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Grande-Hermine : déconstruire pour mieux construire

16 juin 2010
Par Marie Gagnon

Déconstruire pour mieux construire : une approche stratégique dans la recherche d’une certification environnementale. Le cas de l’école de la Grande-Hermine, à Québec.

Le 18 septembre 2008, l’école de la Grande-Hermine, dans l’arrondissement Limoilou à Québec, devenait la première école primaire du Québec à arborer le sceau LEED-NC, niveau Certifié. Cette étiquette verte, qui lui a été accolée par le Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa), reconnaissait de ce fait au projet 30 points sur les 38 crédits soumis, cinq mois plus tôt, à l’examen de l’organisme.

Des six points obtenus dans la catégorie Matériaux et ressources, deux concernaient notamment les crédits 2.1 et 2.2, c’est-à-dire ceux visant respectivement la récupération de 50 % et de 75 % des déchets de construction. Des cibles facilement atteintes puisque 98 % du poids total des déchets, soit 22 040 858 kg sur un total de 22 172 138 kg, ont été détournés des sites d’enfouissement.

Cette performance pour le moins spectaculaire, il faut bien le dire, s’explique aisément. Avant de bâtir la nouvelle école, il fallait d’abord raser l’école Saint-François-d’Assise qui, jusque-là, occupait le site et qui était dans un tel état de délabrement que seule sa démolition était envisageable. Mais pouvait-on orchestrer une démolition pure et simple au moment de briguer une certification environnementale ?

Pour Dany Blackburn, chargé de projet chez ABCP, le cabinet d’architecture qui a piloté le projet de concert avec Bisson et associés, poser la question c’est y répondre. « Comme la Commission scolaire de la Capitale voulait faire de la Grande-Hermine un exemple phare de la construction durable, nous avons moussé la déconstruction de l’ancienne école, d’autant plus qu’elle s’y prêtait bien », mentionne-t-il.

 

Démolition sélective

Le vieux bâtiment présentait en effet des caractéristiques susceptibles d’en faciliter le démantèlement. Comme la plupart des bâtiments d’avant-guerre, l’école Saint-François d’Assise était constituée de murs de maçonnerie, d’éléments structuraux en acier, de verre simple, de béton et de bois. Elle ne contenait aucun amiante ni matériau isolant. Bref, des conditions idéales favorisant le tri et la récupération des rebuts.

Un appel d’offres fut lancé à l’automne 2006. « Les documents stipulaient que 75 % des débris devaient être détournés de l’enfouissement et proposaient deux méthodes, soit la démolition et l’acheminement des débris vers un centre de tri ou la déconstruction in situ et le tri à la source, rappelle Dany Blackburn. Cinq entrepreneurs ont manifesté un intérêt, mais seulement trois ont présenté une soumission, dont CFG Construction, plus bas soumissionnaire conforme. »

En janvier 2007, CFG Construction amorçait le démantèlement in situ de la vieille école, opération qui se poursuivra jusqu’en mars. Les éléments de plomberie et d’électricité ayant auparavant été récupérés par la Commission scolaire, les démolisseurs ont donc utilisé de la petite machinerie pour démanteler les plafonds et les murs non porteurs, pelletant à mesure les débris dans une chute à récupération, pour ensuite les déposer dans des conteneurs spécifiques.

Ils ont ensuite procédé à la démolition complète de la structure et de la fondation, puis utilisé une pince installée sur une pelle hydraulique pour trier la brique et le bois. En tout, 176 conteneurs ont été nécessaires pour récupérer les quelque 22 000 tonnes de débris générés par la déconstruction, dont 1 500 000 kg de béton et 17 991 351 kg de brique.

 

Ombre au tableau

Le chantier, quoique peu complexe, ne s’est cependant pas déroulé sans accrocs. « La Ville a notamment exigé de l’entrepreneur qu’il couvre certains débris, soit pour prévenir les risques d’incendie ou pour empêcher la dispersion de poussières, rapporte Dany Blackburn. Elle lui a également interdit de concasser la brique sur place, puisque cela revenait à faire un usage industriel du site, alors que le chantier était en zone résidentielle. L’entrepreneur a également trouvé ardue la recherche de filières pour le verre et le plâtre. »

Il note en outre que le gérant de projet a jugé contraignants les aspects administratifs de la démarche, qui exigeaient de remplir de nombreux formulaires, et la coordination du chantier avec les architectes d’ABCP. Des contraintes auxquelles il s’est somme toute prêté de bonne grâce, considérant que la certification LEED deviendrait, avant longtemps, la norme chez les donneurs d’ouvrage.

Malgré ces irritants mineurs, le chantier s’est déroulé comme convenu, dans le respect des délais et des budgets impartis. La Commission scolaire de la Capitale a ainsi déboursé 207 000 dollars, taxes incluses, pour la démolition sélective de son vieil établissement, soit environ 50 000 dollars de plus que si l’on avait procédé à une démolition en règle. Un surcoût qui s’explique simplement par le temps-homme nécessaire pour exécuter les travaux, explique l’architecte d’ABCP.

Enfin, mis à part quelques matériaux, comme des linteaux intégrés à l’aménagement paysager de la nouvelle école et environ 150 pieds carrés de briques utilisées dans la construction d’un mur intérieur, l’entrepreneur a pu disposer de tout le contenu de l’ancien édifice et, ainsi, réaliser au passage un petit profit.