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Laiterie Charlevoix : allier Eco-Machine et biométhanisation

16 septembre 2014
Par Marie-Ève Sirois

LaiterieCharlevoix a fait figure de proue en 2006 lorsqu’elle a décidé de traiter seseaux de procédés au moyen d’une usine de biométhanisation et d’un système depurification des eaux de type Eco-Machine

En 2006, l’entreprise familiale fondée en 1948 se trouvait à la croisée de chemins. Deux problématiques commandaient des investissements importants. D’abord, le système d’épuration des eaux de procédés était désuet. D’autre part, la disposition du lactosérum, un résidu organique découlant de la fabrication du fromage, nécessitait un changement de cap. 

Bruno Labbé, ingénieur et directeur de projet pour la laiterie explique : « Le lactosérum, communément appelé le petit-lait, était traditionnellement acheminé dans les porcheries. Or, il nous était de plus en plus difficile d’écouler les stocks vers les fermes porcines. L’une des options envisagées consistait à transporter ce dernier à l’extérieur de la région, ce qui représentait des frais importants et une source de pollution additionnelle. Nous avons donc cherché d’autres avenues. » 

Une des solutions possibles consistait à traiter in situ les eaux de procédés et le lactosérum. À cet effet, il fallait voir à l’installation d’une usine de biométhanisation, la transformation des équipements mécaniques de la laiterie et la mise en place de bassins d’épuration. Le projet se chiffrait à 2,5 millions de dollars. 

« À ce moment, relate l’ingénieur, il n’y avait aucune installation du genre pour les fromageries du Québec. Nous sommes donc allés en France pour visiter des fromageries équipées de systèmes de biométhanisation. » 

Peu de temps après, le coup d’envoi était donné. Et il fallait une bonne dose de détermination, car toutes les phases d’études, de demandes d’autorisation, de financement et de conception ont nécessité plus de quatre années de travail. Or, l’idée était certes attrayante pour plusieurs fromageries québécoises puisque certaines d’entre elles ont entrepris des démarches similaires peu après. « À ce jour, ajoute-t-il, je connais au moins sept ou huit usines qui ont implanté des procédés de biométhanisation. » 

Chemin faisant, les autorisations ont été obtenues et les travaux de construction pour la transformation des équipements existants et l’édification de l’usine ont débuté en mai 2010. La démarche a culminé en janvier 2011, au moment où l’usine est entrée en activité. « Les trois premières années d’exploitation ont nécessité beaucoup d’ajustements, et il reste toujours des améliorations potentielles, indique Bruno Labbé. Mais à ce stade-ci, les opérations sont stables et bien contrôlées. » 

Traitement secondaire

Une des particularités de ce projet est que les eaux usées sont rejetées dans la rivière des Mares, ce qui requiert un niveau de purification accru. Pour ce faire, une première phase de traitement est effectuée via la méthanisation, où 90 % de la charge organique est retirée de l’eau.

Par la suite, un traitement secondaire prend le relais grâce à des bassins de boues aérobiques activées, basé sur l’activité microbienne. « C’est ce qu’on appelle l’Eco-Machine et bien que le système pourrait fonctionner sans les plantes, ces dernières nous aident à augmenter l’efficacité du traitement et la qualité des rejets », note Bruno Labbé. 

L’implantation d’une Eco-Machine constitue une première au Québec. Cependant, le couplage de la biométhanisation à ce type de filière est tout aussi rare et innovateur. Mieux encore, grâce à cette manœuvre ingénieuse, Laiterie Charlevoix a retranché de sa consommation énergétique 65 000 litres de mazout par années, ce qui lui confère un bilan de gaz à effet de serre généré par ses activités de production quasi nul. 

En fin de processus, les eaux traitées peuvent être directement rejetées dans la rivière et ainsi contribuer à la recharge de la nappe phréatique. Les boues de phosphore résiduelles peuvent quant à elles servir à l’épandage dans les champs. 

Bruno Labbé amène toutefois une nuance appréciable : « Si nous avions eu un réseau de gaz naturel à proximité, les économies d’énergie auraient été moindres. Cela dit, en ce qui nous concerne, le projet n’a pas été réalisé à de simples fins économiques. Il nous a permis de régler certaines problématiques et nous en avons profité pour développer un volet éducatif pour les visiteurs de la fromagerie. »

Équipe du projet
  • Client et gestionnaire de projet : Laiterie Charlevoix
  • Ingénierie et fourniture des équipements de méthanisation et de traitement des eaux usées : Valbio Canada
  • Génie électromécanique : Atis Technologies
  • Génie structural : SNC-Lavalin
  • Architecture : Lafond Côté Architectes
  • Construction : Entreprises Paradis Tremblay

 

En chiffres
  • Volume quotidien de liquide traité : 24 000 à 25 000 L/j ; ce volume est composé de 15 000 à 16 000 L d’eaux de procédés et de 8 000 L de lactosérum
  • Deux cuves d’une capacité de 50 000 L servent de réservoir thermique pour l’eau de chauffage
  • Les deux cuves sont maintenues à une température de 85 °C
  • 100 % du biogaz produit sur place est brûlé pour maintenir la température de la réserve thermique, destinée aux procédés et au chauffage
  • La balance des besoins de chauffage est assurée par une chaudière au propane
  • En été, le biogaz pourvoit 90 % des besoins de chauffage alors qu’en hiver, cette proportion descend à 50 % compte tenu des charges supplémentaires de chauffage des espaces
  • Le méthaniseur est d’une capacité de 70 000 L. Le temps de séjour dans ce dernier est d’environ 3 jours
  • 115 000 m3 de biogaz sont produits chaque année, ce qui équivaut à 700 000 kWh, ou encore 65 000 L de mazout
  • 90 % de la matière organique des liquides de procédés sont décomposés par l’action de bactéries anaérobies dans le méthaniseur. La balance du traitement des eaux se fait par le biais de bactéries aérobiques, de filtres et de réservoirs anoxie

 

Distinction

En 2012, Laiterie Charlevoix a remporté le Mercure PME dans la catégorie Développement durable de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).