L’édifice Normand-Maurice, dans le sud-ouest de Montréal, fait figure de proue en matière de design durable.
Atrium ventilé, toit vert, réserve thermique… la liste des composantes écologiques et éco-énergétiques qu’intègre l’édifice Normand-Maurice pourrait continuer de s’allonger tant la conception et l’édification de ce bâtiment ont été alignées sur les principes du développement durable. Comme en témoigne la certification LEED-NC, niveau Or, qui lui a été délivrée par le Conseil du bâtiment durable du Canada en juillet 2009.
Situé au 740, rue Bel-Air, l’édifice a pris forme à l’emplacement d’une ancienne fonderie du
quartier Saint-Henri, à l’intérieur de l’îlot que bordent aussi les rues Saint-Jacques, Saint-Antoine et Rose-de-Lima. Constitué d’aires de bureaux et d’entreposage, il loge aujourd’hui la Gendarmerie royale du Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, Ressources humaines et Développement social Canada, ainsi que la Réserve navale du ministère de la Défense nationale.
Pilotée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), la réalisation de ce projet aura requis un investissement global de 46 millions de dollars, dont une tranche de près de 2 millions aura été consacrée aux seules composantes de développement durable. Et elle aura été l’occasion d’adopter plusieurs technologies et concepts avant-gardistes à cet égard.
Claude Bourbeau est bien placé pour en parler. Membre du consortium d’architectes ABCP, Beauchamp Bourbeau, Busby Perkins + Will, il a été appelé à travailler à la conception de l’édifice à partir de 2002 : « L’objectif de TPGSC était de faire du 740 Bel-Air un bâtiment vert prototype, relate-t-il. Cela a amené l’équipe de conception à explorer à peu près toutes les avenues connues convergeant vers le développement durable.
« Comme beaucoup d’aspects de la construction écologique ont été expérimentés, poursuit celui dont la firme a depuis fusionné avec Provencher Roy Associés Architectes, cette installation est appelée à faire école ».
Par exemple, ce sont des dalles radiantes qui véhiculent principalement le chauffage et la climatisation dans l’édifice, à partir de l’énergie puisée ou rejetée à la terre par un système géothermique – les 65 puits ont été forés à la verticale à 150 mètres de profondeur sous le bâtiment. La géothermie répond à peu de chose près à 60 % des besoins, le reste étant comblé par un système conventionnel au gaz naturel.
L’édifice Normand-Maurice profite aussi de l’énergie solaire passive au moyen d’un atrium ventilé pourvu d’un grand mur-rideau orienté sud-ouest. Ainsi lorsque le soleil pénètre, il donne sur un mur composé de trois rangées de briques séparant les aires de bureaux et l’atrium. En hiver, il réchauffe cette masse thermique, de laquelle la chaleur est diffusée par radiation.
Quand il y a une élévation de température trop importante, la dalle radiante du couloir de l’atrium extrait la chaleur excédentaire et la dirige vers une réserve thermique. Située sous la dalle d’une partie de l’aire d’entreposage, cette dernière est constituée de couches successives de conduits et de sables enrobées d’isolant sur toutes leurs faces.
« Quand on n’a pas besoin de cette énergie, note Claude Bourbeau, on l’achemine vers la réserve thermique ; quand un apport additionnel de chaleur s’impose, on va l’y extraire. Cette énergie ne coûte vraiment pas cher, parce que l’on a seulement à faire circuler un fluide caloporteur dans les conduits pour la puiser ».
Comme si ce n’était pas assez, un pare-soleil, sans nul autre pareil au Québec, permet de tirer profit du solaire passif sans avoir à composer avec un surcroît de chaleur durant l’été. Installé devant le mur-rideau, il est constitué de lamelles qui, faisant chacune quelque 450 millimètres de large, sont inclinées de manière à procurer 90 % du coefficient d’ombrage requis dans les périodes d’ensoleillement critiques l’été. En hiver, cependant, leur inclinaison permet aux rayons du soleil de réchauffer l’aire des bureaux.
Comme ces lamelles sont faites d’aluminium anodisé, elles permettent en même temps d’obtenir le maximum d’éclairage naturel à l’intérieur du bâtiment. Car, même lorsque le rayonnement direct du soleil dévie sur elles, le spectre lumineux passe tout de même en grande partie.
En ce qui concerne la ventilation de l’atrium, Claude Bourbeau souligne qu’elle se fait naturellement. Un puits de lumière sert à l’évacuation de l’air chaud, tout comme des fenêtres motorisées. « Une petite station météo a été aménagée sur le toit et en fonction des paramètres qu’elle enregistre, explique l’architecte, elle actionnera ou non les ouvertures pour la ventilation naturelle ».
Autre particularité de l’édifice Normand-Maurice : il est doté d’un toit végétal sur quelque 40 % de sa surface. Aménagé au-dessus de la zone d’entreposage, il enraye le phénomène d’îlot de chaleur, en plus d’offrir une vue sur un coin de verdure – une denrée rare dans le secteur – à partir des bureaux qui le surplombent. Le reste de l’édifice est coiffé d’une membrane blanche en PVC, qui empêche aussi la toiture d’absorber la chaleur du soleil le jour pour ensuite éviter de l’irradier la nuit.
La toiture verte loge en outre un marais filtrant vers lequel sont dirigées les eaux grises en provenance des lavabos. Une fois traitées, elles sont acheminées dans une citerne souterraine où est également récupérée l’eau de pluie. Ces eaux sont ensuite utilisées pour activer les toilettes.
Toujours au chapitre de la gestion efficace de l’eau, soulignons enfin que l’édifice dispose d’appareils sanitaires à faible débit et que la robinetterie est actionnée par des détecteurs infrarouges.
La nomenclature des caractéristiques qui font de l’édifice Normand-Maurice un bâtiment vert « foncé » ne s’arrête pas seulement aux systèmes mécaniques. Les concepteurs et entrepreneurs associés au projet ont vu tout au long du processus à transposer les visées écologiques de TPSGC. À commencer par la décontamination du site et la déconstruction de l’ancienne fonderie. De cet édifice datant de la seconde moitié des années 1800, 100 % des matériaux en acier, 82 % du bois et 92 % de la brique ont été récupérés et réintroduits dans la nouvelle construction.
« Les trois quarts des matériaux que comportait ce bâtiment ont été détournés de l’enfouissement, précise Claude Bourbeau. Au fur et à mesure que la déconstruction avançait, on inspectait les matériaux et on identifiait les éléments qui pouvaient être réutilisés. De façon générale, plus de 80 % des matières résiduelles générées lors de la réalisation du projet ont pu être recyclées, réutilisées ou valorisées. C’est l’entrepreneur général Decarel qui a vu à la gestion. »
Pour l’approvisionnement en matériaux neufs, les concepteurs ont privilégié, dans la mesure du possible, des produits exempts de composés organiques volatils ou de formaldéhyde. Ils ont aussi opté pour un béton dont le ciment contenait 27 % de cendres volantes. Sans compter qu’ils ont beaucoup insisté sur le contenu recyclé de chacun des matériaux.
Propriétaire Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada
Gestion du projet Decarel inc.
Architecture Phase 1 AEdifica – Décontamination et déconstruction
Architecture Phase 2 ABCP, Beauchamp Bourbeau, et Busby Perkins + Will
Architecture du paysage Rousseau Lefebvre et Espace Drar
Génie électromécanique Pageau Morel et Associés et Keen Engineering
Génie de structure et civil Saïa Deslauriers Kadanoff Leconte Brisebois Blais
Conception du mur-rideau Fast Epp
Consultation LEED Lyse M. Tremblay Architecte
Construction Decarel inc.
- 78 % des débris détournés de l’enfouissement
- 28 000 tonnes métriques de matériaux contaminés (métaux, HP et HAP) évacués
- Pas de CFC ni de HCFC
- Réduction annuelle de 800 tonnes de CO2
- Réduction de plus de 30 % de la consommation de l’eau potable
- Réduction de 55 % de la consommation énergétique par rapport au Code
Source : PRAA
Critères d’évaluation | Points |
Aménagement écologique des sites | 09 |
Gestion efficace de l’eau | 05 |
Énergie et atmosphère | 08 |
Matériaux et ressources | 06 |
Qualité des environnements intérieurs | 09 |
Innovation et processus de design | 05 |
Total | 42 |
- Prix ASHRAE – Amérique du Nord, 2009
- Prix ENERGIA – AQME, 2007
- Prix d’excellence de l’acier de l’ICCA – Catégorie bâtiments verts, 2005
- Trophée CONTECH - Développement durable, 2003