Innovation éconergétique au Centre civique de Dollard-des-Ormeaux

Le Centre civique de Dollard-des-Ormeaux est aujourd’hui pourvu d’un système mécanique qui a valu plusieurs honneurs à ses concepteurs Kateri Héon et Pietro Guerra, tous deux du bureau de Montréal de la société de génie-conseil exp. À telle enseigne qu’ils se sont hissés au sommet des reconnaissances attribuées à l’occasion du gala annuel de l’ASHRAE, tenu en janvier dernier à Chicago. 

L’innovation technologique est à la fois subtile et prometteuse. « Nous avons remplacé le réfrigérant R-22 des systèmes de réfrigération des trois patinoires du Centre civique de Dollard-des-Ormeaux par du CO_2, explique Pietro Guerra, directeur Mécanique-électricité chez exp. Mais surtout, et c’est là que nous avons innové, nous avons sorti le réfrigérant de la salle mécanique. » 

Subtile, parce que le CO₂ est un réfrigérant régulièrement exploité dans le secteur industriel. Le hic, c’est que jusqu’à tout récemment, son utilisation à l’échelle institutionnelle ou commerciale n’était que très peu envisagée, soit pour des raisons économiques ou techniques. 

Prometteuse, parce que l’utilisation du CO₂ comme réfrigérant présente plusieurs bénéfices environnementaux. Pietro Guerra explique : « Le CO₂ est une molécule naturellement présente dans l’air, qui ne nécessite pas de processus de fabrication. Mieux encore, c’est un sous-produit industriel que l’on cherche à valoriser. De plus, le CO₂ est beaucoup moins dangereux pour la santé et l’environnement que les halocarbures typiquement utilisés en réfrigération. » 

Le contexte

Pour Dollard-des-Ormeaux, le Règlement sur les halocarbures du gouvernement provincial exigeait le remplacement, d’ici 2020, du réfrigérant R-22 par un produit plus écologique, soit l’ammoniac, un HFC ou encore le CO₂. En mai 2010, exp a été mandaté pour développer une solution à cet effet. 

À la suite d’une analyse comparative, la firme d’ingénierie a conclu que le CO₂ présentait des avantages considérables pour le Centre civique. Et ce, parce que la haute température des rejets de chaleur associés à ce réfrigérant pouvait être mise à profit dans un bâtiment rempli d’équipements existants, justement conçus pour fonctionner avec de hautes températures. D’autant plus qu’au-delà des gains énergétiques et environnementaux, l’utilisation du CO₂ permettait, dans ce cas, d’éviter l’installation d’une tour d’eau. 

Faut-il également rappeler que le CO₂ est une substance moins nocive que l’ammoniac et que son utilisation est plus permissive. Ainsi, pour maximiser les échanges thermiques provenant du côté chaud du système de refroidissement des patinoires, exp a choisi de sortir le CO₂ de la salle mécanique pour l’amener directement dans des serpentins de chauffage à contact direct. Pour ce faire, il a d’abord fallu valider auprès de la Régie du bâtiment (RBQ) si une telle chose était possible. Puis, après une analyse exhaustive du contexte réglementaire, exp a conclu que cette option était réaliste. 

L’approche préconisée avait aussi l’avantage de favoriser un échange thermique plus performant et d’exploiter la très faible viscosité du CO₂. Par conséquent, sur de grandes distances, on a pu éviter l’installation d’équipements de pompage supplémentaires. 

La solution

Le Centre civique de Dollard-des-Ormeaux fait 21 000 mètres carrés. Il compte trois patinoires de taille réglementaire à la Ligue nationale de hockey (LNH), une piscine de taille semi-olympique, un bassin de natation, un gymnase, une salle aérobique, les locaux de l’hôtel de ville, une bibliothèque municipale et un centre culturel. 

Suivant les transformations effectuées pour éliminer le R-22 et moderniser les équipements, les rejets de chaleur issus du processus de refroidissement (220 °F) servent maintenant à chauffer une boucle d’eau à 180 °F, qui dessert le préchauffage de la surfaceuse et de l’eau chaude domestique, de même que le chauffage de l’air frais des vestiaires et de l’eau des piscines. 

La chaleur résiduelle, dont la température varie entre 120 et 130 °F, est quant à elle utilisée pour chauffer l’air des gradins des arénas, maintenus à 55 °F. De cette façon, 100 % des rejets de chaleur des compresseurs des patinoires sont exploités. « Depuis l’installation du système, note Pietro Guerra, la chaudière de 400 kW destinée au chauffage de la piscine a rarement démarré. » 

Il faut dire que selon des recherches effectuées par Canmet ÉNERGIE, le rendement du CO₂ peut être plus faible en période estivale, mais son rendement annuel outrepasse cette faiblesse saisonnière. Ainsi selon Pietro Guerra, « le CO₂ demeure le réfrigérant le plus performant globalement pour le Centre civique. » 

Les équipements

Pour obtenir les équipements nécessaires à l’implantation d’un tel système, l’équipe d’exp a dû concevoir un devis de performance. « Les équipements dont nous avions besoin n’existent pas sur le marché, précise Pietro Guerra, ils ont été assemblés sur mesure. » Un devis de performance contenant les plages de pression et de température exigées, de même que les rendements souhaités, a donc été publié auprès des fournisseurs potentiels. 

Le directeur Mécanique-électricité d’exp met toutefois en garde les gens du domaine : « J’invite les ingénieurs qui entament de telles procédures à être prudents. Les données doivent être validées et vérifiées de façon diligente deux fois plutôt qu’une si l’on veut éviter les mauvaises surprises. » 

Le projet a nécessité un investissement de 7 millions de dollars et il a permis de générer des économies de l’ordre de 257 000 $ annuellement, en plus de moderniser des installations vétustes. La transformation des systèmes a été effectuée de juin 2010 à octobre 2012.

* Marie-Ève Sirois est cofondatrice d’Écobâtiment