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15 mars 2010
Par Marie Gagnon

La réalisation du projet Cuvillier, à Montréal, démontre que la rénovation résidentielle écologique en milieu urbain a de l’avenir. Particulièrement sur le plan du réemploi de produits et matériaux.

En janvier 2005, Anne-Marie McSween et Dominique Leroux entreprenaient la transformation et la rénovation de leur immeuble, situé rue Cuvillier dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Leur but : faire de leur maison un exemple de rénovation durable. Un pari réussi puisque 12 mois plus tard, leur triplex devenu duplex – les 2e et 3e étages ont été convertis en un seul logement –, se veut aujourd’hui une référence en matière de stratégie écologique en milieu urbain.

L’immeuble, construit au tournant du siècle dernier, nécessitait une rénovation en profondeur. À commencer par des travaux à la structure pour supporter les charges créées par le réaménagement des logements et par l’ajout d’une mezzanine donnant sur le toit, mais aussi pour corriger d’importantes déficiences structurales. La remise à neuf de ses principaux systèmes (électricité, plomberie, chauffage) s’imposait également. Quant au logement du rez-de-chaussée, à vocation locative, il serait rénové dans la même foulée.

 

Des choix sains
Écologistes convaincus, les jeunes propriétaires ont naturellement choisi la voie écologique pour leurs travaux. Leur projet intégrait de nombreux aspects dits verts, telles la géothermie, la captation des eaux de pluie, la gestion de l’eau potable, l’efficacité énergétique, la végétalisation de la toiture et l’utilisation de matériaux sains. Il visait en outre la réutilisation, le recyclage et la revalorisation des matières résiduelles.

Une promesse tenue puisque, dans son rapport sur la gestion des déchets CRD (construction, rénovation, démolition) dans le projet Cuvillier, remis à Recyc-Québec, l’architecte Vouli Mamfredis, du Studio MMA, fait état de 30,78 tonnes de résidus détournés de l’enfouissement, soit 55,26 % des 55,71 tonnes de matières résiduelles générées. De ces matières, 28,02 % ont été récupérées, les autres 27,81 % ayant été recyclées ou valorisées.

Le bois récupéré a notamment servi à la consolidation de la structure, à la construction de l’escalier et au revêtement des planchers. Certaines pièces de bois ont également été utilisées pour fabriquer des éléments de mobilier, comme la table réfectoire, les armoires de la cuisine et celles des salles de toilette. Une fraction de la vitre a été intégrée au décor de la salle de bains, alors qu’une partie de la brique a été employée pour revêtir des cloisons intérieures, combler le vide sanitaire et faire des retouches à la maçonnerie.

Le résultat final est saisissant. Faisant écho à l’ère industrielle avec ses conduits apparents, avec ses poutres magistrales, ses planchers de béton ou de bois, son escalier de bois et de métal, sa combinaison de matériaux neufs et usagés, l’immeuble de la rue Cuvillier est une réussite tant sur le plan architectural qu’environnemental.

 

Des contraintes inévitables
La mise en œuvre de ce projet s’est toutefois avérée délicate en raison notamment de contraintes liées à la déconstruction, à la disponibilité des matériaux et à la logistique des travaux en général. « Il s’agissait d’un petit chantier en milieu urbain où, par définition, l’espace est restreint, ce qui a rendu complexe le tri des matériaux et leur préparation », fait remarquer Vouli Mamfredis.

Il a été possible de dénicher auprès de Théolis Transport des conteneurs adaptés à l’exiguïté du chantier afin de recevoir les matières destinées au recyclage ou à l’enfouissement. Cependant, les clients ont dû entreposer temporairement, chez eux et chez leurs parents, les matériaux devant être intégrés dans le projet. « Les travaux devaient être soigneusement planifiés car, à chaque étape, il fallait préparer le bois, le nettoyer et le sabler, mais aussi le huiler là où la structure devait demeurer apparente », précise André Fiset, de Construction BFG, l’entrepreneur général associé au projet.

La recherche de bois certifié écologique ou simplement récupéré, pour combler les besoins de la nouvelle structure, s’est avérée ardue. Les intervenants – architecte, entrepreneur, clients - ont constaté qu’en ville, le bois récupéré est plus cher que le bois neuf. Ce n’est qu’à Charlemagne qu’ils ont pu trouver, à un coût raisonnable, les pièces de grandes dimensions nécessaires à leurs besoins.

Le temps s’est également avéré un facteur prépondérant dans la réussite de ce projet. Histoire de maîtriser les coûts du projet, les clients ont consacré pas moins de 3 000 heures à la déconstruction et aux travaux de finition. « Grosso modo, on peut dire que la déconstruction exige presque trois fois plus de temps qu’une démolition conventionnelle, estime André Fiset. Comme il s’agit de travaux réglementés, on imagine la facture s’ils avaient été accomplis par un entrepreneur qualifié. »

Malgré ces inconvénients, Vouli Mamfredis se dit confiante de voir la rénovation écologique gagner en popularité. Elle constate non seulement un changement dans les mentalités à cet égard, mais elle est également convaincue que l’évolution des techniques de construction aidant, ce type d’intervention deviendra de plus en plus rentable. Elle croit même que certaines stratégies, comme la géothermie, la déconstruction et la récupération de la chaleur provenant des eaux grises, deviendront bientôt la norme en rénovation résidentielle.

7 faits saillants écologiques
  • Captation des eaux de pluie : installation d’une citerne en lieu et place du vide sanitaire et végétalisation de la toiture
  • Cuvettes à double débit
  • Matériaux sains et recyclés, dont du gypse contenant 99,5 % de matières recyclées et des finis à faible émission de COV
  • Substitution de 50 % du ciment Portland par le Calsifrit, un ajout cimentaire innovateur
  • Sources d’énergie alternatives : géothermie, solaire passif, récupération de chaleur et, éventuellement, panneaux photovoltaïques
  • Gestion des résidus de construction : 55,26 % des matières résiduelles détournées des sites d’enfouissement
  • Efficacité énergétique : isolation et étanchéité supérieures