Par Isabelle Pronovost
L’aménagement de ruelles vertes a depuis longtemps fait ses preuves pour réduire les îlots de chaleur. C’est maintenant au tour des ruelles bleues-vertes de démontrer leur utilité dans le paysage urbain.
Par ses arbres, ses arbustes et ses vivaces, la ruelle bleue-verte se distingue peu, à première vue, d’une ruelle verte. Elle joue toutefois un rôle supplémentaire : la gestion durable des eaux de pluie. Concrètement, il s’agit de déconnecter du système d’égouts les drains des toits plats des immeubles pour amener l’eau dans les cours arrière et les ruelles. Cela permet de diminuer l’engorgement des égouts municipaux — et par conséquent les épisodes de surverses, de débordements ou d’inondation — particulièrement lors de précipitations abondantes.
Bien qu’il s’agisse d’infrastructures peu complexes, l’aménagement de ruelles bleues-vertes comporte tout de même quelques défis techniques. Par exemple, un ingénieur civil devra dimensionner et positionner les ouvrages en fonction des volumes d’eau à traiter, mais aussi des volumes qu’il est permis de rejeter dans le réseau d’égouts selon la réglementation municipale en vigueur. Les ruelles bleues-vertes seront également conçues en partenariat avec un architecte paysagiste, un urbaniste, un biologiste et bien sûr les citoyens, qui sont au cœur de la démarche.
La participation des propriétaires privés et des arrondissements est également essentielle à ce type de projet. Ces deux entités devront se partager non seulement les coûts, mais aussi les responsabilités, notamment au chapitre de l’entretien des plantes. L’adhésion des propriétaires peut aussi représenter un défi parce que les travaux effectués sur leurs immeubles sont souvent assez invasifs.
Des avantages économiques et environnementaux
Les ruelles bleues-vertes ont comme avantage d’éviter des coûts reliés à la réfection et l’agrandissement du réseau municipal de gestion des eaux. « Dans un contexte où le réseau d’égouts à la Ville de Montréal fonctionne déjà à pleine capacité, on a des surverses à chaque événement de 10 millimètres de pluie environ, explique Vincent Ouellet Jobin, chargé de projet et développement au Centre d’écologie urbaine de Montréal. Donc en enlevant de l’eau au système, on participe à la réduction du nombre de surverses, ce qui permet aussi d’épargner des travaux de réseaux d’égout. »
En outre, grâce aux végétaux et à leur système racinaire, les bassins de biorétention traitent l’eau qui s’y infiltre; ils la débarrassent de certains polluants et de matières en suspension. Ce sont donc des ouvrages qui permettent de gérer à la fois quantitativement et qualitativement les eaux pluviales. Ces aménagements contribuent également à la réduction des îlots de chaleur et à la création d’habitats pour la faune. « Et si jamais le projet arrivait à s’étendre, on pourrait imaginer bien plus que des habitats : des corridors fauniques et floristiques, des trames vertes et bleues », rêve Pascale Rouillé, urbaniste et présidente des Ateliers Ublo.
Des incitatifs financiers et réglementaires
Pour que de tels projets puissent se multiplier, les deux experts conviennent qu’une réglementation adéquate doit être mise en place, notamment pour permettre le partage d’infrastructures entre le domaine privé et le domaine public. Montréal l’a fait avec son règlement 20-030 et d’autres villes pourraient s’en inspirer.
Il pourrait aussi être opportun d’imposer l’aménagement de ruelles bleues-vertes aux propriétaires d’immeubles projetés, plus faciles à réaliser que pour des immeubles existants. « Pourtant, les bâtiments déjà construits sont ceux qui vont participer le plus à la surcharge de nos réseaux d’égouts municipaux. Donc il y a une urgence d’agir sur le cadre bâti existant, mais à l’heure actuelle, la réglementation ne donne pas trop de prise pour y arriver. »