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Investir dans la récupération de chaleur

13 octobre 2021
par Jean Garon

La récupération de chaleur, tant sur l’air évacué que sur le refroidissement, s’impose plus que jamais pour réduire la consommation énergétique des bâtiments commerciaux et institutionnels.

Qui dit récupération de chaleur, dit économie d’énergie et amélioration de l’efficacité énergétique. Pour tout dire, cette réalité se fonde sur un axiome qui met en évidence le fait que plus on augmente la récupération d’énergie en production de chaleur et de froid, moins on consomme d’énergie externe au bâtiment.

Dans les bâtiments neufs et existants, il ne semble plus faire de doute que la récupération de chaleur gagnerait à être davantage exploitée sous toutes ses formes. L’ingénieur Nicolas Lemire estime « qu’elle représente la meilleure option pour consommer moins d’énergie en absolu ». Le président de la firme Pageau Morel croit même que les bâtiments existants offrent une pépinière de possibilités de récupération, et ce, tant dans les bâtiments commerciaux qu’institutionnels.

Malgré les nombreuses démonstrations faites à ce jour pour prouver la pertinence d’investir dans la récupération de chaleur comme moyen pour réduire la consommation d’énergie, il reste encore beaucoup à faire pour motiver les propriétaires à aller de l’avant. « Pas tant les propriétaires et gestionnaires de bâtiments institutionnels, précise Nicolas Lemire, que ceux du domaine privé commercial pour qui le coût de construction prime sur l’efficacité énergétique et les économies d’énergie réalisables à plus ou moins long terme. » Néanmoins, il est d’avis qu’il faudra étendre cette pratique à tous les types de bâtiments en faisant appel, au besoin, à des contraintes législatives.

Nicolas Lemire, Philippe Hudon et Stéphan Gagnon

Un pas a déjà été franchi en ce sens avec la nouvelle réglementation sur l’efficacité énergétique adoptée au Québec l’an dernier, rappelle-t-il, laquelle s’appliquera obligatoirement aux bâtiments neufs à la fin de la présente année. Il faudra en venir là pour les bâtiments existants, nonobstant les coûts relativement peu élevés de l’électricité et du gaz naturel ici, au Québec, et les ratios coût/bénéfice.

« En étant plus restrictif afin de réduire la consommation d’énergie, juge-t-il, on améliorera la qualité des bâtiments. Les bâtiments existants ne peuvent plus être mis à niveau en remplaçant les équipements périmés un pour un. Honnêtement, ce serait une bonne chance manquée d’amélioration de leur qualité et leurs performances dans une perspective durable. »

Selon lui, l’enjeu n’est pas tant de diminuer la facture énergétique que de réduire la consommation d’électricité et de gaz naturel. « En fait, le bâtiment consomme la même énergie. La différence, c’est de pouvoir en récupérer à l’interne pour en consommer moins à l’externe. La facture s’en trouve du même coup réduite, avec moins d’impacts sur l’environnement et la planète. Et tout ça, au lieu d’évacuer la chaleur à l’extérieur en pure perte, sans même toucher à l’enveloppe du bâtiment.

Des surcoûts payants

En récupération de chaleur, où il y a de nombreux  équipements en jeu, ça dépend beaucoup de la vocation et de la typologie du bâtiment. « Quand on fait cet exercice avec des clients institutionnels ou privés, explique Philippe Hudon, président de la firme Akonovia, on regarde toujours la période de retour sur l’investissement. C’est souvent l’élément qui va dicter si la mesure est pertinente ou pas. C’est le surcoût que l’on est prêt à payer pour obtenir en retour des économies à l’usage. »

Généralement, les entreprises privées acceptent une période de rendement de l’investissement allant autour de cinq ans, soit un taux de rendement de 20 % par année. Mais certains types de commerces, comme les restaurants, ne peuvent se permettre plus de trois à six mois. Dans l’institutionnel, fait-il valoir, les propriétaires et gestionnaires d’immeubles peuvent supporter une période de rendement de l’investissement allant jusqu’à 15 ans en raison de la durée de vie utile du bâtiment, qui peut s’étendre sur plus de 50 ans. Une école, par exemple, peut s’accommoder d’une période plus longue en investissant en géothermie.

« Avec la modélisation énergétique, dit-il, nous sommes en mesure d’avoir toutes les données pour réguler les systèmes en fonction des besoins en air frais, des capacités en chauffage et climatisation et des possibilités de récupération du bâtiment. Ça peut ainsi se traduire par une réduction de la taille de la chaufferie, des installations géothermiques et de l’entrée électrique. »

Pour lui, la récupération de chaleur est devenue une mesure incontournable en efficacité énergétique. C’est même la première mesure qui entre en considération dans la conception des bâtiments neufs avec les nouvelles exigences de la réglementation.

Des incitatifs financiers appréciables

« Dans les bâtiments neufs, la récupération de chaleur est incontournable comme investissement en raison des économies d’énergie importantes réalisables, confirme Stéphan Gagnon, spécialiste en grands bâtiments et valorisation de rejets thermiques au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN).

« Il y a aussi un bon potentiel à exploiter dans les bâtiments existants, tient-il à préciser. » D’autant plus que les propriétaires peuvent bénéficier d’aides financières généreuses qui couvrent les travaux de construction et la conception des plans et devis. Les subventions du programme ÉcoPerformance, par exemple, peuvent couvrir jusqu’à 75 % des dépenses admissibles. C’est sans compter les nombreux bénéfices à en tirer et les possibilités de réduction de gaz à effet de serre (GES).

« C’est cependant plus facile à réaliser dans les bâtiments dotés d’équipements CVAC centralisés, avec des boucles d’eau de refroidissement et de chauffage. On peut y installer un refroidisseur capable de rejeter la chaleur extraite de la boucle d’eau de refroidissement à des températures assez élevées pour être transférée dans la boucle d’eau de chauffage. »

Établi depuis plusieurs années, le programme ÉcoPerformance est très populaire auprès des propriétaires et des professionnels impliqués dans la conception de bâtiment. Tout comme les aides financières d’Hydro-Québec et d’Énergir. Même si les conditions d’admissibilité sont appelées à changer avec l’évolution de la réglementation, ÉcoPerformance demeure un incitatif très en demande, en raison des bas coûts de l’énergie au Québec et de la valeur encore peu élevée des crédits carbone sur le marché.

Une approche de conception stratégique

« Pour nous, chez Pageau Moreau, notre approche en récupération de chaleur est clairement fondée sur le bilan énergétique opérationnel. » Ce n’est donc pas basé seulement sur la performance à un moment donné. Par exemple, en hiver, il peut y avoir des zones d’un bâtiment qui ont un énorme besoin de chauffage et à l’inverse, un énorme besoin de climatisation en été.

« Quand on a les deux situations en même temps dans des zones différentes d’un bâtiment, explique l’ingénieur, soit en exothermique et en endothermique, la clé, c’est d’être capable de transférer cette énergie-là. Sinon, on paye en double notre consommation d’énergie quand on évacue de la chaleur avec une tour de refroidissement et que l’on brûle du gaz naturel pour chauffer ce même bâtiment. »

La pertinence d'investir dans la récupération de chaleur

Entre ces deux extrêmes, il existe toutes sortes de situations. Aucun bâtiment n’est pareil, aux yeux du spécialiste. C’est ce qui explique, selon lui, pourquoi il n’y a pas de recette toute faite applicable en bâtiment, même pour une série de bâtiments.

Les choix d’équipements et des sources d’énergie en font varier énormément les contrôles et les performances en électromécanique. Il en va de même en matière de récupération de chaleur. Non seulement il n’est pas possible d’en récupérer la totalité, mais d’autres facteurs peuvent aussi entrer en ligne de compte, comme la température extérieure sur une base annuelle, l’occupation du bâtiment, la nature et la durée quotidienne des activités et sur une base opérationnelle annuelle.

À cela, il faut ajouter certaines particularités architecturales liées à l’implantation du bâtiment, son orientation et son environnement, son exposition au soleil et aux éléments, la qualité de l’enveloppe et de son isolation, la protection des ouvertures (portes et fenêtres), etc. Autant d’éléments passifs qui peuvent aussi influer sur les paramètres de conception en récupération de chaleur.

Cela dit, ça démontre l’importance de la synergie à développer entre les professionnels de l’architecture et de l’ingénierie. Nicolas Lemire estime que le dialogue qui s’est installé entre les architectes et les ingénieurs a été bénéfique pour faire de beaux bâtiments et des environnements confortables qui sont à la fois durables et performants sur le plan énergétique.

Le contexte d’aujourd’hui est vraiment favorable avec des technologies éprouvées, des professionnels consultants aguerris et une réglementation mieux adaptée à la réalité. « Je remarque une très belle évolution des choses dans le domaine depuis les 20 dernières années, conclut l’ingénieur, j’espère seulement que ça va continuer dans le même sens. »

Bénéfices de la récupération de chaleur
  • Réduction de la consommation d’énergie en lien avec la réduction des besoins de chauffage en hiver et de climatisation en été.
  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre en lien avec la réduction d’utilisation énergies fossiles.
  • Réduction de la consommation d’eau de refroidissement en période de chauffage.
  • Réduction de l’usure prématurée des équipements tout en améliorant leur performance.
  • Amélioration du confort des occupants par un meilleur contrôle des besoins de chauffage et de climatisation dans différentes zones du bâtiment.
  • Amélioration de la valeur locative ou de vente du bâtiment tout en offrant un rapide rendement de l’investissement en économies d’énergie.
Tout chaud tout froid à valoriser

Le principe de la récupération de chaleur appliqué dans les bâtiments ne date pas d’hier. Selon les spécialistes consultés, la tendance semble de plus en plus porter sur la récupération de tout chaud tout froid de nos jours.

Que ce soit à l’aide de thermopompes à eau ou à débit de réfrigérant variable ou VRF (Variable Refrigerant Flow). Le traitement de l’air intègre aussi diverses technologies de récupération de chaleur et d’humidité, comme les serpentins, les thermopompes à air, les échangeurs de chaleur à plaques ou à cassettes métalliques et les roues thermiques.