Quelles images conjurent l'expression parc industriel ? Des édifices de faible hauteur noyés dans une mer d'asphalte et bâtis avec la seule rentabilité en tête, des matériaux peu esthétiques et peu de fenestration. Pas un terrain fertile pour un architecte. Pourtant, NEUF architect(e)s (auparavant DCYSA) a investi ce créneau avec beaucoup de succès et y a marqué, avec son client Groupe Montoni, des avancées durables.
Il en est résulté le Centre corporatif Saint-Laurent, à Montréal, le premier parc industriel composé de bâtiments LEED au Canada. S’élevant sur la rue Kieran, l’ensemble compte sept bâtiments, dont six certifiés LEED Argent. Adossé au parc-nature du Bois-de-Liesse, le site fait 1,65 million de pieds carrés et accueille actuellement 14 entreprises.
« Il n'y avait au début qu'un seul édifice, explique l’architecte Anh LeQuang. Les premières esquisses prévoyaient des bâtiments multilocataires, mais nous nous sommes adaptés à la demande et avons plutôt réalisé une mixité de bâtiments comportant un seul locataire, deux locataires et des locataires multiples. »
Dans la conception des bâtiments, l'architecte a tout d'abord tenu compte des travailleurs. Il explique : « La fenestration est abondante afin de faire pénétrer la lumière naturelle même dans les entrepôts.
Les salles communes, la salle à manger notamment, sont situées à l'avant de l'édifice et donnent sur la rue. Il y a moins de bureaux fermés et plus d'aires ouvertes pour les bureaux afin de susciter une plus grande communication.
« Ici aussi la fenestration abondante crée des environnements de travail beaucoup plus agréables. De plus, on peut loger plus d'employés dans ces espaces », ajoute-t-il en soulignant que la santé des occupants a mené au choix de matériaux à faible émissivité : revêtements de sol, mobilier, peinture.
Même souci à l'extérieur des bâtiments : « Nous voulions des rues animées, avec des trottoirs et de véritables façades dont les entreprises pouvaient être fières, reprend sa collègue Josée Boutin. Là où l'arrondissement de Ville Saint-Laurent exige 15 % d'espace vert, nous avons atteint 25 %. Grâce à une dérogation au zonage, nous avons aussi réduit le nombre de cases de stationnement. Nous avons sélectionné des couvre-sol, des arbustes et des arbres indigènes qui ne requièrent pas d'arrosage. À maturité, les arbres créeront de l'ombre sur les surfaces asphaltées et réduiront d'autant l'effet d'îlot de chaleur. » Aucun besoin de pesticide non plus, dans ce lieu sensible.
Le Centre corporatif Saint-Laurent encourage d'ailleurs l'adoption de bonnes habitudes de la part de ses locataires. Chaque édifice offre un programme de covoiturage avec cases de stationnement réservées. Le réseau de pistes cyclables passe à proximité : des douches permettent aux employés de se rafraichir avant de commencer le travail. Il y a même des bornes de recharge pour les voitures électriques !
Des avantages indéniables
On pourrait croire qu'il n'est pas facile de convaincre des entreprises à payer plus cher pour leurs installations parce qu'elles sont certifiées LEED. Anh LeQuang a contrecarré leurs arguments en rencontrant les clients potentiels et en visitant leurs anciennes installations. « Dans chaque cas, nous avons pu faire la démonstration que les économies d'eau et d'énergie, de même qu'une utilisation plus judicieuse des espaces, conféraient des avantages considérables. Il en coute 4 à 5 dollars de plus du pied carré, mais les frais d'exploitation sont moindres avec des économies d'énergie de l'ordre de 30 % et des économies d'eau de 40 %. »
L'aménagement intérieur a été fait sur mesure pour chacun des locataires. « Chaque bâtiment a sa signature en façade », signale l'architecte. Dans le cas du fabricant textile Billabong, l'entreprise a réduit la superficie occupée de 90 000 à 63 000 pieds carrés et y a gagné une salle d'exposition qui fait sa fierté.
« Là où les bâtiments industriels font généralement de 22 à 23 pieds de hauteur pour l'entreposage, indique Anh LeQuang, les édifices du parc font entre 28 et 32 pieds de hauteur, ce qui réduit leur empreinte au sol. »
La Ville de Montréal et la Société de transport de Montréal ont aussi fait leur bout de chemin en ajoutant la ligne de bus 220 qui rallie la station de métro Du Collège. Les entreprises qui s'établissent au Centre corporatif Saint-Laurent sont admissibles au programme PR@M-Industrie qui accorde normalement des crédits d'impôt pour les trois premières années, mais en ajoute dans le cas de bâtiments LEED (deux années additionnelles).
Cet article a été rédigé par Louise Legault, dans la foulée d’une présentation effectuée par l’architecte Anh LeQuang, le 19 février dernier, à l’occasion d’un Mardi vert de l’Ordre des architectes du Québec.
Consulter notre étude de cas sur le Centre corporatif Saint-Laurent.