Toiture en bois massif, espaces intérieurs lumineux, performance énergétique exemplaire… Bienvenue dans l’univers durable du Stade de soccer de Montréal.
Arrondissement de Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension. En bordure du secteur nord-ouest de l’ancienne carrière Miron, le long de l’avenue Papineau, se profile désormais un bâtiment hors du commun, c’est le moins que l’on puisse dire. Ce volume de 12 600 mètres carrés, étalés en partie sur deux étages, c’est celui qui loge le Stade de soccer de Montréal depuis le printemps 2015.
Le nouvel équipement sportif municipal comprend un grand terrain intérieur – divisible soit en deux ou trois plus petites surfaces de jeu, des gradins pouvant accueillir 750 spectateurs, une salle événementielle, des locaux administratifs et des aires de services. L’ensemble est complété à l’extérieur par un terrain pourvu d’un revêtement synthétique et des gradins pouvant accueillir 650 personnes.
Jouxtant le parc du Complexe environnemental Saint-Michel qui prendra forme au cours des années dans l’ancienne carrière transformée en dépotoir, cette réalisation porte l’empreinte de Saucier + Perrotte Architectes / HCMA, consortium dont le concept fut retenu au terme d’un concours d’architecture à la fin de 2011. Un concept audacieux ayant pour fil conducteur le tissage d’un lien entre le mont Royal, en référence à la fondation de Montréal, et l’ancienne carrière, là où a été puisée la pierre servant à construire la ville.
« L’idée était de faire de ce bâtiment un trait d’union entre [ces] deux entités symboliques, explique l’architecte Gilles Saucier. C’est pourquoi il épouse la forme d’une strate géologique, d’un objet gris en zinc [le revêtement métallique extérieur du bâtiment], qui décolle du sol pour venir tracer ce trait.
« Cette strate, poursuit-il, est évoquée par un toit en bois déposé sur une enveloppe de verre. Comme le programme indiquait qu’il fallait que ce soit autant un pavillon dans un parc qu’un lieu de soccer, cela nous a amenés à concevoir un bâtiment qui communique avec son environnement. »
Le concept élaboré par Saucier + Perrotte / HCMA avait ceci de particulier qu’il prévoyait dès le départ l’intégration de la phase 2, soit le terrain de soccer extérieur. « Ainsi, explique Gilles Saucier, on arrivait à tout faire d’un seul geste sans que des composantes aient à être ajoutées plus tard. C’est comme si la strate, ce toit, pouvait tout d’un coup se séparer en deux grands bras qui viennent s’asseoir au sol pour créer deux portes : l’une donnant sur la ville, l’autre sur le parc en embrassant le terrain de soccer. »
Soulignons que la section du bâtiment logeant les espaces publics et les aires de services est intégrée dans un talus boisé du côté de l’avenue Papineau. Bénéficiant d’une fenestration généreuse, elle y émerge des arbres comme une série de cristaux lumineux.
Complexité inédite
Le toit plat en bois massif qui surmonte aujourd’hui le stade de soccer s’articule autour de 13 poutres maîtresses d’une portée libre de 68 mètres et hautes de 4 mètres, rien de moins, qui reposent sur des poteaux tubulaires en acier de 15 mètres de haut au périmètre. Décalées de huit mètres les unes des autres, chacune étant disposée en diagonale par rapport aux axes principaux du bâtiment, elles sont complétées par 250 poutres secondaires.
Les poutres principales sont de type caisson, soulignons-le, et non pleines. Les parties supérieure et inférieure sont ainsi formées de lamellé-collé, tandis que leurs parois sont faites de lamellé-croisé, aussi connu sous l’acronyme CLT (Cross-Laminated Timber). Le recours à des panneaux de CLT pour la partie centrale permettait d’éviter le fluage puisque les pièces de bois d’épinette noire jointées et collées qui les composent ne sont pas disposées dans le même axe, mais plutôt croisées pour leur conférer une solidité et une stabilité supérieures.
La conception et la mise en place d’une telle toiture inédite relevaient alors ni plus ni moins de la haute voltige, comme bien des dimensions du projet d’ailleurs. David Croteau est bien placé pour en témoigner, lui qui est vice-président Ingénierie et opérations chez Nordic Structures, entreprise qui a vu à l’ingénierie de cette toiture sur la base d’un contrat clés en main incluant également la fabrication et l’exécution au chantier.
« Il fallait transposer l’idée en une structure de toit qui se tienne et cohérente dans son ensemble, indique-t-il, d’autant plus que le geste architectural voulait qu’elle soit aléatoire. Les premières esquisses, c’étaient des lignes qui partaient dans tous les sens. Et la complexité n’en était que plus relevée par la très grande portée libre et il y avait de grandes charges à supporter.
Il note qu’il été possible de rejoindre le concept initial de l’architecte avec les poutres secondaires. « Comme les grandes poutres étaient décalées, cette inclinaison permettait déjà en partant d’avoir un effet non orthogonal dans la toiture, explique-t-il. Puis nous avons joué avec les poutres secondaires dans des directions plus aléatoires. »
Ces poutres secondaires forment deux réseaux : celles servant à contreventer le bas des poutres, et qui sont installées seront des angles différents ; celles servant à soutenir le platelage en lamellé-croisé.
La fabrication des poutres maîtresses n’était pas sans s’accompagner d’un coefficient de difficulté très élevé, elle aussi. Même qu’il a fallu produire chacune des poutres en trois sections à l’usine de Chantiers Chibougamau, puis les assembler une fois rendues au chantier. Pour ce faire, Nordic a eu recours à des joints de transport avec des plaques métalliques qui ont dû être fixées en diagonale dans le bas des poutres, selon un angle très précis, avec de longues vis spécialement conçues pour cet usage par un fournisseur allemand.
Le développement de ces joints de transport était loin d’être une mince tâche. « Les grandes poutres, qui pèsent 100 tonnes chacune, font 4 mètres de profondeur et 500 millimètres de largeur. Et ce n’était vraiment pas évident de développer les assemblages requis, précise David Croteau, parce qu’on parlait d’efforts en tension de l’ordre de 10 000 kilonewtons. En plus, il n’y avait aucune presse qui avait la capacité de les tester en Amérique du Nord, ce qui fait que nous avons dû nous tourner vers l’Allemagne pour effectuer les essais. »
L’installation des poutres ne fut pas non plus une sinécure, tant l’opération était délicate. Car non seulement s’agissait-il de lever des poutres monumentales à l’aide de grues en vue de les déposer sur les poteaux, mais aussi le levage ne pouvait-il s’effectuer que si la vélocité du vent n’excédait pas 20 kilomètres/heure. C’est dire.
Des défis en série
Là ne s’arrêtait toutefois pas la série de défis que posait le projet, à commencer par ceux liés au site d’implantation. « Il a fallu décontaminer les sols et il y a même des pneus qui en ont été ressortis, illustre Trevor Davies, chargé de projet pour Saucier + Perrotte / HCMA. Il y a aussi un système de captation des biogaz qui a dû être installé sous le bâtiment, en plus de la mise en place d’une infrastructure pour gérer le grand volume d’eaux de ruissellement du site et en provenance de la toiture. »
Des stratégies bien particulières auront aussi dû être intégrées au design pour en arriver à faire du nouvel équipement sportif montréalais un bâtiment éconergétique, comme en témoigne sa consommation d’énergie réduite de 54 % par rapport à la référence de la norme ASHRAE 90.1 – 2007.
Le chauffage de la grande aire de jeu, haute de 15 mètres, posait plus particulièrement un enjeu important. C’est ainsi que l’on a développé une solution s’appuyant sur le recours à des chaudières au gaz naturel à haute efficacité et à la récupération d’énergie. Et que l’on a opté pour chauffer cet espace en deux sections, soit au moyen de conduits d’air mis en place sous la dalle et d’un système de propulsion d’air par induction au plafond, histoire d’uniformiser la distribution de la chaleur.
Plutôt que de climatiser l’air de cette grande enceinte, on a choisi d’y maintenir le confort au moyen de trois systèmes de déshumidification dotés chacun d’un récupérateur de chaleur. Lorsque le grand terrain est subdivisé en trois espaces de jeu plus petits, chacun dispose d’un système qui lui est dédié.
Pour le reste du bâtiment, on fait appel à un système géothermique comportant 10 puits forés à une profondeur de 500 pieds, couplé à une thermopompe servant à la climatisation (35 tonnes) et une autre au chauffage. « Nous avons mis le nombre de puits pour prendre une charge de climatisation de 35 tonnes. Si nous avions pris toute la charge du bâtiment en chauffage, il aurait fallu installer une centaine de puits, une équation qui ne tenait pas la route », indique Daniel Marchand, chargé du projet chez Bouthillette Parizeau.
Une attention toute particulière a aussi été portée à l’éclairage, différentes solutions étant préconisées pour en minimiser la consommation énergétique, de même que pour contrôler efficacement l’intensité de l’éclairage artificiel en fonction de l’apport de luminosité naturelle.
Des stratégies ont également été intégrées pour contrôler l’éblouissement dans la grande aire de jeu entourée de trois murs vitrés. « Il y a beaucoup de travail qui a été fait de ce côté. Il y a les porte-à-faux qui contribuent à contrer l’éblouissement, tout comme beaucoup d’efforts du côté du choix du vitrage », souligne Emmanuel Merlière, chargé de projet chez Synairgis, firme qui a vu à la consultation LEED – le projet brigue une certification de niveau Or – et qui a été chargée de la mise en service avancée.
Client : Ville de Montréal
Architecture : Saucier + Perrotte Architectes / HCMA
Génie électromécanique : Bouthillette Parizeau
Génie structural et civil : NCK
Architecture de paysage : WAA
Construction : Groupe TEQ
Consultation LEED et mise en service avancée : Synairgis
Ingénierie de la toiture et fourniture du bois massif : Nordic Structures
Montage de la toiture en bois : Les Constructions FGP
- Conception et construction d’un toit plat en bois massif [superficie de 9 000 m²] unique au monde
- Réduction de la consommation d’énergie de 54 % par rapport à la référence de la norme ASHRAE 90.1 – 2007 [coûts énergétiques réduits de 46,1 %]
- Réduction de la consommation en eau potable de plus de 33 % par rapport à la référence du système LEED-NC 2009
- Décontamination du site
- Captation et évacuation des biogaz sous le bâtiment pour assurer la qualité de l’air intérieur
- Luminosité naturelle et vue sur l’extérieur dans la totalité des espaces occupés
- Utilisation de matériaux à contenu recyclé [7 %]
- Recours à des matériaux de provenance régionale [60 %]
- Réduction de l’utilisation de finis architecturaux
- Matériaux à faible émission de COV
- Récupération de la majeure partie des déchets de chantier [82 %]
- Membrane de toiture blanche
- Emploi de bois massif certifié FSC
- Appareils de plomberie à faible débit : lavabos, 2 litres/minute ; douches [20], 5,7 litres/minute ; toilettes, 4,8 litres/chasse ; urinoirs, 0,5 litre/chasse
- Préservation des arbres matures du côté de l’avenue Papineau
- Mise en place de bassins de rétention pour gérer efficacement les eaux de ruissellement
- Stationnements pour vélos
- Et autres
- 3 Nombre de sections comportant chaque poutre maîtresse assemblée au chantier
- 13 Nombre de poutres maîtresses [profondeur : 4 m ; largeur : 500 mm ; portée libre : 68 m]
- 100 Nombre de tonnes que pèse chacune des poutres maîtresses
- 250 Nombre d’éléments composant les deux réseaux de poutres secondaires [poutres aléatoires dans le bas des poutres principales : 1 200 mm de profondeur ; poutres soutenant le platelage du toit : 641 mm de profondeur]
- 910 Mètres cubes de bois lamellé-croisé du platelage
- 1 100 Mètres cubes de bois lamellé-collé des poutres secondaires
- 2 000 Mètres cubes de bois lamellé-collé et lamellé-croisé des poutres maîtresses
- Apport abondant de luminosité naturelle
- Détecteurs de lumière naturelle dans l’enceinte principale permettant d’ajuster l’intensité d’un système d’éclairage artificiel pourvu de lampes fluorescentes
- Chauffage de l’aire de jeu principale en deux sections : un système de conduits d’air sous la dalle, jumelé à un système de propulsion d’air par induction au plafond pour uniformiser la distribution de la chaleur
- Système de ventilation [1] d’environ 25 000 PCM dédié à chacun des trois petits terrains pouvant être aménagés en subdivisant la grande aire de jeu [3 systèmes, donc, pour le grand terrain]
- Système géothermique [10 puits d’une profondeur de 500 pieds] équilibrant les échanges chaud-froid entre les saisons
- Thermopompe servant au refroidissement [35 tonnes]
- Thermopompe servant au chauffage [24 kW] et à la récupération de chaleur
- Chaudières [2] à haute efficacité au gaz naturel [capacité de 3 millions de Btu/h chacune]
- Systèmes de déshumidification [3] pourvus chacun d’un récupérateur de chaleur [roue enthalpique dessicante] et permettant d’assurer le confort dans le grand volume sans avoir à climatiser [chaque mini-terrain a son propre système de déshumidification]
- Récupération de la chaleur sur l’air vicié évacué des autres secteurs du bâtiment au moyen d’un système à cassettes [capacité de 7 000 PCM]
- Récupération de la chaleur des eaux de drainage des douches pour préchauffer l’eau chaude domestique
- Et autres