Par Myriam Drouin
Plus tôt cet automne se déroulait, à Bordeaux, le congrès international de la construction en bois de moyenne et grande hauteur Woodrise. Retour sur cette grand-messe à laquelle participait une importante délégation québécoise, dont des représentants de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l'Université Laval et de Cecobois.
L’édition 2023, qui réunissait quelque 3 000 acteurs de la construction en bois, s’est déployée à travers un programme de conférences et d’ateliers techniques, un salon réunissant plus de 80 exposants ainsi que des visites techniques alliant constructions bois et culture locale.
C’est autour des thèmes Décarboner le bâtiment et la ville avec le bois, Comment favoriser la compétitivité de la construction bois ? et Projets de construction bois de moyenne et grande hauteur du monde entier que se sont articulées les conférences des plénières. Elles ont été suivies par sept ateliers techniques qui se sont déroulés en parallèle autour de sujets tels que la sécurité incendie, la performance acoustique et dynamique des bâtiments en bois, les ressources forestières, l’économie circulaire, la numérisation du secteur ainsi que la sécurisation de l’innovation.
Neutralité carbone
À travers un partage d’expériences et un échange de connaissances, Woodrise 2023 fut l’occasion de faire le point quant aux avancées et réalisations du secteur en matière de construction de bâtiments multiétagés en bois, mais aussi quant aux défis et enjeux qui demeurent à surmonter.
Face à l’urgence à laquelle nous confrontent les changements climatiques, l’usage du matériau bois s’impose naturellement sur les marchés grâce à sa capacité à séquestrer le carbone et à sa transformation peu émissive. La neutralité carbone était d’ailleurs sur toutes les lèvres à Woodrise. Le rôle potentiel du bois pour atteindre cette cible a été reconnu à maintes reprises, tous s’unissant pour dire que ce matériau est une solution incontournable pour décarboner le secteur du bâtiment. Et plus que le bois, les matériaux biosourcés en général, dont les isolants, ont été identifiés comme de puissants leviers pour atteindre cette cible.
Des exemples de villes, comme Vancouver au Canada ou encore Malmö en Suède, qui ont emboîté le pas pour mettre en place des politiques pour décarboner le secteur du bâtiment à travers des plans d’action concrets, impliquant notamment les matériaux bas carbone, ont été présentés.
Du côté de Malmö, le secteur de la construction a pris l’engagement de devenir neutre sur le plan climatique dès 2030. La ville a adopté en 2019 une feuille de route impliquant près de 200 parties prenantes du secteur, que ce soient des fournisseurs de matériaux, constructeurs, entrepreneurs, architectes, consultants ou universitaires.
Pour plusieurs, il est ressorti du congrès que la réglementation demeure toutefois un frein à l’usage du bois. Bien que les codes et normes aient évolué pour soutenir cet usage, on estime qu’ils ne sont pas encore suffisamment adaptés pour permettre la conception facile de bâtiments en bois de moyenne et de grande hauteur. Les mesures en matière de sécurité incendie se dressent parmi les défis rencontrés.
Plusieurs ont exprimé le souhait de voir un assouplissement de ces mesures, notamment en diminuant les exigences d’encapsulation par le gypse, afin de permettre un usage plus important du bois apparent, laissant ainsi s’exprimer un autre avantage non négligeable du bois : son esthétisme. Parmi les solutions, certains ont pointé les codes basés sur la performance comme des modèles à suivre. En n’imposant pas de recettes précises, ces codes sont reconnus pour favoriser l’innovation, et donc faciliter le recours au bois. La Suède, où de tels codes sont en place depuis 1994, a été citée en exemple.
Tendances émergentes
Au rayon des tendances émergentes perçues à Woodrise, notons l’utilisation du bois pour l’expansion verticale des bâtiments. Le cas de l’Australie a été mis en lumière, car des propriétaires de bâtiments y utilisent des structures en bois pour ajouter des étages à des bâtiments existants et ainsi valoriser leurs actifs. Dans cet usage, la légèreté du bois devient un atout.
Notons également une ouverture plus grande du secteur vers les structures hybrides. Alors que les premiers bâtiments de grande hauteur en bois construits un peu partout sur la planète ont eu pour effet d’attirer l’attention du monde entier vers le potentiel de cette avenue, on reconnaît de plus en plus que les bâtiments hybrides, bois-béton ou bois-acier, peuvent s’avérer des solutions plus optimales pour l’usage du bois en construction de grande hauteur.
Les bâtiments de moyenne hauteur présentent quant à eux un véritable marché de progression pour le bois, les propriétés de ce dernier étant adaptées aux exigences de ces bâtiments et la taille de ce marché offrant un potentiel immense pour décarboner le secteur.
Du côté des kiosques, celui de Basajaun a particulièrement retenu notre attention. Cette initiative de recherche européenne majeure, sur le thème de la construction durable en bois, est coordonnée par le centre de recherche espagnol Tecnalia. Le consortium comprend 29 partenaires provenant de 12 pays, dont des organismes de recherche et de technologie, des universités, des entreprises ainsi que des organismes publics ou sectoriels.
L'objectif principal était de démontrer comment les chaînes de construction en bois peuvent être optimisées pour favoriser à la fois le développement rural et la transformation urbaine, tout en demeurant connectées à la gestion durable des forêts en Europe. Parmi les principaux résultats, notons le développement des nouveaux matériaux, produits et systèmes de construction biosourcés qui ont été mis en démonstration dans le bâtiment à échelle réelle.
Trois membres de la délégation québécoise à Woodrise commentent leur participation à ce congrès international de la construction en bois de moyenne et grande hauteur.
- Catherine St-Marseille, Architecte Associée, Provencher_Roy : « Woodrise 2023 a été l’occasion de constater l’essor incroyable de la construction en bois massif dans les pays participants. Cet événement constitue pour nous une occasion unique d’échanger avec des fabricants, des ingénieurs, des clients privés, des organismes gouvernementaux ainsi que des chercheurs, et il est essentiel pour la diffusion et le partage de l’expertise afin d’encourager l’utilisation du bois massif dans nos constructions. »
- Jean-François Martel, associé et directeur national de l’expertise, Structure, bâtiment, chez CIMA + : « Woodrise 2023 a mis en lumière les pas de géant faits par l’industrie dans les dernières années pour démocratiser l’usage du bois pour les bâtiments de moyenne et grande hauteur. Les échanges stimulants tenus avec les confrères architectes, ingénieurs, propriétaires immobiliers, chercheurs et fabricants renforcent notre optimisme à cet égard. Travaillons ensemble pour faire tomber d’autres barrières et permettre l'utilisation du bois pour des usages, hauteurs et échelles de bâtiments que nous n'aurions pas osé imaginer jusqu'à présent. »
- Pierre Blanchet, professeur titulaire de la CIRCERB à l’Université Laval : « Woodrise 2023 nous démontre que la volonté politique peut jouer un grand rôle. Alors que la France embrassait le mouvement de la construction en bois de moyenne et grande hauteur lors de la première édition de Woodrise en 2017, à l’édition 2023, nous avons pu constater que le mouvement est bien enclenché. Le pays fait maintenant partie des leaders. »