Plongée au cœur du design d’un bâtiment durable dont la transparence n’a d’égale que la haute performance : le nouveau siège social de la Banque Nationale.
Du haut de ses 40 étages, le siège social de la Banque Nationale du Canada (BNC) s’élève aujourd’hui comme une tour de bureaux d’avant-garde au centre-ville de Montréal. Au-delà de son design novateur, un travail hautement collaboratif et une efficacité énergétique à la fine pointe créent un environnement où il fait bon vivre et travailler.
Retour en 2014, coin de la rue De La Gauchetière et de la côte du Beaver Hall. Dans les bureaux de la plus importante banque au Québec, l’heure est à la réflexion. « Nous étions alors en pleine transformation de la culture d’entreprise », relate Donald Simoneau, leader développement immobilier à l’Immobilière Banque Nationale. Avant même que la pandémie frappe et change à tout jamais le monde du travail en ouvrant la porte toute grande au travail hybride, la Banque Nationale cherchait à améliorer ses espaces intérieurs afin d’offrir un aménagement favorisant la collaboration.
Après la réalisation de deux projets pilotes, les résultats furent si probants que l’institution financière souhaitait moderniser tous ses étages corporatifs répartis dans les six immeubles qu’elle occupait au centre-ville de Montréal.
« C’est à ce moment-là que nous nous sommes demandé s’il ne serait pas préférable de profiter de cette occasion pour regrouper toutes les équipes de la Banque dans un seul et même nouveau siège social », indique Donald Simoneau.
« Une fois la décision prise, nous avons aménagé un centre d’immersion afin d’introduire des évolutions au concept initial et être en mesure de permettre aux employés de tester les futurs aménagements, incluant le mobilier, les équipements technologiques et les autres composantes. Plus de 3 000 employés ont ainsi collaboré à la conception des espaces de travail et, grâce à leurs commentaires et suggestions, nous avons été en mesure d’améliorer le tout », ajoute André Longpré, directeur de l’immobilier de l’Immobilière Banque Nationale.
Bâtiment signature
C’est au terme d’un concours réunissant six firmes d’architecture que Menkès Shooner Dagenais LeTourneux (MSDL) Architectes a obtenu le mandat de donner vie à l’ambitieuse vision de la Banque Nationale pour son avenir. L’objectif : offrir un environnement de travail exceptionnel pouvant accueillir de 7 000 à 8 000 personnes. Le design retenu, tout en transparence, se voulait un reflet des valeurs de pérennité, d’agilité et d’accueil de l’entreprise. « La Banque Nationale, c’est la seule banque ayant son centre de décision à Montréal, explique Anik Shooner, architecte associée principale chez MSDL. On voulait créer un legs pour Montréal et rappeler qu’elle fait partie de notre histoire, mais surtout de notre avenir. »
L’emplacement retenu, rue Saint-Jacques, n’est d’ailleurs pas anodin. « C’était historiquement la rue des banques », rappelle l’architecte. Du côté de la Banque Nationale, Donald Simoneau précise que l’emplacement central, près du transport collectif et relié au Montréal souterrain, a également pesé dans la balance.
« Un retour sur la rue Saint-Jacques a par ailleurs une signification particulière, puisque c’est sur cette même rue que la Banque Nationale comptait un siège social il y a plus d’un siècle », mentionne-t-il.
Situé à l’entrée du centre-ville de la métropole, le bâtiment ne manquera certainement pas d’attirer le regard curieux des passants grâce à ses jeux de transparence, mais aussi à ses toits verts et à l’abondance de verdure. Face à la rue Saint-Jacques, le basilaire où se trouvent la succursale et le vaste hall de l’édifice est recouvert d’un toit-terrasse végétalisé, et l’immeuble est chapeauté d’un jardin d’hiver peuplé d’arbres et d’arbustes. Un grand parc ouvert au public est également aménagé à l’est de l’édifice.
Verre haute performance
Ce qui distingue le plus l’architecture du nouveau siège social est certainement son enveloppe de verre, du verre triple haute performance de surcroît. « C’est ce qu’on a proposé dès le concours, tout en intégrant stores électriques et chauffage du plafond, précise l’architecte. La majorité des édifices de bureaux de Montréal sont réalisés en verre double. » Elle ajoute que l’utilisation d’une enveloppe en verre du plancher au plafond est presque un incontournable dans le cas d’un bâtiment de catégorie AAA.
Les murs-rideaux en verre sont d’ailleurs souvent sous-estimés, selon elle. Ceux utilisés dans le cadre du nouveau siège social de la Banque Nationale sont formés de panneaux préfabriqués en usine, ce qui permet de fermer rapidement l’enveloppe en plus d’offrir une meilleure qualité de fabrication. Ils ont d’ailleurs été abondamment testés en usine, en laboratoire et in situ afin d’assurer une performance optimale. « Même s’ils ont l’air tous uniformes, on joue avec plusieurs épaisseurs de verre en fonction des charges de vents, de la structure, etc. », énumère Anik Shooner.
Les architectes ont même utilisé deux types de verre : l’un plus réfléchissant, et l’autre plus transparent, conférant un aspect dynamique à l’enveloppe. Le verre transparent a été privilégié pour le hall d’entrée, qui comprend notamment la succursale de la BNC, visible de l’extérieur, ainsi que pour les espaces conçus spécialement pour favoriser « la communauté verticale », comme la désigne Anik Shooner. Ces espaces consistent entre autres en un immense escalier panoramique reliant les niveaux 7 à 35 ainsi qu’en deux atriums de cinq étages chacun encourageant les échanges entre collègues. De l’extérieur, cette section donne l’impression d’une fourmilière moderne. Des insertions de verre rouge font même un clin d’œil aux couleurs de la Banque.
Bien-être et confort optimisés
Visant la certification WELL Argent, la Banque Nationale n’a épargné aucun effort pour s’assurer d’offrir un environnement exceptionnel pour ses employés. Tout a été réfléchi, testé et mesuré afin d’optimiser le bien-être et le confort des usagers.
En plus d’offrir une multitude d’aménagements des postes de travail pour répondre aux différents besoins des employés, l’immeuble abrite également un CPE, une cafétéria et même un étage complètement destiné à la santé et au bien-être. Situé au 39e étage, celui-ci comprend notamment une salle d’exercice (« On aimait l’idée de courir dans les nuages », confie l’architecte) et proposera différents services comme des cours de yoga ou de nutrition.
Mais la plus grande innovation en matière de confort est celle que l’on ne voit pas. Une attention particulière a été portée à tout ce qui touche les systèmes mécaniques et électriques du bâtiment afin d’offrir la meilleure température, luminosité, humidité et qualité de l’air possible aux usagers, et ce, autant dans les espaces de travail que les salles de bains et les corridors. « Il faut dire qu’on partait déjà avec une excellente enveloppe qui diminue les besoins de chauffage et améliore le confort acoustique et thermique », souligne Claude Décary, directeur de projet chez BPA.
« La simulation de différents modèles énergétiques nous a permis de valider les choix de conception et l’impact des équipements », précise Nathalie Boulet, experte en Développement durable chez BPA. Ainsi, les analyses ont démontré que la géothermie, l’aérothermie et l’ajout de panneaux solaires n’étaient pas les solutions les plus efficaces dans ce cas-ci. À la place, les ingénieurs ont plutôt opté pour de superthermopompes magnétiques plus silencieuses, performantes et durables, car elles nécessitent moins d’entretien que celles à vis normalement utilisées dans ce type de bâtiment. Des transferts d’énergie d’une zone à l’autre contribuent à recycler intelligemment l’énergie générée à même le bâtiment.
Immeuble connecté
Le bâtiment est d’ailleurs hautement intelligent. « C’est un projet qui a grandement demandé la collaboration de notre secteur TI », indique Bernard Poulin, directeur des opérations techniques de la Place Banque Nationale, qui précise aussi que tout l’immeuble a un réseau interne cellulaire et que le Wi-Fi est déployé sur toute la hauteur. Grâce à de multiples capteurs situés au plafond et reliés à des contrôles muraux centralisés, les ingénieurs ont fait en sorte de mesurer en temps réel la température et la luminosité et qu’elles soient automatiquement ajustées tout au long de la journée afin qu’elles demeurent constantes.
« Si jamais la lumière extérieure fluctue, on conserve la même intensité lumineuse dans la zone », explique Charles Bélanger, concepteur Bâtiment intelligent chez Pageau Morel. De la même manière, des stores motorisés se lèvent et s’abaissent en fonction de la luminosité extérieure afin de ne pas éblouir les employés.
Les nombreux capteurs permettent également de mesurer en continu la performance énergétique du bâtiment et de transposer l’information dans un jumeau numérique. De cette façon, les systèmes se mettent à jour automatiquement et s’adaptent aux circonstances changeantes.
Volonté d’innovation
« Ce qui nous a aidés dans ce cas-ci, c’est la grande ouverture et la volonté de la Banque Nationale d’offrir un environnement exceptionnel à ses employés », souligne Charles Côté, concepteur en CVCA chez Pageau Morel. Et comme les ingénieurs faisaient affaire avec une institution financière, ils ont traduit leurs analyses de cycle de vie des équipements en termes de rendement financier et d’investissement durable. « Ça a permis de confirmer les choix de la Banque », précise Jacques de Grace, vice-président à la direction chez Pageau Morel.
Il faut dire qu’en tant que l’un des premiers signataires nord-américains des Principes bancaires responsables de l’ONU, la Banque avait des objectifs élevés en matière de bien-être et de développement durable, visant une certification LEED Or. Il en résulte un bâtiment presque carboneutre qui ne laisse personne indifférent. « On voit la fierté chez les employés quand ils entrent pour la première fois dans l’immeuble », s’enthousiasme Donald Simoneau.
À l’image des valeurs de la Banque Nationale, le succès de ce nouveau siège social innovant est dû à l’étroite collaboration entre ses parties prenantes : le client, les architectes, les ingénieurs, les employés et tous les autres intervenants. « J’aime dire que ce projet est le résultat d’un travail d’intelligence non artificielle », conclut Anik Shooner.
- Client : Immobilière Banque Nationale inc.
- Gestionnaire de projet : Decasult
- Architecture et aménagements intérieurs (espaces collaboratifs et particuliers) : Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes (MSDL)
- Coordination LEED et WELL : MSDL
- Architecture de paysage : CCxA
- Aménagement intérieur (bureaux) : Ædifica
- Génie structural : WSP
- Génie civil : Marchand Houle
- Génie électromécanique : Pageau Morel et BPA (en consortium)
- Gérance de construction : Broccolini
- Sous-gérance de la construction (structure) : Pomerleau
- Mise en service mécanique et électrique : Martin Roy et Associés
- Mise en service de l’enveloppe : UL
- Transport vertical : KJA
- Cuisiniste : Bernard & Associés
- Signalisation : Arium Design
- Réduction de 31 % de la consommation énergétique par rapport à la référence de l’ASHRAE 90.1
- Réduction de 96 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à la référence de LEED
- Réduction d’environ 34 % de la consommation d’eau potable par rapport à un bâtiment standard comparable
- Accélérer la construction
- Tester les aménagements
- Intégration du Smart Building Managing System (SBMS)
- Mise à jour des systèmes
- Connaître les points d’intérêt de l’immeuble
- Confort optimal dans les espaces
- Voir et réserver les salles disponibles
- Identifier les points d’intérêt de l’immeuble
- Connaître l’emplacement des conduits
- Et autres
- Conversion d’un ancien stationnement
- Enveloppe en verre triple avec enduit à basse émissivité (Low E) sur deux faces
- Stores motorisés minimisant la surchauffe
- Vues sur l’extérieur
- Luminosité naturelle abondante
- Éclairage à DEL contrôlé selon l’occupation et le niveau d’éclairage naturel
- Superthermopompes magnétiques
- Récupérateurs de chaleur haute efficacité à cassettes
- Appareils de plomberie à faible débit
- Chauffage électrique hors pointe
- Produits et matériaux à faible émissivité de COV
- Toit-terrasse végétalisé
- Espaces verts (biophilie)
- Aménagements flexibles
- Design actif
- Stationnement pour véhicules électriques
- Proximité des transports collectifs
- Stationnement intérieur pour vélos
La réalisation de la nouvelle tour de la Banque Nationale, au centre-ville de Montréal, se sera évidemment accompagnée d’un lot de défis à relever, d’autant plus dans le contexte où la bonne marche du chantier aura été perturbée par l’éclatement de la crise de la COVID-19 à l’hiver 2020.
« Les contrecoups de la pandémie nous ont occasionné des retards sur l’échéancier que nous avons notamment été en mesure de rattraper avec du temps supplémentaire autorisé par la Banque Nationale, mais aussi en livrant le projet en phases plutôt que d’un seul bloc comme il était initialement prévu », indique Mike Lisi, vice-président Construction chez Broccolini, en soulignant que la cadence a nécessité une planification complémentaire de livraison du projet en raison des difficultés liées à la main-d’œuvre et à la chaîne d’approvisionnement.
Entre autres défis, il note ceux que posait plus particulièrement le volet structural, surtout sur le plan du coffrage. « Nous avions des colonnes, des poutres et des dalles conçues pour supporter les fortes charges de vent, la conception des planchers ouverts pour les aires de bureaux et les murs-rideaux à vitrage triple, ce qui rend la structure non conventionnelle par rapport aux structures résidentielles en béton », explique en substance Mike Lisi, tout en indiquant qu’il fallait également composer avec l’inclinaison de la façade nord.
Le projet du nouveau siège social de la Banque Nationale, soulignons-le, a d’ailleurs récemment remporté la mention IAAQ lors du gala des Prix d’excellence de la construction en béton de l’American Concrete Institute (ACI) – Section du Québec et de l’Est de l’Ontario.
Le vice-président Construction de Broccolini fait par ailleurs remarquer que le BIM a été mis pleinement à profit dans le cadre du projet, ce qui a permis d’optimiser la coordination au chantier et de réaliser des gains sur le plan de l’exécution des travaux. « Le client a utilisé la maquette au maximum, observe Mike Lisi, et il va en outre exploiter le bâtiment avec le jumeau numérique. »