveau lieu d’accueil du parc national regroupant cinq petites îles devait plus précisément être implanté à proximité d’un parc de stationnement existant, tout près d’un petit kiosque de location d’équipement empiétant sur la bande riveraine.
Réduire l’empreinte au sol
La nécessité de minimiser l’empreinte du centre de découverte dans cet environnemental naturel s’imposait donc d’emblée. C’est pourquoi l’équipe de conception a choisi de scinder en deux volumes distincts le bâtiment initialement imaginé par le client. Cette solution permettait non seulement de réduire l’impact au sol des nouvelles installations totalisant 510 mètres carrés, mais également de créer un lieu de rassemblement central offrant une percée visuelle vers un chenal, d’un côté, et vers l’aire de stationnement, de l’autre.
Couvrant 360 mètres carrés, le pavillon principal logera un poste d’accueil et d’information, une zone de découverte du parc, une boutique, une aire de restauration et des installations sanitaires. Le bâtiment en annexe, lui, abritera un comptoir de services ainsi qu’une zone réservée à la location et à l’entreposage d’équipement récréatif.
« Comme nous voulions préserver et mettre en valeur la végétation présente sur le site, les deux composantes du centre de découverte ont été délicatement insérées dans des vides entre les arbres, ce qui a évité d’avoir à en couper », indique Daniel Smith, en soulignant que les formes plutôt organiques des saules, féviers, pins et érables rouges environnants avaient en outre inspiré le design ondulé des pavillons.
Prédominance du bois
Un tel environnement appelait tout naturellement des constructions en bois. Un appel bien entendu par les concepteurs qui ont utilisé du bois FSC pour la structure des deux bâtiments, le pavillon d’accueil étant doté d’une structure hybride de poutres et colonnes en lamellé-collé intégrées à des composantes d’ossature légère. Le concept fait aussi la part belle au cèdre de l’Est de provenance locale, qui sert de revêtement tant à l’extérieur qu’à l’intérieur – il y a été traité en blanc dans ce cas pour refléter au maximum la lumière naturelle.
« Le recours au bois, qui permet de séquestrer 175 tonnes de CO2 dans le cas ce bâtiment, était déjà prévu par la Sépaq, souligne Daniel Smith. Mais la prédominance de ce matériau a été renforcée pendant la conception avec l’intégration de porte-à-faux avec des jeux de volumes qui vont jusqu’à huit mètres : l’un à l’entrée du pavillon principal, l’autre du côté sud où il surplombe une terrasse. »
Ces avancées de toit permettent d’occulter les gains solaires en été et d’en profiter en hiver. Tout comme une succession de baguettes de bois superposées en continu au parement extérieur du bâtiment, ceci sur tout son périmètre, permettent d’y filtrer la lumière et d’y éviter la surchauffe.
Approche bioclimatique
Cet apport solaire est loin d’être la seule stratégie passive intégrée au projet, car le design du centre de découverte et de services du parc national des Îles-de-Boucherville s’est dès le départ articulé autour d’une approche bioclimatique permettant de tirer profit des attributs naturels du site. Ainsi, l’étude de l’orientation et le positionnement des ouvertures ont permis d’optimiser l’apport de luminosité et de ventilation naturelles dans le bâtiment.
« Nous avons positionné des fenêtres ouvrantes face aux vents dominants pour profiter de l’entrée d’air frais au bas, ce qui créé et bonifie un effet de cheminée obtenu par l’entremise d’un puits de lumière servant aussi d’exutoire pour la chaleur et l’air vicié », note Daniel Smith, en ajoutant qu’un système mécanique prenait le relais en hiver pour répondre aux besoins en chauffage et apporter de l’air frais dans le pavillon.
L’associé de Smith Vigeant fait valoir que le bâtiment offre non seulement un environnement confortable à ses usagers, mais qu’il fait également belle figure sur le plan de la performance énergétique – les économies sont estimées à 40 % par rapport à un bâtiment standard comparable. « Le recours à la géothermie était exclu d’entrée de jeu pour chauffer et refroidir un bâtiment de la taille du centre de découverte parce que l’équation financière n’aurait pas tenu la route, indique-t-il. Nous avons donc privilégié une isolation accrue et opté pour un grand mur-rideau pourvu d’un verre triple afin d’optimiser la performance de l’enveloppe thermique. »
L’éventail de stratégies éconergétiques et de mesures écologiques enchevêtrées dans le design du projet pourrait se décliner encore d’un côté comme l’autre. Et il contribue aujourd’hui à faire du centre de découverte et de services du parc national des Îles-de-Boucherville une véritable réalisation durable, tant dans son implantation que dans sa composition, bien qu’elle ne soit frappée d’aucun sceau environnemental.
Pour Daniel Smith, il est clair que cette réalisation est le fruit de la mise en commun de toutes les expertises réunies autour de la table. Et ainsi conclut-il : « L’optimisation des solutions préconisées tout au long du processus de conception a bénéficié de la contribution de tous les membres de l’équipe, comme ce devrait toujours être le cas d’ailleurs, et c’est sans contredit ce qui a fait le succès du projet. »
Client : Société des établissements de plein air du Québec
Architecture : Smith Vigeant architectes
Génie électromécanique : Bouthillette Parizeau
Génie structural et civil : WSP
Architecture de paysage : Groupe BC2
Entrepreneur général : Construction R. Bélanger
- Optimisation de la fenestration selon les principes de maison passive
- Enveloppe de bâtiment performante (toiture : R40; murs : R30), incluant un mur-rideau avec verre triple, gaz argon, bris thermique et cadre en aluminium à haute performance thermique
- Chauffage par plancher radiant électrique, en complément de la centrale de ventilation, permettant de maintenir une température ambiante plus basse de quelques degrés
- Système de ventilation avec refroidissement mécanique pourvu d’un contrôle permettant de sélectionner ce mode ou de recourir à la ventilation naturelle
- Lorsque le contrôleur détermine que la température et l’humidité extérieures sont favorables à la ventilation naturelle, un voyant lumineux suggère à l’opérateur de passer à ce mode de refroidissement
- Le système de refroidissement mécanique ne peut se mettre en marche que lorsque toutes les fenêtres sont fermées, de façon à éviter de refroidir l’extérieur
- Récupération de la chaleur sur l’air vicié évacué du bâtiment au moyen d’un échangeur d’air
- Chauffe-eau électriques instantanés sans réservoir installés à proximité des points d’usage
- Éclairage DEL avec contrôle par détecteurs de présence et minuterie astronomique pour l’éclairage extérieur
- Et autres
Source : Bouthillette Parizeau
- Réduction au maximum de la perturbation du milieu naturel
- Apport abondant de luminosité naturelle dans le bâtiment d’accueil
- Larges vues sur l’extérieur
- Ventilation naturelle
- Appareils de plomberie à très faible consommation d’eau
- Récupération de l’eau de pluie sur le site et sur la toiture pour irriguer des espaces de plantation
- Utilisation du bois pour les éléments structuraux ainsi que les revêtements extérieurs et intérieurs (175 mètres cubes au total)
- Matériaux de provenance régionale
- Enduits et finis architecturaux sans COV
- Détournement de 95 % des déchets de chantier de l’enfouissement
- Réduction de la pollution lumineuse
- Et autres
2019 Prix d’excellence en architecture de l’OAQ, catégorie Bâtiments institutionnels publics
2019 Prix d’excellence Cecobois, catégories Bâtiment institutionnel de moins de 1000 m2 et Développement durable
2018 Prix de design intérieur (Or) Asia-Pacific APDC, catégorie Espace public
2018 Canadian Green Building Award, catégorie Institutionnel – Petite taille
2018 Wood Design and Building Award (prix de mérite Amérique du Nord), catégorie Conception et construction en bois
2018 Grand Prix du Design, catégories Développement durable et Valorisation du bois
2017 American architecture Prize, catégories Architecture récréative et Autre architecture