Pour gérer de façon optimale les eaux de ruissellement, le jardin pluvial est la solution tout indiquée. L’exemple du Mountain Equipment Coop.
Le côté écolo de Mountain Equipment Coop (MEC) ne date pas d’hier. Comme le signale d’entrée de jeu son site internet, le respect de l’environnement constitue l’une des valeurs cardinales de l’entreprise vancouvéroise. Rien de bien étonnant de la part d’un détaillant d’équipements et de vêtements de plein air. Sauf que MEC a décidé de pousser la logique jusqu’au bout en incluant un programme d’écoconstruction à sa politique de développement durable.
C’est d’ailleurs en vertu de ce programme que le MEC de Longueuil, le troisième magasin de la coopérative au Québec, a été conçu et construit. Inauguré à l’automne 2009, le bâtiment de 18 500 pieds carrés est notamment doté d’un toit vitré en dents de scie qui réfléchit la lumière naturelle à l’intérieur du bâtiment. Cette conception répond à la quasi-totalité des besoins en éclairage tout en optimisant les gains de chaleur. À cela s’ajoutent huit puits géothermiques pour satisfaire aux besoins de chauffage et de climatisation du bâtiment. Ces mesures contribuent à en réduire d’environ 65 % la consommation d’énergie par rapport à un bâtiment standard.
Gestion optimale
Mais les caractéristiques durables du MEC Longueuil ne se limitent pas à une performance énergétique exceptionnelle. Elles comprennent également des pratiques de gestion optimale (PGO) des eaux de pluie. « Les eaux de ruissellement drainent des substances nocives, comme des sels de déglaçage, des métaux lourds et des hydrocarbures, observe Mario R. Gendron, président de Vinci Consultants, une firme spécialisée en génie civil et développement durable. Ces eaux s’écoulent habituellement dans le réseau municipal d’égouts pluviaux, pour être ensuite déversées dans les cours d’eau, où elles peuvent avoir une incidence néfaste sur la qualité de l’eau et l’habitat aquatique. »
Chargée de projet dans ce dossier, sa collègue et associée Marie Dugué a donc conçu un ouvrage de biorétention pour réduire les débits de pointe par évaporation et percolation et traiter les polluants par phytotechnologie. Également appelé jardin de pluie, un système de biorétention est un aménagement paysager installé en contrebas de la zone à drainer qui reçoit, par écoulement en surface, les eaux de ruissellement et les traite par filtration verticale.
Le jardin de pluie imaginé par Marie Dugué est constitué d’un îlot central de 150 mètres carrés aménagé au centre du stationnement de 70 places. Percé d’entrées charretières, il se compose de plantes variées et d’un substrat d’ingénierie. Lorsque le sol atteint la saturation, l’eau s’accumule en surface. Quant aux polluants, ils sont éliminés par absorption, filtration, volatilisation et décomposition. Par la suite, l’eau filtrée est en partie acheminée vers une citerne, pour les besoins en eau non potable du bâtiment, et vers le réseau municipal.
Sans les ouvrages habituels de génie civil – puisard, conduite, regard –, le drainage et le traitement des eaux pluviales s’avèrent toutefois très complexes. L’aménagement devait notamment respecter la réglementation municipale en matière d’équipements de rétention des eaux de surface pour réguler le débit des rejets retournés au réseau et, ainsi, éviter les surcharges. Il devait en outre permettre la percolation, même par temps froid.
Beau temps, mauvais temps
« Le jardin de pluie doit pouvoir fonctionner tout au long de l’année. Il faut aussi éviter que le sol ne se colmate, sinon le drainage ne sera plus efficace, signale Mario R. Gendron. Pour y arriver, il a fallu mettre au point un sol d’ingénierie contenant suffisamment de minéraux et de matière organique pour assurer la survie des plantes. Quant aux végétaux, ils ont été sélectionnés en fonction de leur tolérance aux variations d’humidité et aux contaminants, comme les sels de déglaçage. »
Il précise que le jardin de pluie du MEC Longueuil a été conçu pour retenir une pluie d’une fréquence de 50 ans : il permet d’accumuler jusqu’à 600 millimètres d’eau, dont 200 sur l’asphalte à sa périphérie. Toutefois, l’équipement de biorétention ne retourne pas les eaux de ruissellement à la nappe phréatique. Le sol est en effet trop argileux pour en permettre la percolation jusqu’à la nappe souterraine.
Les ingénieurs de Vinci Consultants l’ont donc raccordé à l’égout municipal, en prenant soin d’incliner la conduite perforée de manière à ce que l’eau collectée ne soit pas totalement évacuée à l’exutoire. L’eau résiduelle s’égoutte ainsi lentement, prévenant le tassement de l’argile et, du coup, l’affaissement du sol. Une partie de l’eau filtrée est également acheminée à une citerne pour les besoins en eau non potable de l’édifice.
« Il faut être prudent, car il y a des risques associés à la qualité de l’eau traitée, prévient le président de Vinci Consultants. Par exemple, si l’eau contient trop de sels, elle peut corroder la plomberie. Il y a aussi un risque de contaminer les usagers. Les concepteurs doivent d’abord évaluer la qualité de l’eau traitée en fonction de l’utilisation et s’assurer de la performance de l’ouvrage. Pour cela, il faut un monitorage des performances, avant et après traitement. »
Il ajoute que des équipements d’échantillonnage de la qualité de l’eau ont été inclus au projet. Un piézomètre a notamment été installé afin de mesurer le taux d’enlèvement des métaux lourds, des hydrocarbures et du phosphore. Faute de budget, un seul suivi a été fait à ce jour. C’était en mars 2010. Des pourparlers sont toutefois en cours avec l’Université de Montréal pour que l’échantillonnage et les analyses soient confiés à un doctorant.
Une technologie rentable
Cette lacune n’a pas empêché les concepteurs de dégager des éléments de comparaison entre le drainage conventionnel et la biorétention, du moins en ce qui concerne les coûts d’investissement et d’entretien de l’ouvrage. Selon les analyses économiques effectuées par Vinci Consultants, le jardin de pluie du MEC Longueuil aurait coûté 2,5 fois moins cher qu’un ouvrage conventionnel, en plus de satisfaire aux exigences de la municipalité en matière de végétalisation des stationnements.
Par contre, les coûts d’entretien seraient plus élevés. Il faut en effet retourner régulièrement le paillis, remplacer certaines plantes, retirer les débris et inspecter le fonctionnement du système deux fois l’an. Mais comme les travaux sont concentrés dans l’îlot de rétention et de drainage, donc hors chaussée, ils ont un impact économique moindre sur le stationnement lui-même. Il reste qu’en termes d’immobilisations, cette pratique équivaut à un ouvrage traditionnel après 15 ans d’exploitation.
- Dimensions : 3 m sur 50 m
- Récurrence de pluie : 50 ans
- Rétention totale : 600 mm
- Investissement : 24 400 $ (comparativement à 29 950 $ pour un ouvrage conventionnel)
- Absorption des gaz à effet de serre (puits de carbone)
- Traitement des charges polluantes : jusqu’à 80 % des matières en suspension et jusqu’à 40 % des nutriments organiques (azote et phosphore)
- Réduction des rejets d’eaux usées à l’exutoire du site
- Diminution de la pression sur les ressources (béton, CPV et PEHD) et des déchets en fin de vie utile
- Réduction du phénomène d’îlot de chaleur urbain
- Augmentation de la biodiversité en milieu urbain
- Alimentation du bâtiment en eau non potable